Des ingérences étrangères déstabilisent l’élevage français
Un rapport de l’École de guerre économique démontre un aspect méconnu de la guerre commerciale entre la France et les États-Unis : le financement des associations animalistes ou environnementalistes au profit des intérêts de la « foodtech ».

La publication d’un rapport de l’École de guerre économique sur les ingérences étrangères « dans la production alimentaire française » va-t-elle entraîner le début d’une prise de conscience ? C’est en tout cas le souhait exprimé par le sénateur Yves Bleunven en introduction de la présentation en décembre dernier dans une salle pleine du Palais du Luxembourg, de cette étude des actions subversives perpétrées sur le sol français et européen et sur leur impact.
« Face aux menées favorisant la décroissance économique sous prétexte environnementaux et à l’agribashing, il n’est plus question de rester passifs », a déclaré l’élu du Morbihan, lui-même ancien dirigeant d’un groupe agroalimentaire. « Les efforts entrepris par les filières ne changent rien aux tentatives de déstabilisation. Celles-ci, comme le montre à nouveau ce rapport, sont largement orchestrées par la « foodtech » américaine, qui promeut les alternatives à la viande », a poursuivi le parlementaire. « Mais tandis que la question des ingérences est prise au sérieux par de nombreux secteurs industriels, comme l’aéronautique, ce n’est pas le cas de l’agriculture et de l’agroalimentaire », déplore Yves Bleunven.
Des sources « ouvertes » et accessibles
Le rapport réalisé par des étudiants de l’EGE, établissement spécialisé dans l'intelligence économique, est principalement focalisé sur les actions de déstabilisation de l’élevage et de l’industrie de la viande. Il établit principalement sur la base de sources « ouvertes » et accessibles, que des associations animalistes sont soutenues par des fonds et des organisations philanthropiques internationales, notamment américaines, pour mener des campagnes de déstabilisation contre la filière agricole française : dénigrement, harcèlement, recours juridiques... L’enquête montre également que les mêmes fonds sont parallèlement impliqués dans le financement de la viande végétale ou artificielle
« Entre 2017 et 2022, l'association L214 a reçu 6,1 millions de dollars en France, dont une part importante provient de l'Open Philanthropy Project (OPP), un acteur majeur de la philanthropie américaine », écrivent les auteurs. « En seulement six ans, les dons de l'OPP à L214 ont triplé, atteignant plus de 3M$ en 2023 ». Depuis 2016, la fondation a alloué plus de 40 M€ à diverses organisations animalistes, principalement en Europe, « afin d’influencer les débats politiques et réglementaires (notamment lors des débats sur la bientraitance animale ou de la directive IED) ». L’activisme anti-élevage et anti-viande des associations animalistes est en outre… financée par l’État français, s’étonnent les auteurs « grâce au système de défiscalisation des dons en France ». « L’État finance la destruction de sa propre souveraineté alimentaire », résument les auteurs.
Des liens pas toujours philanthropiques
L’École de guerre économique pointe en parallèle les liens entre les organisations philanthropiques américaines et les investissements dans les alternatives à la viande. Les auteurs montrent notamment comment les fondateurs des associations Mercy for Animals et PETA ont fondé le Good food institute, chargé de soutenir la « foodtech ». « Entre 2014 et 2023 », ce fonds « a financé la recherche et le lobbying du secteur à hauteur de 21 millions de dollars ». Autre exemple : la Fondation New Harvest, partiellement financée par des fondations philanthropiques, « joue également un rôle essentiel en soutenant la recherche et l’innovation dans le domaine des protéines animales ».
La mise en lumière de ces liens d’intérêt doit amener les pouvoir publics à réagir, ont estimé élus et représentants des organisations agricoles. « La loi d’orientation agricole consacre le caractère d'« intérêt général majeur » de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture », rappelle Yves Bleunven. « Il s’agirait que ce caractère stratégique se traduise dans les faits ». Le collectif Les Z’Homnivores, qui défend en particulier les intérêts de l’agroalimentaire, a appelé, élus et gouvernement, à « lancer une commission d’enquête sur les ingérences étrangères qui menacent notre production alimentaire ». Elle les enjoint également de « garantir la transparence des financements étrangers versés aux associations françaises » ou encore d’alerter les maires de France « sur l’entrisme des associations animalistes sous influence étrangère dans les milieux scolaires ».