De la dolomie en guise de litière
Sur cette exploitation typique du Charollais, toute la surface est en herbe et aucune céréale n’est produite. Côté bâtiments, Didier a fait en sorte de limiter les investissements. Ainsi, le bâtiment principal est celui que son père avait construit. Il comprend 26 places d’étable entravée et un côté stabulation sur aire paillée. Pour faire face à l’agrandissement du cheptel, Didier a préféré opter pour des tunnels. « Cela ne coûte pas cher et c’est tout aussi pratique qu’une stabulation en dur », estime l’éleveur. Ce dernier justifie également son choix par le fait qu’aucun de ses enfants n’est intéressé par le métier. Une donnée qui le dispense de devoir investir dans du durable. En prime, le fait de pouvoir loger ses animaux dans plusieurs tunnels dispersés est un avantage sanitaire non négligeable. Même les assurances jugent moins risqué un parc à plusieurs tunnels, comparé à un unique et immense bâtiment en dur, constate Didier.
A la fois litière et amendement
Comme nombre d’éleveurs en Saône-et-Loire, Didier est confronté à la flambée du prix de la paille. Une contrainte qui l’a amené à réfléchir à des solutions alternatives. C’est son marchand d’aliment - les établissements Guichard de Chalmoux - qui lui a parlé de la possibilité d’incorporer de la dolomie dans la litière des animaux. Le fournisseur vendait déjà de la dolomie en tant qu’amendement minéral carbonaté. Or, bien que les sols de l’exploitation de Didier soient de type argilo-calcaires, un amendement minéral est nécessaire. Le calcaire de ces terres n’est en effet pas assimilable, ce qui se traduit par un pH bas, explique l’éleveur. La dolomie offrait une opportunité d’alléger la facture de paille tout en incorporant au fumier un amendement carbonaté.
« Ne passe pas dans la pailleuse… »
Durant l’hiver dernier, Didier a utilisé 50 tonnes de dolomie pour la litière de ses animaux. Le produit d’origine minéral était épandu par-dessus la litière paillée, plusieurs fois dans la saison. A chaque épandage, Didier en mettait une couche de quelques centimètres d’épaisseur. Une fois la dolomie épandue, le paillage quotidien pouvait être interrompu durant une semaine.
A l’usage, la mise en place de ce substitut de paille s’est avérée problématique. Lourde, cette roche tendre broyée « ne passe pas dans la pailleuse. Il faut entrer dans la case avec le tracteur et saupoudrer la dolomie au sol à l’aide du godet », regrette l’éleveur. En outre, pour que le fumier soit homogène en termes d’amendement, il faut veiller à bien répartir la dolomie dans la litière au fil de la saison. Des manipulations fastidieuses alors que l’astreinte est déjà très forte en hiver, fait remarquer Didier.
Une litière plus ferme…
Hormis la difficulté d’épandage, la dolomie n’a pas généré d’inconvénient particulier aux yeux de l’éleveur. Les bêtes se sont révélées très propres. « Cela donne une litière beaucoup plus ferme. La dolomie ne fait pas de boue lorsqu’elle est humide », indique Didier. Au curage, le fumier n’a pas le même aspect. « Il est beaucoup plus lourd, mais aurait tendance à s’épandre mieux car il se déferait davantage », décrit l’éleveur. Le fumier retiré des stabulations est stocké en bout de champ pour un épandage en fin d’année. Avec des quantités relativement importantes, l’éleveur parvient à fertiliser toute son exploitation avec cet engrais naturel.
Copeaux de bois en complément
Parallèlement à l’usage de dolomie, Didier a voulu essayer le bois déchiqueté. Pour ce faire, l’éleveur a coupé des « vernes » (aulnes) de bord de rivière. Un bois blanc qui, contrairement au chêne, est idéal pour un usage en litière, commente Didier. Pour le broyage, l’éleveur a fait appel à un entrepreneur qui déchiquète des plaquettes de bois pour le chauffage. Ce dernier était intervenu lors d’une démonstration organisée par la chambre d’agriculture à Fontenay l’an dernier. A l’usage, il s’est avéré que le bois à broyer devait être présenté sous forme de perches de taille conséquente (jusqu’à 37 cm de diamètre). Un bois de haie suffit à peine, constate l’éleveur. La prestation a été facturée 8,50 € HT le mètre cube broyé. Didier en a alors fait déchiqueter 55 mètres cubes.
Valeur et homogénéité du fumier à préciser
Comme la dolomie, les plaquettes de bois se sont avérées fastidieuses à mettre en place dans les stabulations. Didier les a utilisées en complément de la dolomie et de la paille. A l’instar de la dolomie, la litière à base de copeaux de bois « absorbe bien » et s’avère « plus ferme », constate l’éleveur.
Pour ce dernier, les deux produits « vont bien en litière ». Par contre, si la dolomie a l’avantage de conférer des qualités d’amendement au fumier, Didier s’interroge en revanche sur la valeur du fumier contenant des copeaux de bois. L’éleveur émet également des réserves quant à l’homogénéité du fumier à épandre.
A ce stade, Didier pourrait bien continuer à utiliser de la dolomie en litière. Le produit livré vrac lui a été facturé 44 €/tonne. Comme il le fait remarquer, le produit lui reviendrait au même prix s’il devait l’épandre directement comme amendement sur ses prés. Reste à préciser l’efficacité réelle de la dolomie en comparaison d’un autre amendement carbonaté. Autre attente de Didier, trouver un système plus commode pour épandre la dolomie en litière.
Dolomie
En amendement et en litière
L’idée d’incorporer de la dolomie dans la litière des animaux est apparue l’été dernier dans le Poitou-Charentes. C’est là que se trouve l’une des rares carrières de dolomie du pays (société Iribarren dans la Vienne). Avec une coopérative du secteur (Coréa 86), des éleveurs se sont mis à utiliser de la dolomie en litière dans un rayon d’une centaine de kilomètres autour de la carrière. Cette proximité permet de contenir le tarif de la dolomie à moins d’une trentaine d’euros la tonne. « La dolomie est obtenue à partir de sables dolomitiques. C’est un amendement riche en carbonate et magnésie. On s’en sert pour lutter contre les carences en magnésium et pour augmenter le pH. Elle a un fort pouvoir d’absorption », commente Pascal Rousseau, de Coréa 86.
Caprins, ovins et porcs
La dolomie donnerait également de bons résultats avec les petits animaux. Comme elle enrobe les excréments, la dolomie permet de garder les chèvres et les moutons propres tout en diminuant les odeurs. Pour les porcs, il semblerait que la dolomie ait aussi un intérêt pour le fonctionnement digestif. Ingurgitée par les cochons, la dolomie semblerait même agir comme un pansement intestinal.
A l’essai dans le Charollais…