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Cochenilles floconneuses

De l’érable à la vigne

Depuis 3-4 ans, les vignes au nord du Beaujolais et au sud du Mâconnais
voient une cochenille floconneuse proliférer. Il s’agit de neopulvinaria
innumerabilis
. Chaque femelle est capable de pondre jusqu’à 8.000 œufs.
En plus des pertes de récolte et du risque de transmission du virus de
l’enroulement, les parcelles infestées voient se répandre un miellat,
propice au développement de la fumagine. Ce champignon rend les feuilles
et grappes « noires comme du charbon », pouvant provoquer des
déviations aromatiques des vins si rien n’est fait.
Par Publié par Cédric Michelin
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« Le phénomène neopulvinaria touche quelques parcelles du nord Beaujolais, sur les cantons de La Chapelle-de-Guinchay mais également des vignes sur Chénas, Fleurie, Villé-Morgon, Saint-Lager… », égrène Caroline Le Roux de la chambre d’agriculture du Rhône. Son homologue conseiller en Saône-et-Loire, Florent Bidaut étend ce secteur « un peu partout jusqu’à Prissé. Les secteurs les plus touchés sont sur Fuissé, Solutré et Davayé ». Provenant d’Amérique du Nord, cette cochenille dite "de l’érable" est une espèce qui a déjà été décrite la première fois dans le Mâconnais à La Roche-Vineuse au début des années 1990. « Jusqu’à présent, les experts disaient que sa présence était ponctuelle et qu’il n’y avait pas lieu d’être inquiet ». Arrivée par les flux commerciaux et les échanges de matériel végétal, neopulvinaria remonte la vallée du Rhône vers le Nord.
Mais depuis quatre ans, la population a sensiblement augmentée dans notre secteur. « Les viticulteurs les repéraient à la taille en voyant des chapelets de 30 à 40 cochenilles ».
Les chambres d’agriculture avec les distributeurs locaux –CAMB et CBM– ont donc mis en place des essais sur trois parcelles. A priori, une des solutions serait à rechercher dans la famille des organophosphorés. Problème : « ils ne sont pas doux pour la faune auxiliaire ».
Durant l’été 2011, les essais –suivis par Gilles Sentenac de l’IFV de Beaune et Jean Le Maguet de l’Inra de Colmar– ont mis en évidence « la belle efficacité du Fénoxycarbe », une molécule active dans l’insecticide commercialisé sous le nom d’Insegar (RCI).
Mais attention. Il ne s’agit pas de le pulvériser à n’importe quel moment. Les femelles accrochées sur les bois d’hiver pondent des larves qui ensuite migrent sur les feuilles notamment. C’est lors de cette phase d’essaimage que doit intervenir le traitement. « Ni trop tôt, ni trop tard », entre le stade L1 et L2 du pic des larves. « Seules les parcelles montrant des femelles en quantité importante doivent être traitées », explique Caroline Le Roux (voir photo). Dans le Beaujolais, les organophosphorés commencent à être pulvérisés depuis le 28 juin.

Bio : pas de solution



Les essais se poursuivent. Problème : aucune solution n’est pour l’heure autorisée ou efficace en viticulture biologique. Les firmes développent actuellement des produits à base d’huiles. Ce ravageur peut être maîtrisé par la lutte biologique. Néanmoins, dans le cas de fortes infestations, comme actuellement (larves ou femelles), les auxiliaires ne suffisent pas à maintenir les populations en dessous d’un seuil tolérable.
La chambre d'agriculture du Rhône a pourtant observé « une disparition des populations entre le stade hivernant et le moment où les femelles commencent à pondre. Pour nous, il semble que ce soit des auxiliaires parasitoïdes et prédateurs –notamment une coccinelle non identifiée consommant les œufs dans les ovisacs– qui aient pris le relais sur un certain nombre de parcelles ». Une bonne nouvelle à confirmer. Gilles Sentenac prépare d'ailleurs son rapport.
D’autres dégâts sont aussi induits. Les larves sécrètent du miellat en importante quantité –« qui coule et poisse au sol »– attirant au passage des fourmis mais aussi un champignon se développant en surface des baies. Les grappes deviennent alors noires « comme du charbon ». Des déviations aromatiques sur moûts et vins ont déjà été observées lors des derniers millésimes.


Maîtrise des populations


Dans les années 80, les cochenilles étaient maîtrisées soit par les traitements d'hiver (huiles jaunes et blanches, oléoparathion, colorants nitrés) en repos végétatif, soit par les traitements en végétation (Ultracide, Méthyl Bladan, Ekalux). Pour les traitements en végétation, il demeure les organophosphorés comme Exaq, Reldan, Cuzco et les RCI comme Insegar et Précision. Mais, beaucoup de questions se posent encore : sur l'efficacité, le positionnement, l'impact sur les dégats de l'année en cours, l'évolution des populations, l'origine de ce problèmes... Le service Vignes & Vins poursuit ses essais.





Dégâts directs constatés



Les piqûres de nutrition affaiblissent le cep, provoquant une baisse de vigueur qui peut être importante, ainsi qu’une diminution du rendement. En effet, les cochenilles prélèvent abondamment la sève pour en tirer leur ressource azotée, et rejettent des excréments sucrés (miellat). Ensuite, c’est sur ce miellat que se développe la fumagine (moisissure noire), qui sur feuilles réduit l’activité chlorophyllienne (noircissement des feuilles puis nécroses) et qui sur grappes peut avoir un impact préjudiciable à la qualité des vins (notamment sur chardonnay selon les essais de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire).