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Bretts

De nouvelles pistes de lutte

De récentes études ont permis d'affiner les connaissances sur les
Brettanomyces et sur les moyens de prévenir leur développement,
notamment en ce qui concerne les teneurs nécessaires de SO2 actif et les
procédés de nettoyage des fûts.
Par Publié par Cédric Michelin
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Parmi les levures d'altérations, Brettanomyces bruxellensis est celle qui fait le plus parler d'elle tant sa production de phénols volatils peut provoquer une perte de la qualité du vin. Chute du caractère fruité et des arômes variétaux, apparition de notes animales de cuir, d'écurie, de sueur de cheval : le vin n'est alors plus en phase avec les attentes de la plupart des consommateurs...
Les problèmes liés aux Bretts n'ont pas diminué ces dernières années, malgré le fait que ces levures soient désormais bien connues des professionnels du vin. Pour l'Institut français du vin, plusieurs causes peuvent être avancées pour expliquer ce phénomène. "Le réchauffement climatique et la meilleure gestion des maturités conduisent à une augmentation des pH des vins avec, comme conséquence, un environnement moins austère pour Brettanomyces, donc une meilleure adaptation et un meilleur développement. D’autre part, les professionnels réduisent de plus en plus les doses de SO2 dans les vins. En combinant ces deux facteurs, une troisième conséquence indirecte se dessine : avec des pH plus élevés, le SO2 est moins actif. Or, si on réduit encore les doses, il n’est pas surprenant d’assister aujourd’hui à une recrudescence des problèmes de Brettanomyces ".
Seule une petite fraction du SO2, le SO2 "actif" ou "moléculaire" agit vraiment efficacement contre les Bretts. Une étude de la chambre d'agriculture de Gironde et de la cellule de transfert de technologie de l'ISVV de Bordeaux Microflora s'est penchée sur l'effet de différences concentrations de SO2 actif sur du vin inoculé avec trois différentes souches de Brettanomyces bruxellensis. 30 jours après inoculation, une teneur de 0,6 mg/l de SO2 actif a montré un effet inhibiteur sur deux des trois souches, mais avec 0,8 mg/l l'effet est plus significatif et plus efficace contre la production de phénols volatils. Pour la troisième souche, les populations de Bretts diminuent en plus faible proportion et se re-développent ensuite. L'efficacité du SO2 varie donc selon la souche.
L'étude admet qu'une teneur de 0,8 mg/l de SO2 actif est difficile à maintenir sur des vins à pH élevé. Toutefois la lutte contre les Bretts ne se résume pas au seul emploi d'une dose suffisante de SO2. En amont, il est indispensable d'observer une hygiène rigoureuse sur tous les matériels : machine à vendanger, plafonds des cuves, joints, vannes, robinets de dégustation etc... Pendant la vinification, il faut surveiller la température, éviter les fermentations languissantes, pratiquer des soutirages si le risque de développement des populations devient inquiétant. Le collage ou la filtration permet aussi de réduire les Bretts.
D'autres facteurs de risque sont également à avoir à l'esprit, comme une température d'élevage élevée et l'élevage en fût, un contenant qui peut être insuffisamment nettoyé et désinfecté. Les micro-organismes, dont les Bretts, peuvent plus facilement altérer le vin en barrique, du fait de la porosité du bois. Une étude d'Inter Rhône a montré que les Bretts sont capables de pénétrer dans le bois jusqu'à 1 cm de profondeur après six mois d'élevage.

Des Bretts stressées en "mode survie"



L'interprofession rhodanienne a comparé plusieurs procédés de nettoyage-désinfection sur des barriques très contaminées. Le méchage traditionnel s'est montré efficace, les populations de Bretts ont été éliminées jusque sous le seuil de détection de la méthode employée. L'eau chaude sous pression appliquée avec une canne, l'utilisation de la vapeur pendant 7 minutes ont aussi donné de bons résultats. Les ultrasons haute puissance (Cavitus) ont eu une action en profondeur. En revanche, l'emploi associé de soude et de permanganate n'a pas entraîné une décontamination satisfaisante.
L'eau chaude sous pression, la vapeur, le méchage, les ultrasons permettent de réduire de façon significative les populations de Bretts dans les barriques. Mais attention : "un stress peut provoquer chez Brettanomyces le passage en mode survie (forme Viable non cultivable). Cela les rend non détectables sur boîte de Petri, expliquent Nicolas Richard et Aurore Jolimaître d'Inter Rhône dans "Le Vigneron des Côtes du Rhône et du Sud-Est" du 3 mai 2012. La question est de savoir si les procédés de nettoyage sont vécus comme une agression par les Bretts et dans quelle mesure cela provoque leur passage en mode survie". Après la mise en bouteille, ces Bretts en dormance peuvent se réveiller et se développer à la faveur de la baisse de SO2... De nouvelles méthodes d'analyses adaptées au bois, comme la PCR, sont actuellement à l'étude à Inter Rhône.


Oxygène négatif, chitosane, techniques membranaires...



Inter Rhône a développé avec l'entreprise Bucher Vaslin un procédé pour éliminer les phénols volatils et qui fait appel aux "techniques membranaires". La méthode n'est pas autorisée dans l'Union européenne mais Inter Rhône a présenté un projet de résolution sur ce sujet devant l'OIV qui l'examinera en 2013. Si elle est approuvée par l'OIV, la méthode le sera aussi par l'Union européenne. Inter Rhône teste par ailleurs cette année l'oxygène négatif contre les Bretts. L'oxygène négatif mis en œuvre par le système Vectoclean (Vect'oeur) permet, par la production d'ions négatifs, de "casser" les molécules odorantes. Enfin, autre moyen curatif, le chitosane. Autorisé dans l'Union européenne depuis janvier 2011, ce polysaccaride provoquerait la mort des Bretts par destructuration membranaire.