Des débats venant du Nord
l’élevage, dans les médias traditionnels ou modernes sur Internet. Mais
ces débats "de société" ne sont pas que franco-français. Qu’en est-il
ailleurs. Un récent article a tenté de dresser un panorama. Instructif…

Quatre points communs
Une analyse des controverses sur l'élevage a été réalisée en 2015 dans cinq pays d'Europe - Allemagne, Danemark, Pays-Bas, Espagne, Italie - pour évaluer dans quelle mesure les thèmes et la virulence des débats, les parties prenantes, leurs arguments et modes d'action, diffèrent entre pays. Tout aussi intéressant, dans un marché unique, l’article se penche aussi sur les réponses apportées par les acteurs des filières et les impacts sur l'évolution des modes d'élevages et des segmentations de marché.
En premier lieu, quatre grands thèmes de controverses sont communs, mais exprimés plus ou moins fortement selon les pays. Ce classement des controverses sur l'élevage sépare : impacts environnementaux, bien-être animal, risques sanitaires et modèle d'élevage. Cependant, leur virulence et leur existence même varient d’un pays à l’autre. En France, tous les quatre sont très pertinents, note les chercheurs !
Préfigurant les futures politiques ?
Aux Pays-Bas, les débats concernant l'élevage portent sur l'environnement, problématique la plus ancienne, en lien avec une densité animale très forte, le bien-être animal, sujet devenu central, la santé publique (antibiorésistance, épizooties, zoonoses) et la taille des fermes.
Au Danemark, le trio de tête des controverses sur l'élevage est l'antibiorésistance, le bien-être animal et les impacts environnementaux, la taille d'élevage ne faisant pas débat.
En Allemagne, après une décennie de croissance débridée des productions animales, leur acceptation sociale a diminué de façon spectaculaire depuis le début des années 2010. Les débats sont vifs sur les sujets précédemment évoqués.
En Italie et en Espagne, la sécurité sanitaire est le point d'entrée de la controverse sur l'élevage. Les débats sur le bien-être animal et l'environnement augmentent en Italie, mais restent limités à la sphère scientifique en Espagne.
En sachant que les politiciens ont désormais plutôt tendance à suivre l’opinion du grand public plutôt que celui des professionnels, ces tendances pourraient préfigurer les prochains débats et positions en Europe sur le sujet.
Quels lobbys contre l’élevage ?
Les associations de protection animale et de l'environnement en faveur d'une agriculture biologique et d'une baisse de la consommation des produits animaux sont principalement à la manœuvre, explique l’article.
Les controverses sur l'élevage mobilisent en effet divers acteurs à la fois - associations, filières d'élevage, recherche, pouvoirs publics - qui mettent en œuvre différents modes d'action pour faire avancer leur cause. Les associations de chaque pays se retrouvent au sein d'Eurogroup for Animals (pour la protection animale) et d'European Environmental Board (pour la protection de l'environnement) pour exercer un lobbying commun à l'échelle européenne. Ceci conduit à une perméabilité des controverses entre pays. Toutes partagent un même idéal pour l'élevage : Une production biologique qui vise à respecter l'environnement, le bien-être animal (accès à l'air libre) et la biodiversité ainsi qu’une consommation de produits animaux réduite mais de meilleure qualité.
Pas sûr pour autant que les plus extrémistes s’en contentent lorsque l’on voit les dernières vidéos diffusées en France suite à des maltraitances dans des abattoirs de proximité et en filière biologique AB…
Nouveaux labels de niche
Dans les trois pays du nord de l'Union Européenne étudiés, les associations ont créé des labels spécifiques pour le bien-être animal : Beter Leven (vie meilleure) de Dierenbescherming aux Pays-Bas, Anbefalet af (soutenu par) Dyrenes Beskyttelse au Danemark, Für Mehr Tierschutz (pour plus de protection animale) de Deutscher Tierschutzbund en Allemagne.
Mais partout ce segment de marché reste extrêmement limité en raison des prix élevés des produits. Et au final, même les vegans se retrouvent dans des filières commerciales bien
structurées…car intéressées et organisées en amont par des entreprises proches – voire qui subventionnent – les associations de protection animale et de
l'environnement en faveur d'une agriculture biologique.
Quelles évolutions des pratiques d’élevage ?
Partout, une prise en compte de ces interpellations par les filières d'élevages fait évoluer les pratiques d'élevage. Dans les pays étudiés, la recherche joue aussi un rôle actif dans les controverses sur l'élevage. Elle formule des recommandations et participe à la conception de modèles d'élevage plus durables (Rondel aux Pays-Bas, The Moon Pig au Danemark).
Le pouvoir politique intervient quand la virulence des débats semble nécessiter un arbitrage. Il fixe les lignes directrices pour l'élevage de demain, renforce la règlementation, oriente les subventions pour les éleveurs et les crédits pour la recherche.
Enfin, les acteurs des filières animales (producteurs, transformateurs, distributeurs) ont compris qu'ils ne pouvaient ignorer ces interpellations. Ils agissent sur deux plans : la communication pour rassurer le citoyen et l'élaboration d'initiatives et de labels privés pour proposer aux consommateurs, à des prix abordables, des produits tenant compte de leurs convictions. Ces nouveaux cahiers des charges conduisent à faire évoluer les pratiques d'élevage pour une part significative de la production nationale.