De nécessaires évolutions de l'assurance prairie
Les conséquences du changement climatique sont de plus en plus visibles et concrètes. Après la terrible sécheresse 2018, la Saône-et-Loire a subi une nouvelle année climatique particulièrement sèche en 2019. Ce qui n’est pas sans poser de nombreuses questions (agronomique, technique…). Des mises au point semblent plus que jamais nécessaires aussi côté assurance devant faire face à la répétition des aléas climatiques. Zoom sur la situation en élevage et prairies avec les réponses et pistes de réflexion du Crédit Agricole Centre Est et de Pacifica.

Concernant l’Assurance prairies, on entend des mécontentements et des informations contradictoires sur le terrain. Pouvez-vous tirer cela au clair?
François Fyot : Nous avons pleinement conscience de la gravité de la situation qu’induit la sécheresse sur les exploitations, et fidèle à ses valeurs d'utilité aux territoires le Crédit Agricole Centre-Est s’engage à étudier chaque dossier pour apporter une solution à tous ses clients agriculteurs impactés, qu’ils soient assurés ou non-assurés.
Quant à l’assurance des prairies, nos conseillers sur le terrain entendent beaucoup de choses et leur contraire. Cela mérite une explication approfondie pour rétablir la vérité et lever les doutes.
Pour ceux qui ne connaissent pas le fonctionnement du contrat, il s’agit d’un contrat d’assurance qui assure un capital contre une baisse de production fourragère, mesurée par un indice satellitaire à l’échelle de la commune.
L’agriculteur choisit son niveau de franchise et de capital assuré. L’indemnité est versée si la perte est supérieure à la franchise, quel que soit le niveau de spécialisation de l’exploitation.
Cette année sur le département de Saône-et-Loire, 82 % des assurés ont déjà perçu une indemnité moyenne de 5.358 € pour une cotisation moyenne nette de subvention de 1.300 €.
L’assurance se base sur un indice satellitaire, mais est-ce qu’il est fiable ?
F.F. : Oui. Cet indice satellitaire, développé par Airbus et utilisé par tous les assureurs, est aujourd’hui la meilleure méthode objective pour évaluer les variations de pertes sur l’ensemble du territoire. Ce n’est pas nous qui le disons, c’est le résultat de mesures réalisées scientifiquement par des instituts techniques indépendants : l’INRA (qui a utilisé un protocole Arvalis), et l’Institut de l’élevage (Idele) qui conduit depuis quatre ans un protocole de grande ampleur sur un réseau de neuf fermes de référence (dont deux sur la Saône-et-Loire) sous la supervision de la Confédération nationale de l’élevage. Les résultats sont indiscutables. La corrélation entre la valeur de l’indice et la mesure de la pousse mesurée sur le terrain est très bonne, quel que soit le lieu.
Ces résultats sont publics. Chaque année ils font l’objet d’une validation auprès du Comité d’analyse des indices qui se réunit sous l’égide du Ministère de l’agriculture, et qui regroupe des experts de l’INRA, du Centre national d’études spatiales (CNES), de Météo-France et de l’Institut des actuaires.
Mais alors, si ça marche techniquement, pourquoi ces mécontentements ?
F.F. : L’assurance des prairies est un contrat subventionné, et donc régulé par un cahier des charges défini par les Pouvoirs publics. Nous sommes prisonniers par cette contrainte qui nous oblige à calculer le taux de pertes en comparaison à une référence historique courte : la moyenne olympique cinq ans, c’est-à-dire les cinq dernières années, en supprimant la meilleure et la moins bonne. Cette référence, bien qu’elle soit connue à la souscription du contrat, n’en demeure pas moins absurde et, ne correspond plus au potentiel de production dans un contexte d’aggravation des événements climatiques où plusieurs mauvaises années se succèdent.
En 2019, le décalage d’un an de la moyenne olympique introduit 2018 dans la référence et conduit à une baisse de cette référence de 13 points. En conséquence, même si nous détectons bien que l’année 2019 est en valeur de production plus faible qu’en 2018, le taux de pertes calculé est moindre. Si nous avions eu l’autorisation d’utiliser sur le département une référence sur 10-12 ans par exemple, le taux de pertes aurait été largement supérieur à celui calculé cette année et aurait déclenché pour 98% des assurés du département !
Qu’en est-il pour les clients assurés ? Ont-ils accès aux Calamités agricoles ?
F.F. : Les règles de gestion des Calamités ont changé depuis 2017. Les agriculteurs assurés sont désormais exclus du bénéfice des calamités. Nous regrettons cette non-équité, d’autant que les agriculteurs assurés cotisent tout autant que les autres pour alimenter ce fonds, par une taxe de 5,5% appliquée sur les contrats d’assurance professionnels.
Cela nous apparaît d’autant plus incompréhensible que cette exclusion n’existait pas avant 2017, et qu’elle est en totale contradiction avec le règlement européen (article 25, 702/2014) qui devrait s’appliquer, et qui stipule que les agriculteurs assurés devraient au contraire bénéficier d’une indemnisation bonifiée par les calamités.
Mais alors que proposez-vous ?
F.F. : Au final, ce n’est pas un problème technique de l’indice. C’est pour l’assureur un problème réglementaire de période de référence inadaptée, ajoutée à un dysfonctionnement des Calamités agricoles qui utilisent des méthodes d’évaluation des pertes et excluent injustement les clients assurés.
Le statu quo n’est plus tenable.
Nous demandons aux pouvoirs publics que, dès 2019, les agriculteurs assurés puissent bénéficier d’une indemnisation des calamités agricoles, déduction faite bien entendu de l’indemnité d’assurance déjà reçue.
Nous demandons que, dès 2020, l’assurance puisse fonctionner avec comme référence une période longue, 10 – 12 ans ou plus (à confirmer agronomiquement).
Nous proposons de profiter des travaux, lancés par le Ministre de l’agriculture cet automne, pour redéfinir sérieusement l’articulation entre Calamités agricoles et assurances.
Le secteur de l’élevage mérite un dispositif public-privé-producteurs plus performant, juste et durable.