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Salers de Bourgogne

D’autres schémas possibles !

La race salers continue de gagner du terrain en Bourgogne. A l’origine de son succès : ses facilités de vêlage et sa rusticité préservée. Enclins à la remise en question, les éleveurs de salers de Bourgogne n’hésitent pas à explorer des schémas alternatifs, que ce soit en médecine vétérinaire ou bien sur le plan de la valorisation de leurs animaux.
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Le 27 avril, l’association Salers de Bourgogne tenait son assemblée générale à Champagnat, près de Cuiseaux. Un lieu choisi pour la présence sur place d’un élevage adhérent, en l’occurrence celui de la famille Lyonnais, détentrice d’une quarantaine de mères salers dont la production bio est entièrement valorisée en vente directe (nous y reviendrons dans une prochaine édition). Ce témoignage fut l’occasion d’évoquer l’intérêt économique de la vente directe en race rustique, mais aussi la filière bio.
L’association compte une quarantaine d’adhérents. Pour sa dernière assemblée générale, elle accueillait des éleveurs des quatre départements bourguignons, mais aussi du Loiret, du Jura et de l’Allier. « La salers est l’une des races bovines qui progresse le plus au niveau national et elle gagne notamment du terrain en Bourgogne et dans les départements limitrophes », confiait Olivier Tournadre, technicien du herd-book salers (HBS). La race aurait ainsi progressé d’environ 5.000 vaches à l’échelle nationale pour un total de 215.000 mères. En Bourgogne, la hausse serait de +11 % sur les deux dernières campagnes portant ainsi l’effectif à près de 4.800 mères détenues par 113 élevages de plus de 15 vaches, détaillait le président Jean-Pierre Mauguin. La clé du succès est avant tout la facilité de vêlage de la salers, confiait Olivier Tournadre. C’est en effet en plein hiver que les projets de conversion de troupeaux germent dans les têtes, observe le technicien. Les frais vétérinaires et le critère "Nombre de veaux vêlés par nombre de vaches vêlées" sont les autres motifs du désir de changement de race.

Rustique assumée


La salers est « une race rustique et de grand format » qui s’assume. « Elle ne cherche pas à réduire son squelette, ni son format », reconnaissait volontiers le directeur du HBS, Bruno Faure. Tout dans l’énoncé des orientations de la race semble privilégier la préservation du « moule à veau idéal », avec l’impératif « qu’elle soit capable de nourrir son veau ». A chaque étape d’indexation, « la longueur, le développement, les aptitudes fonctionnelles » que sont « les aplombs, la rectitude du dessus ainsi que la qualité du bassin (largeur, inclinaison) » figurent en bonne place.
58 % des mères sont croisées avec des taureaux charolais pour l’essentiel, donnant d’excellents broutards croisés. Cette conduite originale qui permet d’exploiter habilement les qualités maternelles de la salers combinées aux aptitudes bouchères du charolais, implique de bien savoir trier les futures reproductrices de race pure. Pour cette raison, le HBS promeut le pointage post-sevrage.

Méthodes alternatives


Réunissant des éleveurs qui, de par leur choix de race, ont été amenés à rompre avec les schémas conventionnels, l’association cultive une certaine ouverture aux méthodes alternatives. C’est en ce sens qu’elle avait invité Jean-Pierre Siméon, vétérinaire du GIE Zone verte, lequel a présenté « l’utilisation des médecines alternatives en races allaitantes ». Rappelant en préambule que la rusticité est un atout face aux maladies, le praticien a exposé sa philosophie de la médecine vétérinaire : une approche innovante qui « plutôt que de s’intéresser qu’aux malades, s’intéresse aux individus en bonne santé ». En clair, l’idée est de se placer davantage dans la prévention en faisant en sorte de ne plus être malade, plutôt que de ne faire que soigner, au sens « pompier » du terme.
Les conseils prodigués par Jean-Pierre Siméon rejoignent les principes de la méthode Obsalim. L’observation attentive des animaux dans leur environnement y est primordiale. Avec en tête des principes fondamentaux tels que « la vache est un ruminant qu’il faut faire ruminer ». Ce sens de l’observation, on le retrouve dans l’homéopathie pratiquée dans le cadre du GIE. « On ne soigne pas des maladies mais des individus », résume le praticien qui explique qu’en homéopathie, la médication répond à une somme de symptômes ou comportements exprimés par le malade. Jean-Pierre Siméon évoquait également la phytothérapie, une médecine complémentaire à l’homéopathie qui repose sur des préparations à base de plantes. Un exposé certes un peu déroutant, mais qui a littéralement captivé son auditoire avec des méthodes alternatives qui commencent à bien faire leurs preuves sur le terrain.



Filière bio
Plus-value, demande, mais prudence…


Pleine d’atouts, la race salers a cependant un inconvénient dans ses zones d’expansion : celui de la valorisation de ses produits, mâles magres purs en particulier. Pour ceux qui le peuvent, l’engraissement des jeunes bovins est la meilleure solution. Les broutards croisés charolais sont aussi très appréciés des engraisseurs italiens. Certains éleveurs bourguignons tentent toutefois d’autres voies comme la vente directe (nous y reviendrons dans une prochaine édition) ou encore le bio.
Unebio est une union d’éleveurs, structure privée couvrant toute la France et qui emploie 15 salariés, présentait Hélène Trouvé. Unebio collecte la moitié de la viande bio en France, ce qui représente, outre ovins, porcs et volailles, 18.000 gros bovins, moitié laitiers, moitié viande. La moitié de cette viande est destinée à de la grande distribution (Auchan, Casino, Monoprix). Le reste se partage entre la restauration hors foyer (aléatoire), la boucherie traditionnelle (de petits volumes), les magasins spécialisés (qui constituent une clientèle "difficile") et des marques de distributeurs, détaillait Hélène Trouvé. Les animaux sont payés suivant une grille de prix établie hebdomadairement par des éleveurs et relativement fixe. Dans la filière Unebio, les sorties sont planifiées en amont et les éleveurs sont récompensés pour leurs efforts en ce sens. La plus value s’élève à 30 à 40 centimes d’€ le kilo de carcasse pour des vaches rustiques classées "R=" (de 4,30 à 4,60 €/kg pour 360 à 400 kg de carcasse), indiquait l’intervenante. Les animaux sont abattus, découpés voire transformés dans les abattoirs Elivia, Puygrenier et certains sites Bigard/Charal/Socopa. 70 % du tonnage se destine au steak haché, ce qui est plus élevé qu’en conventionnel, faisait remarquer Hélène Trouvé, qui rapportait également que « les abatteurs ne veulent plus de carcasses de plus de 500 kilos, leur préférant au contraire des formats plus légers ». Un débouché auquel la salers convient bien avec un poids moyen de carcasse de 386 kg et un objectif de conformation "R=". Le volume commercialisé par Unebio progresse de +10 % par an, profitant d’un créneau viande bio qui prend des parts de marché au conventionnel.
Mais ces données encourageantes ne sont pas pour autant une incitation à la conversion, tempérait l’intervenante. En pleine crise, les conversions pour raisons strictement financières ne sont pas un bon plan… D’autant qu’un risque de surproduction n’est pas exclu avec l’écueil de devoir passer des animaux bio en conventionnel, prévenait Hélène Trouvé. Autre mise en garde : un minimum d’autonomie en céréales est indispensable pour envisager de produire du bio, car l’achat d’aliment bio est économiquement inaccessible...




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