Accès au contenu
Portes ouvertes Farminove SENOZAN
Hygiène en cave

De l’eau, oui mais pas de trop

Dans un souci de sécurité de santé du consommateur, l'hygiène en cave est indispensable. Ainsi, les nettoyages doivent être effectués avec de l'eau potable... tout en limitant la consommation pour des raisons de coût mais aussi d’environnement !
Par Publié par Cédric Michelin
2406_Lavage_Pulverisateur.JPG
Lors de la journée technique organisée en juin dernier par l’Institut français de la vigne et du vin, Sébastien Kerner de l’IFV d’Epernay a abordé l’utilisation de l’eau dans une cave viticole. « L'utilisation de l'eau dans les différentes phases de nettoyage des équipements et des sols permet de garantir une hygiène optimale indispensable au respect des règles les plus élémentaires de sécurité alimentaire », a-t-il rappelé en préambule. L’eau de nettoyage doit donc être potable et utilisée avec parcimonie. Il est donc nécessaire de rationaliser son utilisation à la cave, en intégrant dans les protocoles d'élaboration différentes mesures visant à limiter les besoins en eau, tant par une conception optimisée des chais - en terme de construction et de choix des équipements et des matériaux - que par les pratiques même des opérateurs. Enfin, une bonne gestion de l'eau mène implicitement à la réduction des volumes d'effluents qu'il faudra, en aval, gérer.
La pollution contenue dans les effluents vinicoles provient soit des composants même du raisin, du moût ou du vin, soit des produits de détartrage et d'hygiène, soit encore des produits intervenant dans la vinification. L’une des caractéristiques majeures des effluents vinicoles est leur grande variabilité. Celle-ci est due à de nombreux paramètres, parmi lesquels le mode de vinification, les équipements mis en jeu (fouloir, érafloir, pressoir, filtres, cuves...) et les pratiques des opérateurs.

Economiser l'eau : une affaire d’habitudes



Réduire les consommations d'eau ne doit pas remettre en cause la qualité du nettoyage et de l'hygiène générale de la cave. Cependant, la sensibilisation du personnel est un facteur important, surtout durant les périodes de vendanges, pendant lesquelles la main-d'œuvre opérationnelle est souvent constituée de personnels temporaires peu qualifiés. Ne pas laisser un robinet ouvert inutilement, réaliser des pré-nettoyages à sec (raclette, balai, brosse), contrôler les installations de manière à s'assurer qu’aucunes fuites visibles ou masquées n'entraînent de pertes d'eau inutiles, sont autant de gestes élémentaires permettant l'économie de l'eau.
Un pré-nettoyage à sec - à l'aide de brosses, de raclettes ou de balais - permet d'éliminer les résidus et les débris solides qui peuvent, d'une part entraîner un colmatage des canalisations, et d'autre part augmenter les quantités de matières organiques rejetées. Ce pré-nettoyage réduit la charge polluante, tout en diminuant considérablement les volumes d'eau à utiliser ultérieurement.
Les bourbes et les lies présentent des DCO* de l’ordre de 150 à 250 gO2/l, d'où l'intérêt de les récupérer pour réduire la charge des effluents à retraiter, soit une réduction de l’ordre de 98 % de la charge totale.
La récupération des terres de filtration permet de réduire la charge en MES* et en DCO ; ainsi, sans récupération des terres (exemple d'un filtre à débatissage hydraulique), les matières organiques et minérales sont évacuées dans les effluents, alors qu'avec une bonne récupération des terres (ex. d'un filtre à débatissage mécanique avec collecte des terres), les flux de DCO peuvent être 35 fois intérieurs, et les flux de MES deux fois inférieurs.
Enfin, les solutions alcalines de détartrage présentent un pH très élevé si elles ne sont pas saturées, et leur déversement dans les réseaux d'eau peut impacter sur la qualité de leur épuration. En outre, les solutions saturées présentent des DCO très élevées, de l’ordre de 200 à 250 gO2/l, impactant fortement sur la charge de pollution à retraiter ; il est donc préférable de réutiliser les solutions jusqu'à saturation, puis de les collecter afin de les faire éliminer, au lieu de les déverser dans le réseau de collecte des eaux usées.

Plusieurs dispositifs de nettoyage



L'optimisation des phases de nettoyage fait intervenir plusieurs facteurs : nature et concentration du produit de nettoyage ; temps de contact ; température de la solution ; nettoyabilité du support et importance de l'effet mécanique.
Ainsi, selon le type de nettoyage à réaliser, le respect des consignes d'utilisation des produits d'hygiène et des équipements - couplé à ces mesures de réduction - permet d'obtenir un résultat équivalent, voire supérieur, tout en utilisant moins d'eau et en limitant la charge.
 Le lavage à haute pression, grâce à un effet mécanique puissant permet de faciliter l'élimination des souillures au niveau du sol et du matériel tout en consommant une faible quantité d'eau.
 Plusieurs dispositifs permettent le nettoyage intérieur des cuves ; de manière générale, l'optimisation du nettoyage grâce à ce type de dispositifs vient de l'augmentation de l'effet mécanique.
 Le canon à mousse permet de générer de la "mousse" à partir du produit de nettoyage (parfois additivé d'un adjuvant) sous l'action d'injection de gaz. Cette mousse va avoir pour effet de s'accrocher à la surface à nettoyer et ainsi d'augmenter le temps de contact et l'efficacité du lavage, notamment dans le cas des parties verticales.
 L'eau chaude permet notamment le décrochage du tartre des parois des cuves, limitant ainsi le recours à des solutions basiques de détartrage ; l'emploi d'eau chaude doit cependant être raisonné en prenant en compte, outre l'économie d'eau et de produits d'hygiène, la consommation énergétique et la sécurité de l'utilisateur.
 Système d'adoucisseur : la dureté de l'eau résulte du contact des eaux souterraines avec les formations rocheuses. La teneur en calcium intervient sur les propriétés tensioactives de l'eau rendant ainsi plus difficile d'élimination des souillures et diminuant l'efficacité des opérations de nettoyage. Il est également possible de procéder à une carbonatation de l'eau par adjonction de gaz carbonique ; cette application est notamment intéressante dans le cadre du rinçage après détartrage des cuves.
 Traitement à l'ozone : l'ozone, parfois appelé "oxygène activé", est un composé naturel présent dans l'atmosphère à faible concentration. Utilisé pour les opérations de nettoyage et de désinfection des chais, l'ozone présente plusieurs propriétés : désinfectant (levures, moisissures, bactéries, virus, protozoaires), élimination des mauvaises odeurs des eaux brutes (élimination du sulfure d'hydrogène), destruction des composés phénolés, des détergents. Pour une action désinfectante, la teneur en ozone dans l'eau est généralement comprise entre 0,4 et 1 gramme par litre. Cette opération peut être réalisée par un générateur mobile, qui se branche directement sur une vanne d'eau. Plusieurs applications peuvent être envisagées : nettoyage des barriques, stations de nettoyage en place, nettoyage des surfaces (sols, murs, plafonds). Cette technique, alternative ou complémentaire selon les cas aux méthodes classiques, peut permettre de limiter l'utilisation des produits chimiques, ainsi que la quantité d'eau (peu voire pas de rinçage).
 Auto-laveuse : employée dans le nettoyage industriel, leur utilisation dans les industries agroalimentaires est en plein essor. Ces appareils permettent l'application d'un produit de nettoyage tout en apportant un effet mécanique par des brosses ou des disques. L'aspiration et le recyclage des solutions de nettoyage limitent les consommations d'eau et les rejets d'effluents.

Un support est d'autant plus facile à nettoyer qu'il présente une surface lisse. Par exemple, le revêtement des surfaces en ciment avec des résines époxydiques, le type de finition de l'inox, ont une incidence sur toutes les opérations de nettoyages des cuves. En outre, la facilité à nettoyer des surfaces et des équipements réduit le temps d'intervention de la main-d'œuvre requise. Ainsi, la nettoyabilité doit être intégrée dans les outils d'aide à la décision, dans le cadre d’un programme d’investissements.
Récupérer les produits d'hygiène
Un inventaire des données environnementales relatives aux produits d'hygiène utilisés en œnologie a été réalisé par l'IFV en 2003. La première information est que les pH sont soit très bas (< 1) soit très hauts (> 11,5). En conséquence, un déversement de ces produits, même dilués, dans le réseau affectera l'épuration des eaux usées. Il convient donc d'envisager la récupération et la réutilisation jusqu'à saturation des produits de détartrage. En revanche, la DCO des produits peut sembler parfois élevée (300 à 400 gO2 par kg de produit pur), mais leur utilisation en dilution (inférieure à 10 % en générale), rend cette DCO relativement faible, par rapport à la DCO d'un effluent vinicole ; en conséquence, la DCO d'un effluent est essentiellement dû aux souillures dissoutes par le produit, et non au produit lui-même.

Comme on le voit, les mesures de réduction de la consommation d'eau doivent également s'accompagner de mesures de réduction des charges organiques potentiellement polluantes, notamment l'optimisation de la récupération des sous-produits (éléments solides, bourbes, lies) et des produits de nettoyage (solutions de soude en particulier).
Ainsi, la mise en place d'une solution visant à procéder au traitement épuratoire des effluents vinicoles n'en sera que simplifiée.

(*) Caractérisation de la pollution
MES (Matières en suspension)
DCO (Demande chimique en Oxygène)