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Réforme de la Pac

Dans la dernière ligne droite…

La chambre d'agriculture a consacré sa dernière session à l'information
et à la réflexion, dans la dernière ligne droite d'une nouvelle Pac,
dont les orientations engagent l'agriculture régionale à puiser dans ses
forces et ses atouts tout en remédiant à ses faiblesses.
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« Sortir du formalisme des sessions de la chambre régionale d'agriculture » et surtout donner suffisamment d'éléments d'information et de réflexion aux agriculteurs alors que la réforme de la Pac « est dans sa dernière ligne droite », telle était l'ambition du président de la chambre régionale, Christian Decerle.
Au menu de cette session particulièrement dense, un point sur la future Pac et ses conséquences prévisibles sur les exploitations bourguignonnes, un autre sur la dispersion des résultats économiques des structures agricoles et un troisième sur les stratégies d'action pour le développement de la filière viande bovine régionale.

Le débat franco-français est ouvert


La Pac d'abord. Les échéances se précisent alors que l'on est en pleine phase de « débat franco-français », comme le souligne Sophie Dubreuil, du service économique régional. Tout porte à croire que l'on en saura plus dans quelques semaines et que la messe devrait être dite avant la fin de l'année. Dès lors, il est important de bien cerner les mécanismes et les enjeux des compromis et des choix nationaux qui sont en cours de discussion. L'impact pour la Bourgogne est certes encore difficile à évaluer, comme le notait Christian Decerle : « en fonction des hypothèses, les incertitudes sont nombreuses et le calcul de l'impact positif ou négatif sur la Bourgogne semble donc aléatoire ».
Cette nouvelle Pac est complexe, résultat d'un compromis politique qui a voulu ménager la chèvre et le chou et pourrait bien à ce titre décevoir tout le monde d'une façon ou d'une autre. A suivre tout particulièrement les débats autour du nouveau dispositif des paiements directs, du mécanisme de l'aide découplée et d'une nouvelle notion, la convergence. Cette dernière signe « la sortie progressive des références historiques » à un rythme qui sera défini par chacun des Etats Membres.
En fonction du scenario qui sera privilégié au niveau national, les quatre départements de Bourgogne seront plus ou moins impactés négativement ou positivement.
Au plan national, la surprime des 52 premiers hectares devrait avantager les élevages laitiers, la convergence totale serait favorable aux bovins viande et, dans pratiquement tous les cas de figure, les grandes cultures seraient perdantes...
Mais qu’en Bourgogne, on ne se trompe pas de cible cependant : le vrai sujet de l'équité se situe entre les régions et non entre les productions, le niveau de soutien à l’hectare des zones intermédiaires, et tout particulièrement celui de la Bourgogne, étant un des plus faibles de France.
La balle est désormais dans le camp des politiques et la profession agricole reste tout particulièrement attentive au sort de la PHAE et de l'ICHN. « La sagesse l'emportera-t-elle ? » La question était posée par Jean-Pierre Fleury et la réponse incertaine, tout comme l’est à terme, c’est-à-dire en 2018, l’avenir des Zones défavorisées simples. Les élus de la chambre régionale entendent peser en tout cas pour faire entendre la voix de la Bourgogne, dans un débat vif dans lequel nombre de curseurs ont d’ores et déjà été arrêtés comme la surprime des 52 premiers hectares. Pour la région, il convient d’en minimiser les impacts négatifs et obtenir la reconnaissance des actifs, alors que la Pac reste ancrée sur les hectares davantage que sur le travail des hommes.

Des marges de manœuvre individuelles


Si la Pac est l'un des enjeux majeurs pour l’agriculture régionale, il faut tenir compte de l'inquiétude des producteurs face aux changements qui se profilent, les règles du jeu sont en train de changer et l'on ne sait pas de quelle marges de latitude disposeront les agriculteurs bourguignons pour assurer leur avenir. Une étude présentée par Hubert Brivet de CerFrance traduit l'ampleur de « la dispersion des résultats économiques des exploitations agricoles ».
Dans chacun des systèmes, bovins viande, bovins lait, grandes cultures, viticulture, on constate une très forte amplitude des résultats économiques entre les moins bons et les meilleurs, et cela sans que le niveau des aides Pac ne présente une influence significative. Cette étude porte sur 2.500 exploitations, un échantillon suffisamment représentatif pour être fiable. Les raisons de ces disparités sont multiples, mais certaines se recoupent comme la surface, la taille de l'exploitation, notamment en grandes cultures. Deuxième facteur déterminant, la productivité de la main-d'œuvre, là encore niveau du résultat est corrélé au niveau de productivité et cela quelle que soient les productions. Cette productivité se traduit en termes de mécanisation, d'organisation du travail, de conduite technique, de gestion de la main-d'œuvre... En revanche, le niveau de valorisation des produits - qui pourrait être un facteur essentiel - n'apparaît pas comme déterminant, à l’opposé de la conduite technico-économique qui influence le niveau de production, donc la marge et le résultat. Les charges pèsent bien entendu sur toutes les exploitations, l'agriculture s'apparentant à « une industrie lourde qui engage d'importants capitaux ». On constate quand même que des investissements bien maîtrisés et raisonnés paient à terme, dans tous les systèmes.
En conclusion, ce sont la structure de production, le niveau de technicité, la capacité d'adaptation, l'approche de la formation et du conseil qui influencent le plus nettement le revenu. Un constat encourageant pour Christian Decerle, qui note que, quels que soient les arbitrages de la Pac, cette étude montre « qu'il reste des marges individuelles de progrès. Ces résultats nous interrogent aussi sur notre organisation collective pour être et pour agir au plus près des agriculteurs. La compétence technico-économique ne doit certainement pas passer au second plan, elle sera au rendez-vous de la prochaine Pac ».
Invité à conclure les travaux, Jacques Rebillard, vice-président du conseil régional, insistait sur le fait que la Région était bien consciente des enjeux et des défis de la Pac pour la Bourgogne, tout en regrettant « la complexification du dispositif ». Outre ce rendez-vous majeur, d’autres dossiers se profilent à l'horizon régional ; ils concernent la filière des oléoprotéagineux, la relance de l'engraissement, les enjeux sanitaires pour le vignoble, l'autonomie énergétique des exploitations... Des axes de travail communs dans une perspective dynamique, en dépit d'un « cadre financier limité ».



« En ordre de marche dans une approche commune »


Dernier sujet abordé lors de cette session, "la stratégie d'action pour le développement des filières viandes bovines régionales" présenté par François Roze, nouveau directeur de la chambre régionale. L'enjeu est d'importance puisqu'il s'agit de conserver et renforcer la capacité de production régionale au sein de la filière. Le grand Massif central, c'est dix-huit départements, un bassin charolais, un bassin limousin et un bassin sud, soit 15 % de l'effectif des vaches en Europe.
Les enjeux sont connus : le renouvellement des générations, la performance des entreprises et le maintien du potentiel de transformation.
Le renouvellement des générations suppose un nouveau mode de financement des importants capitaux à mobiliser, l'attractivité d'une production qui doit dégager du revenu et un accompagnement soutenu. Mais en attendant, la menace de la décapitalisation plane sur un secteur en crise, lequel voit les naissances progresser moins vite que le cheptel et connaît des problèmes de productivité numérique. Face à un contexte de marchés et de prix difficiles, les effectifs et les exploitations se sont agrandies, mais dans le même temps le revenu a décroché de façon spectaculaire, ce qui rend ces exploitations fortement dépendantes des soutiens de la Pac. Le grand bassin charolais reste spécialisé dans la production de maigre, ce qui oriente l'activité des structures d'aval vers l'export. Sur ces marchés fortement concurrentiels, souvent limités ou à risques financiers, le joker politique détermine la perte ou le gain. Difficile pour les entreprises d'aval de trouver leur équilibre entre un marché de l'export fluctuant et une consommation intérieure très ciblée sur certains produits alors que l'engraissement peine à se développer. Reste, insistait Christian Decerle, que les organisations doivent « se mettre en ordre de marche au sein de la filière pour avancer sur une approche commune » pour mettre l'offre en face de la demande, qu'elle soit interne ou externe.