Des moutons plutôt que des vaches !
Avouant « ne rien connaître du mouton au départ », Damien a mis à profit ce laps de temps pour s’imprégner de cette production aux côtés d’Alain. Pour les deux hommes, le jeu en valait la chandelle. Alain souhaitait « pérenniser sa ferme » et Damien avait tout de suite été séduit par cette exploitation « qui tournait bien, dotée de bons chiffres économiques ». Le tout à cinq kilomètres de l’exploitation de ses parents.
Douze mois à travailler ensemble
Damien et Alain ont choisi de travailler ensemble pendant un an. A défaut de pouvoir bénéficier du statut de parrainage (il aurait fallu que le cédant et le repreneur soient éloignés de plus de 50 km l’un de l’autre), Damien a d’abord opté pour le stage six mois, puis il s’est fait embaucher par son père qui l’a mis à disposition d’Alain le semestre suivant. Ces douze mois de travail en commun ont permis à Alain de transmettre à Damien toute son expérience en matière de conduite ovine. Le jeune éleveur s’est exclusivement consacré aux ovins, gérant ainsi seul tous les agnelages de la saison. Une véritable reconversion du bovin vers l’ovin qui s’est faite sans difficulté ni regret. « Les moutons sont un peu plus techniques au niveau des mises bas. Mais il n’y a pas forcément plus de travail », confie le jeune éleveur.
Frilosité des banques…
En dépit du sérieux dont ont fait preuve, les deux hommes dans cette transmission, Damien reconnait avoir eu beaucoup de mal auprès des banques. Un seul établissement sur quatre a cru à son projet. La production ovine semblant avoir encore mauvaise presse auprès des financeurs. Une réticence visiblement infondée au regard des premiers mois d’installation de Damien : le revenu est au rendez-vous. Sentiment conforté par les chiffres d’Alain durant les années précédant sa cessation. « Sur les dix dernières années, si l’on ne tient pas compte des primes, les résultats de mes ovins ont toujours été meilleurs que ceux de mes bovins », confie ce dernier.
Dessaisonnement et insémination
L’exploitation a été reprise à l’identique de ce qu’elle était du temps d’Alain. Ce dernier s’était lancé dans le mouton en 1976 avec déjà 250 brebis. Au début des années 1990, la troupe atteignait 480 mères. A sa cessation d’activité, Alain a légué à son successeur un parc bâtiment fonctionnel avec une bergerie dotée d’une chaîne d’alimentation automatisée.
L’exploitation commercialise, via le groupement Terre d’Ovins, des agneaux de bergerie issus de deux périodes d’agnelage (novembre-décembre et mars). Féru de technique, Alain avait adopté l’insémination artificielle pour la reproduction dès les années 1980. Un choix pour des raisons sanitaires et de garantie génétique, confie l’éleveur. Tout le cheptel (mâles et femelles) provient d’accouplements avec des semences d’insémination (Charollais ou Île-de-France). Les brebis sont inséminées en juin pour les mise bas d’automne. Des béliers nés dans l’élevage assurent la lutte pour les agnelages de mars. Cette stratégie a permis à Alain de bâtir un cheptel doté d’un très bon niveau génétique. Pour preuve, les trois quarts des agneaux sont classés "U" à l’abattage pour un poids moyen de près de 21 kg (payés 6 € le kilo vif en moyenne en 2012).
Autonomie alimentaire grâce à l’ensilage
Damien dispose aujourd’hui d’un cheptel ovin performant en tout point : 684 agneaux produits pour 550 brebis mises à la reproduction et cela avec un fort taux de renouvellement (22 %). Les performances technico-économiques de l’exploitation tiennent aussi à sa conduite alimentaire. Là encore, le prédécesseur de Damien avait opté pour une stratégie peu commune dans la région : une part importante d’ensilage d’herbe et de maïs permet d’améliorer l’autonomie de la ferme.
Désormais seul maître à bord de son exploitation ovine, Damien devrait continuer dans la voie tracée par son prédécesseur. D’ailleurs, ravi de voir son outil de travail ainsi perdurer, ce dernier est toujours là en cas de besoin. « La base de la réussite, c’est la confiance mutuelle et la transparence », résume Alain Père. Pour les deux hommes, c’est aussi d’avoir eu l’intelligence de construire ensemble un projet de transmission. Une démarche bienveillante et désintéressée pour Alain. Une ouverture d’esprit et une capacité d’adaptation pour Damien.
Mouton
Une alternative sérieuse aux bovins
Le 15 mai dernier, la coopérative Terre d’Ovins (union Global Feder), ainsi que la chambre d’agriculture, avaient demandé à Damien Douhard et à Alain Père d’ouvrir les portes de leur exploitation à Uxeau. Objectif : faire partager un témoignage d’une installation/transmission bien pensée. Mais aussi, dans le cadre de la Reconquête ovine, pour rappeler que le mouton est redevenu une alternative sérieuse aux bovins en système allaitant. « Depuis que le rééquilibrage des aides a eu lieu, le contexte économique est favorable aux ovins et la filière a besoin d'agneaux », informent Laurent Solas de la chambre d’agriculture et Hervé Giraud de Terre d’Ovins. Ce dernier signale d’ailleurs que la coopérative ainsi que l'union Global « proposent des prêts à taux très avantageux permettant de financer une reprise, une augmentation ou une création de troupe ovine ».