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Sommet de l'élevage 2025
Jean-François Bouillot à Prizy

Des foins de meilleure qualité grâce au séchage en grange

Depuis deux campagnes, Jean-François Bouillot récolte du foin séché en grange. Cette technique certes coûteuse lui a permis de bien améliorer la qualité de son fourrage, au point de voir son rendement fromager et ses marges progresser significativement. 

Par Marc Labille
Des foins de meilleure qualité grâce au séchage en grange
Sur son exploitation herbagère produisant des fromages fermiers, Jean-François Bouillot (ici en compagnie de son fils) met la priorité à la valorisation de l’herbe et aux fourrages de qualité de sorte à acheter le moins d’aliments possible.

Jean-François Bouillot élève un troupeau de 50 chèvres à Prizy dans le Brionnais. Toute la production est transformée et vendue en direct et pour la main-d’œuvre, l’éleveur emploie un saisonnier et fait intervenir le service de remplacement, pour l’équivalent d’un quart de temps. Sur son exploitation brionnaise de 17 hectares de prairies naturelles, Jean-François Bouillot fait en sorte d’optimiser la productivité de son troupeau avec des pratiques qui soient respectueuses de l’environnement. « Je mets la priorité à la valorisation de l’herbe et aux fourrages de sorte à acheter le moins possible d’aliment. Je le fais par conviction et dans un souci de cohérence de système avec son environnement. Je suis engagé dans la démarche AOP Charolais et le cahier des charges impose la production de fourrage sec, ce qui exclut les récoltes précoces par ensilage ou enrubannage », explique l’éleveur.


Pâturage et foin


Le pâturage et un fourrage de qualité sont la clé du système. Passé les mises bas de début mars, les chèvres de Jean-François sortent de début avril jusqu’à début janvier. Le pâturage reste la base de l’alimentation des chèvres. Au printemps, elles vont sur un premier « bloc » de prairie où elles sont conduites en pâturage tournant. Objectif : leur faire brouter « une herbe courte, feuillue, bien appétente », détaille l’éleveur. Une fois la récolte des foins terminée, les chèvres changent de « bloc » pour pâturer les repousses des prairies de fauche. À la fin de l’été, le troupeau gagne un troisième « bloc » où il sera conduit en pâturage continu durant l’automne. Cette rotation par « blocs » à l’année permet de concilier le pâturage avec la production de fourrage et elle aide aussi à lutter contre le parasitisme, explique Jean-François.


Qualité aléatoire…


Pour les foins, n’ayant ni le matériel ni le temps pour le faire, l’éleveur avait pour coutume de faire réaliser ses chantiers par un voisin détenteur de bovins. Mais du coup, il n’avait pas « la main » sur les opérations et la qualité du foin récolté « était un peu aléatoire », confie Jean-François. Ce fourrage souffrait aussi d’un manque d’appétence « qui pénalisait la production laitière quand le pâturage manquait », ajoute-t-il. Les analyses de fourrages ne le satisfaisaient pas et c’est ce qui l’a amené à envisager le séchage en grange. Car la technique autorise des fauches plus précoces, y compris dans des conditions climatiques moins idéales, ce qui permet d’aller chercher une meilleure qualité.
Désormais, Jean-François entame ses foins au début du mois mai, entre les récoltes d’ensilage d’herbe et d’enrubannage chez les voisins. Pour viser le meilleur stade, il se fie aux sommes de températures du bulletin Herb’Hebdo 71, édité par la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire.


Séché moitié au sol moitié en cellule


Le fourrage est « séché moitié au sol moitié en cellule », explique l’éleveur. Une fois fauché, le foin reste deux jours au pré durant lesquels il est fané une ou deux fois pour atteindre 60 % de matière sèche. « Une fenêtre météo de deux jours sans pluie, même sans être forcément très chaude, convient », indique Jean-François. Le séchage en vrac est achevé à l’intérieur dans la cellule (lire encadré). « Je le ventile pendant une dizaine de jours. La ventilation est continue pendant les premières 48 heures puis elle est régulée automatiquement en fonction de l’hygrométrie de l’air et du stade d’avancement du séchage. L’objectif est d’atteindre 85 % de matière sèche », explique l’éleveur. Une surveillance est nécessaire. « Si le temps est vraiment maussade, je ventile tout de même un quart d’heure toutes les deux heures pour éviter que le fourrage s’échauffe. Et je surveille la fin du processus pour savoir s’il faut poursuivre la ventilation au-delà », confie Jean-François.
Le chantier de fenaison est limité par la capacité de séchage de l’installation, ce qui oblige à étaler la récolte durant tout le mois de mai. « On ne peut pas tomber 10 hectares de foin d’un coup ! », fait remarquer l’éleveur.


Matière azotée, énergie, encombrement, appétence


Grâce au séchage en grange, Jean-François estime avoir bien amélioré la valeur alimentaire de son fourrage. La matière azotée totale a doublé, passant de 6,4 % en 2022 et 11-12 % en 2023 et 13 % en 2024. La valeur en énergie a progressé également de 0,56 UFL en 2022 à 0,73 UFL en 2024. L’éleveur signale également une amélioration de l’encombrement qui est passé de 1,14 à 1,05. Ces chiffres résultent « d’une date de fauche plus précoce et d’un mode de conservation qui préserve beaucoup mieux les feuilles de légumineuses », explique-t-il. « Le fourrage est moins grossier, plus feuillu. Il est aussi beaucoup plus appétent », fait valoir Jean-François. Un bénéfice « impressionnant », témoigne-t-il, avec des chèvres qui mangent plus et ne laissent quasiment plus de refus, ce qui était un vrai souci auparavant, relève l’éleveur.


Meilleur rendement fromager


Au terme de deux campagnes de foins séchés en grange, Jean-François constate que la quantité de concentrés consommés par le troupeau n’a pas bougé. En revanche, le volume de lait produit est supérieur, d’où une diminution de la quantité de concentré par litre de lait de – 7 % à 362 g/litre. D’autre part, l’éleveur a constaté une amélioration de la qualité du lait avec de meilleurs taux. Ce qui a permis d’améliorer le rendement fromager et donc le chiffre d’affaires global de l’atelier, estime Jean-François.
Parallèlement, l’éleveur a fait évoluer sa complémentation concentrée en changeant de fournisseur et en adaptant la formule à la nouvelle qualité des fourrages. La baisse du coût de concentré obtenue a permis d’améliorer encore la marge, fait-il valoir.


Précieux contre les aléas de l’année


« Avoir un bon fourrage aide à passer les aléas », complète Jean-François. Au pâturage, lorsque l’ingestion diminue parce que le temps est trop humide comme en 2024, le foin peut être donné en complément pour compenser, explique-t-il. Comme il est très appétent, les chèvres habituées à l’herbe verte ne rechignent pas à en manger. Cela marche aussi pour le pâturage automnal et permet ainsi une bonne persistance laitière, complète l’intéressé qui indique donner du foin à ses chèvres toute l’année, « pour faire un peu tampon ». Dans le même ordre d’idée, il soigne la période de transition durant la mise à l’herbe en augmentant progressivement la durée de pâturage quotidienne.

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Un équipement conséquent pour un petit tonnage

Le séchage en grange a été installé sous un hangar existant. Une seconde charpente métallique a dû être montée pour supporter la griffe hydraulique servant à manipuler le foin en vrac. Une dalle a été coulée au sol. Dessus repose une ossature bois supportant les cellules stockant le fourrage. Ces cellules surmontent des sortes de caillebotis ou circule l’air pulsé par le puissant ventilateur. Jean-François a également investi dans une remorque autochargeuse d’occasion. Avec la griffe portée par un bras de 8 m de long, Jean-François recharge un volume de foin dans le couloir de sa chèvrerie tous les 3-4 jours. Le foin vrac est déposé à l’entrée du couloir et l’éleveur le pousse à l’intérieur à l’aide de son tracteur muni d’un chargeur frontal. La même griffe est utilisée à la récolte pour charger la cellule.
Ce séchage en grange représente un investissement relativement onéreux au regard du tonnage engrangé, convient Jean-François. Heureusement, ce dernier dit avoir été bien aidé dans le cadre du PCAE ainsi que par le biais du GIEE caprin. Le séchage en grange a aussi l’inconvénient de consommer beaucoup d’énergie. Sur ce point, Jean-François est équipé d’une centrale à panneaux solaires fixés sur le toit de sa chèvrerie et de sa fromagerie qui lui permet de produire une partie de l’électricité qu’il consomme.