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Daniel Voisin à Devrouze

Des méthodes raisonnées et économes

Depuis son installation, Daniel Voisin n’a cessé de faire évoluer son exploitation et ses techniques. Membre du réseau Farre depuis 2001 et agriculteur volontaire de l’Observatoire agricole de la biodiversité, Daniel Voisin a pris ses distances avec les méthodes conventionnelles pour tendre vers plus d’autonomie, diminuer les impacts sur l’environnement et abaisser les coûts.
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Daniel Voisin s'est installé en 1975 à Devrouze. Sur cette exploitation bressanne de cent hectares drainés, il cultive 30 ha de maïs, 17 ha de colza, 16 ha d’orge d’hiver, 16 ha de pois d’hiver, 15 ha de blé et de la jachère. L’exploitation compte également un atelier porcin de post-sevrage produisant 1.700 porcs par an. Dans son système de polyculture-élevage, les deux productions se complètent efficacement et Daniel Voisin joue à fond la carte de l’autonomie. Les cultures fournissent 80 % de l’alimentation des porcs à l’engraissement. L’agriculteur n’achète que du tourteau de soja et le complémentaire minéral et vitaminé. A l’inverse, mélangé à des déchets verts, le lisier donne du compost qui couvre près de 90 % des besoins en phosphore, potassium et calcium des cultures.
Le co-compostage est pratiqué sur l’exploitation depuis quinze ans. Les déchets verts proviennent du Syndicat intercommunal de collecte et d’élimination des déchets. Avec l’enfouissement systématique de toutes les pailles, l’apport régulier de compost a beaucoup fait progresser le taux de matière organique des terres et le pH se maintient à 7, sans apport de chaux, fait remarquer Daniel Voisin.
Cultivés pour l’alimentation des porcs, les pois protéagineux font également économiser 40 unités d’azote pour le colza suivant. L’agriculteur implante en effet son colza derrière le pois d’hiver car l’oléagineux valorise bien l’azote laissé par le précédent.

Volonté de "produire plus propre"


C’est vers 2001 que l’exploitation a pris un tournant. Alors que la crise de l'ESB venait de frapper pour la seconde fois, l’atelier de taurillons a été arrêté. La même année, l’agriculteur bressan décidait de rejoindre le réseau Farre pour Forum de l’agriculture raisonnée respectueuse de l’environnement. A partir de là, Daniel Voisin a fait évoluer ses pratiques avec l’idée de « produire plus propre ». L’agriculteur s’est mis à prendre ses distances avec les méthodes chimiques intégrales en introduisant une part de techniques alternatives. Sensible à la qualité biologique de ses sols et à l’impact de ses pratiques sur l’environnement, il est aussi « membre du réseau de l’Observatoire agricole de la biodiversité ».
Sur ses limons argileux de Bresse, le labour a été abandonné au profit d’un décompactage en profondeur. En évitant ainsi le retournement, l’agriculteur favorise le développement des précieux vers de terre.

Désherbant et anti-limace sur le rang


La disparition de l’atrazine a été un autre facteur décisif dans ce changement de stratégie. Depuis cinq ans, sur ses maïs, Daniel Voisin a restreint l’application d’herbicide aux 25 cm sous le rang tandis que le reste de la surface - l’inter-rang - est désormais désherbé mécaniquement. Cette technique réduit d’un tiers la quantité d’herbicide épandu au sol. Il en va de même avec l’anti-limace, lui aussi épandu uniquement sur la bande de semis. En ne traitant que ces 25 cm, Daniel Voisin abaisse la dose d’anti-limace appliquée à 800 g/ha au lieu de 2.500 ! « Cela ne tue plus les bêtes qui se trouvent entre les rangs », se félicite l’agriculteur. Et c’est aussi moins de temps mort pour réapprovisionner en produit.
Herbicide, anti-limace, insecticide et fertilisant sont appliqués en un seul et même passage en même temps que la reprise du sol et le semis. A l’avant du tracteur de 135 CV, un chisel - grattant la terre à 10 cm de profondeur - supporte une cuve pour la pulvérisation sur le rang. A l’arrière, la herse rotative de 3 mètres est suivie du semoir monograine 4 rangs (75 cm d’écartement) équipé pour fertiliser, épandre l’anti-limace (sur le rang), l’insecticide et l’herbicide (sur le rang).

Binage et rattrapage éventuel


La gestion des adventices de l’inter-rang se fait à la bineuse. Un premier passage est effectué lorsque le maïs est au stade 5 ou 6 feuilles, juste après l’apport d’azote dont le binage limite la volatilisation en enfouissant l’engrais. Un second binage intervient au stade 8 à 10 feuilles. Pour ce second passage, la bineuse accomplit également un buttage des pieds de maïs, « évitant les relevées ».
Avec sa bineuse quatre rangs, Daniel Voisin compte 1 h 30 par hectare pour le premier passage et 1 heure pour le second. « Je travaille à une profondeur d’environ 5 cm et à une vitesse de 5 à 10 km/h », indique l’agriculteur. Cette méthode alternative prend davantage de temps qu’un désherbage chimique systématique. Le coût du binage est à mettre en parallèle des deux tiers de désherbant chimiques économisés.
Un désherbage chimique de rattrapage n’est appliqué qu’en cas de nécessité après les deux binages. « S’il reste des adventices sur le rang, je repasse pulvériser en dirigé », confie Daniel Voisin. Pour cela, l’agriculteur a monté une rampe sur le chargeur avant d’un tracteur. Elle est équipée de pendillards permettant de traiter sous les feuilles de maïs. Par la suite, « l’inter-rang est recouvert par les feuilles qui empêchent le développement des mauvaises herbes faute de lumière », explique l’agriculteur.

Rendements identiques


Depuis cinq ans qu’il applique cette méthode, Daniel Voisin n’a jamais rencontré de problème pour intervenir avec sa bineuse, même en 2013 année très humide.
Satisfait de son système, Daniel Voisin estime « être gagnant au final avec un itinéraire qui revient globalement moins cher et laisse moins de résidus dans les sols ». Grâce à cette stratégie, l’agriculteur confie avoir fait baisser son IFT (Indice de fréquence de traitement) de 28 % par rapport à la moyenne. Les rendements ne semblent pas en pâtir. La moyenne en maïs se situant à 90 quintaux par hectare.
Depuis quatre ans, Daniel Voisin implante son colza avec un écartement de 75 cm. « L’utilisation du semoir à maïs offre une bien meilleure qualité de semis qui compense largement la moindre densité de pieds », confie l’agriculteur. En semant à 75 cm, la dose de semences est abaissée à 25 graines par mètre carré au lieu de 40 à 50. « Un sac de semences fait la journée ! », confie Daniel Voisin. Le rendement est resté identique aux alentours de 40 quintaux.


Innovation à l’honneur


Daniel Voisin est l’un des agriculteurs ayant fait partager son expérience lors des journées Innov’Actions organisées par la chambre d’agriculture en juin dernier. Ce rendez-vous technique a drainé une vingtaine d'agriculteurs sur une parcelle de l'EARL de Montflin, Daniel Voisin, à Devrouze. Thème de la rencontre : les possibilités de produire du maïs à moindre coût et avec moins d'intrants. Outre les méthodes alternatives au désherbage classique, il fut question de la gestion des insectes, de l’implantation des cultures… Trois autres agriculteurs du réseau Déphy EcoPhyto apportaient également leurs témoignages.




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