Des hommes avançant ensemble
Robert Perrin (Gaec du Tinailler à Milly-Lamartine), Gérald Trélat (EARL Trélat à Berzé-la-Ville), Rémi Mauguin (EARL de Margeuil à Berzé-la-Ville), Michel Barraud (EARL Barraud à Sologny) et Guy Desrayaud, viticulteur en cave particulière à Sologny, forment un groupe "Machine à vendanger" au sein de la Cuma La croix blanche. D’autres groupes -Broyeur à sarments, à haies- cohabitent.
Voisins, collègues et amis se mélangent historiquement entre eux, poursuivant l’œuvre des générations précédentes. Cette histoire commune évolue encore au sein de la Cuma. Dans quelques années, avec « nos départs en retraite, on sera en dessous de la trentaine d’adhérents, mais la surface va rester la même pratiquement, voire augmentera de quelques hectares », anticipent Robert et Guy, qui comptent visiblement continuer à faire partie de l’histoire.
Ces cinq viticulteurs réunis exploitent au total une surface avoisinant les 70 ha de vignes, la Cuma compte deux autoporteurs polyvalents (New-Holland ; puissance : 175 ch). Tous deux sont équipés chacun d’une double rogneuse et d’appareils de traitements. La Cuma possède également un tracteur de 90 ch (Lauprêtre) pour les opérations de désherbage, prétaille, effeuillage et tonte (trois tondeuses en tout). Côté matériel, on retrouve enfin : tarière, broyeur à sarments, tête de récolte, semoir à engrais, rampe Berthoud AB Most pour les traitements localisés antipourriture…
L’achat de matériel est dicté par le besoin de renouvellement. Néanmoins, du nouveau matériel vient s’ajouter à la liste : effeuilleuse, tondeuse, char, enrubanneuse.
Vendanges optimisées
Avec l’achat en 1999 des deux porteurs (voir encadré), les Cumistes s’organisent depuis pour les chantiers. « Pour les vendanges, nous travaillons tous ensemble. Nos vignes sont proches les unes des autres, ce qui est un avantage et permet d’optimiser le temps de travail de la machine. Nos parcelles s’étalent dans la vallée entre La Roche-Vineuse et Berzé-le-Chatel », soit sur une distance d’à peine 7 km de long.
Avec Guy Desrayaud, en cave particulière, et les quatre autres viticulteurs livrant à la coopérative des Vignerons des Terres secrètes, les vendanges se déroulent selon le planning de la cave, tout en veillant à « bien s’arranger » avec Guy. La flexibilité et la réactivité sont donc les règles : « on définit le programme de récolte le soir pour le lendemain, mais parfois on s’adapte. On suit surtout la maturité. Nous raisonnons comme une grosse exploitation. Il n’y a pas de pourcentage par exploitation et par jour à vendanger. Le début se fait généralement à La Roche-Vineuse et on remonte Berzé-Sologny. Le chauffeur enchaîne les parcelles, même si ce n’est pas la sienne. Il arrive qu’à mi-vendange, un seul de nous se retrouve avec les deux tiers de ses surfaces récoltés. C’est un risque accepté par les autres, car cela tient à la situation géographique ».
Changement d’habitudes
Une fois le pic d’activité passé, reste à gérer les travaux effectués tout au long de l’année, tout en optimisant les outils au maximum. « Au départ, ce n’était pas évident. Nous étions habitués à partir chacun de notre côté, pour rogner, effeuiller… Il a donc fallu mettre en place des secteurs et un programme de traitement en commun ». Avec cinq conducteurs, les trois machines tournent, tout en permettant encore des roulements par demi-journée. « On commence par les parcelles à l’est pour finir à l’ouest. On arrive d’ailleurs à faire la totalité des surfaces avec une seule machine, ce qui laisse l’autre avec l’AB Most. Les traitements commencent alors 2-3 jours avant chez Gérald, Rémi et Robert et finissent chez Michel et Guy ».
Sur les hauteurs de la vallée, Gérald scrute : « lorsque le temps presse, quand je vois que les travaux sont bientôt finis chez un, j’appelle le suivant ou j’enchaîne. Ainsi, on évite l’arrêt de la machine ». Ce système de fonctionnement permet « un gain de temps certain, même si on n’a jamais fait de calculs », explique Gérald.
« Les derniers ha font la différence »
« On arrive au taquet question surfaces et ce sont ces derniers hectares qui font baisser le coût de revient », explique Robert, calculs à l’appui avec la FDCuma. En terme d’usagers, selon eux, « cinq exploitations, c’est bien. Après c’est plus compliqué ». En effet, des habitudes de travail sont prises et il faut « apprendre le mode de fonctionnement des uns et des autres ». Mélange de générations oblige, certains sont calmes, d’autres moins ; certains sont pressés de traiter, d’autres non. « Ça régule le groupe », explique Rémi. « Ça rassure aussi », enchaîne Gérald. « Notamment, si on a un problème de santé », se rappelle Michel, plâtré, il y a deux ans au moment des vendanges. « Comme ça, il peut partir en vacances », taquine Rémi. Plaisanterie encaissée avec le sourire, Michel complète : « il n’y a pas que les coûts de production à prendre en compte. Il y a le confort de travail, la sécurité, un matériel moderne et fonctionnel… » ou encore « la possibilité d’utiliser les deux machines sur une même exploitation en même temps, si besoin en urgence ». Pas de perte de temps non plus, à démonter/monter des outils. « C’est un travail de groupe », né autour du modèle coopératif, et qui permet de consacrer du temps pour d’autres activités ou engagements professionnels. Finalement, cette Cuma a trouvé son équilibre et s’épanouit à titre individuel et collectif.
1.100 €/ha tout compris
L’entretien est relativement simple. Surtout le matériel est fiable. Les deux porteurs « font quasiment le même nombre d’heures », rythmant ainsi les interventions d’entretien (vidanges…) qui sont faites par Michel et Robert, connaissant bien le modèle.
Au moment des traitements ou des "coups de bourre", « tout ce qui est accessible, on le fait nous mêmes sauf pneus, moteur… ». La Cuma estime à 7 années l’amortissement et change quand ce dernier l’est totalement.
Pour l’heure, rogneuse et pulvé sont amortis. En tout, tête de récolte, porteur, entretien, fuel, assurance… « reviennent à 927 €/ha », a calculé Robert. Le reste du matériel (effeuilleuse, prétailleuse, broyeuse, tarière, tondeuse, AB Most, semoir à engrais) reviennent à environ 150 €/ha. Soit un prix de revient final – « tout compris » – en dessous de 1.100 €/ha (au prix Cuma 2010).
L’écologie appliquée
L’écologie n’est pas oubliée. Avec des itinéraires en agriculture raisonnée, « on traite avec une seule machine et un ordinateur règle la dose en fonction de la vitesse d’avancement (système DPA) », note Guy. Il y a donc un seul fond de cuve et la Cuma est équipée d’une cuve de rinçage. « Rien ne part à la rivière ». 50 à 60 ha sont enherbés et entretenus avec la tondeuse sur Lauprêtre. « Cette facilité de travail permet aussi d’avancer sur l’écologie ».
1999 : le tournant polyvalent
En remontant dans le temps, on s’aperçoit que la Cuma, en 1988, arrivait à un total de 24 ha vendangés à la machine. Dix ans plus tard, en 1998, l’achat d’une deuxième machine à vendanger est nécessaire suite à l’adhésion de Guy Desrayaud. Les surfaces atteignent dès lors 45 ha. Sept enjambeurs et deux machines à vendanger individuelles sont recensés sur l’ensemble des cinq exploitations.
Le véritable « tournant » s’effectue en 1999 avec l’arrivée des premiers prototypes d’autoporteurs polyvalents, chez Bobard et chez New-Holland, où s’équipera alors la Cuma. Ce basculement fut même un « grand saut », se remémorent les Cumistes, puisqu’ils ont alors décidé de "tout" vendre (cinq enjambeurs et deux machines à vendanger). La Cuma achète donc deux porteurs polyvalents avec deux pulvérisateurs et une double rogneuse et deux têtes de récolte.