Traitements aériens et cicadelle
Des polémiques en l'air ?
Mardi à Juliénas, la Coopérative Agricole du Mâconnais Beaujolais
invitait ses adhérents, les services publics concernés et les médias
locaux à une démonstration de traitement de vignes par hélicoptère. Une «
réunion informelle » qui intervenait en pleines polémiques sur les
pulvérisations d’insecticides dans la lutte obligatoire contre la
flavescence dorée. Entre amalgames, désinformations… la majorité des
viticulteurs se sentent accusés par la société, tout en cherchant à la
rassurer.
invitait ses adhérents, les services publics concernés et les médias
locaux à une démonstration de traitement de vignes par hélicoptère. Une «
réunion informelle » qui intervenait en pleines polémiques sur les
pulvérisations d’insecticides dans la lutte obligatoire contre la
flavescence dorée. Entre amalgames, désinformations… la majorité des
viticulteurs se sentent accusés par la société, tout en cherchant à la
rassurer.
L’illustration était symbolique. En invitant les responsables (DRAAF, DDT, préfectures...) à cette démonstration de traitement aérien par hélicoptère sur des parcelles de vignes à Juliénas mardi, l'opération "transparence" de la Coopérative Agricole Mâconnais Beaujolais (CAMB) visait à rassurer sur le professionnalisme des viticulteurs et celui des entreprises d’approvisionnement, les conseillant dans les règles. En conviant aussi la presse locale (JSL, Le Patriote, Le Progrès...), l’opération avait aussi le mérite de relativiser l'ampleur du phénomène. Seulement 10 ha en Saône-et-Loire et 60 ha dans le Beaujolais Nord sont traités ainsi par la CAMB.
Mais, cette « réunion informelle » exposait aussi la profession à une énième communication "non maitrisée" et à des amalgames. Surtout à un moment où les polémiques sur les traitements insecticides se calmaient juste…
Une difficile vulgarisation
Attentifs et concentrés, les journalistes présents étaient cependant quelque peu perdus devant les nombreux sigles et abréviations fournis par Julien Giroux, le responsable des traitements aériens à la CAMB : « Nous devons déposer un dossier auprès de la DDT 71 et 69, DRAAF Bourgogne et Rhône-Alpes, préfectures... avant le 31 mars – homologation soit annuelle soit ponctuelle - pour pouvoir être donneur d’ordre de traitements. Le Préfet dit oui ou non après avis d’un Comité. Ensuite, on dépose un dossier par traitement autorisé. Là, on informe les mairies – au moins 48 heures ouvrés avant - de chaque traitement avec les lieux précis, les numéros d'AMM des solutions phytosanitaires, les doses maximum autorisées et utilisées, les dates de passage, le numéro d'agrément et de chantier... Notre technicien est certifié Certiphyto pour préparer le mélange tout comme le mécanicien pour le réglage du pulvé, par rapport à la dérive. Le pilote doit lui aussi être agréé et respecter une ZNT de 50 mètres avec les habitations et cours d’eau. Il a un GPS et nous faisons un marquage au sol. La bouillie est du Valiant, Flint et soufre. Il faut compter 40 l/ha. Le vent ne doit pas dépasser les 18 km/h ». Une description précise, complète mais technique. Trop ? Non. Sauf pour un journaliste dans l’urgence de l'actualité…
Le viticulteur et responsable du point de ravitaillement en eau où avait lieu la démonstration, Vincent Audras se voulait lui aussi positif et franc : « cette parcelle est traitée depuis le début en 1969. Ici, au lieu dit Haute Combe, on se trouve sur le "vignoble de l’ultime", où les vignes sont morcelées et où la topographie rend les travaux difficiles. Une soixantaine de viticulteurs seront traités aujourd’hui à Chiroubles, Chénas, Fuissé. Il faut 3 minutes par hélicoptère, soit un peu plus de 100 €/ha et par passage, au lieu d’une heure par turbine ou atomiseur et 120 l/ha des mêmes produits ». Si sa prise de parole était légitime en tant que client, elle peut aussi être source d’amalgames…
Amalgames cultivateurs-pollueurs-tueurs
En effet, les cultivateurs le savent : il est toujours risqué de répondre aux médias sur les questions traitants des phytosanitaires. Pour le grand public, le simple mot "pesticide" étant déjà en soi connoté négativement et désapprouvé par une majorité de consommateurs. Dur donc d'expliquer que tous cultivateurs - conventionnels, raisonnés, bios, biodynamiques... - en utilisent régulièrement pour réussir à produire et en prévention des maladies. Mais est-ce à ces derniers de se justifier ? Ou bien, est-ce aux prescripteurs, revendeurs de le faire, comme ici ? Les firmes ne s’y risquent plus. Les organisations professionnelles sont elles aussi immédiatement assimilées à des lobbys, synonyme de collusion avec les pouvoirs et ayant des intérêts financiers cachés.
Par déontologie, les scientifiques ne tranchent pas. Les administrations cherchent à réglementer les excès et les politiques à répondre aux demandes sociétales. Reste donc une place béante à la manipulation de la désinformation, surtout avec les nouvelles technologies (Internet) en s'autoproclamant "lanceurs d'alerte"…
Lobby ou professionnalisme ?
Dernier exemple en date, fin juin, au moment du premier traitement obligatoire contre la flavescence dorée, la polémique s’est étalée en Une du journal de Saône-et-Loire (JSL) sous le titre "Le traitement qui dérange". Des directeurs d’écoles de la région mâconnaise avaient reçu quelques jours auparavant un mail alarmiste émanant de l’Académie : " les produits utilisés étant agressifs, il convient (…) de garder les élèves au maximum à l’intérieur " des classes. L’inquiétude s’était ensuite vite transmise aux parents d’élèves, non prévenus jusque là. En réalité, il s’agissait d’une initiative personnelle, vite recadrée par sa hiérarchie (Dasen). Mais le mal était fait. En urgence, la profession (CAVB, UV71…) réclamaient à nouveau aux services préfectoraux et publics d’informer les citoyens, comme ils s’étaient engagé à le faire, pour éviter ce genre de polémiques à l’avenir. Chose faite début juillet.
« On a alerté le Ministère de l’agriculture pour que les services de l'Etat communiquent auprès des citoyens. Sinon, en direct, c'est délicat : les vignerons passant alors pour les vilains qui défendent un droit à polluer », regrette Jean-Michel Aubinel, président de la CAVB. Cette polémique - voir « psychose » - est « d'autant plus difficile à accepter que nous, viticulteurs, réalisons ces traitements par obligation (du fait de l'arrêté préfectoral). Pas par plaisir. C’est la seule solution légale », rappelle fort justement Robert Martin, avant de poursuivre : « on peut regretter que la communication des services de l'Etat soit arrivé un peu tardivement », puisque réclamé par toute la profession de longue date.
Le président de l’Union viticole en « appelle désormais à la responsabilité de chacun pour que la sérénité revienne. Les viticulteurs doivent rester unis et responsables en réalisant ces traitements insecticides dans l'ensemble du vignoble ».
Mais, cette « réunion informelle » exposait aussi la profession à une énième communication "non maitrisée" et à des amalgames. Surtout à un moment où les polémiques sur les traitements insecticides se calmaient juste…
Une difficile vulgarisation
Attentifs et concentrés, les journalistes présents étaient cependant quelque peu perdus devant les nombreux sigles et abréviations fournis par Julien Giroux, le responsable des traitements aériens à la CAMB : « Nous devons déposer un dossier auprès de la DDT 71 et 69, DRAAF Bourgogne et Rhône-Alpes, préfectures... avant le 31 mars – homologation soit annuelle soit ponctuelle - pour pouvoir être donneur d’ordre de traitements. Le Préfet dit oui ou non après avis d’un Comité. Ensuite, on dépose un dossier par traitement autorisé. Là, on informe les mairies – au moins 48 heures ouvrés avant - de chaque traitement avec les lieux précis, les numéros d'AMM des solutions phytosanitaires, les doses maximum autorisées et utilisées, les dates de passage, le numéro d'agrément et de chantier... Notre technicien est certifié Certiphyto pour préparer le mélange tout comme le mécanicien pour le réglage du pulvé, par rapport à la dérive. Le pilote doit lui aussi être agréé et respecter une ZNT de 50 mètres avec les habitations et cours d’eau. Il a un GPS et nous faisons un marquage au sol. La bouillie est du Valiant, Flint et soufre. Il faut compter 40 l/ha. Le vent ne doit pas dépasser les 18 km/h ». Une description précise, complète mais technique. Trop ? Non. Sauf pour un journaliste dans l’urgence de l'actualité…
Le viticulteur et responsable du point de ravitaillement en eau où avait lieu la démonstration, Vincent Audras se voulait lui aussi positif et franc : « cette parcelle est traitée depuis le début en 1969. Ici, au lieu dit Haute Combe, on se trouve sur le "vignoble de l’ultime", où les vignes sont morcelées et où la topographie rend les travaux difficiles. Une soixantaine de viticulteurs seront traités aujourd’hui à Chiroubles, Chénas, Fuissé. Il faut 3 minutes par hélicoptère, soit un peu plus de 100 €/ha et par passage, au lieu d’une heure par turbine ou atomiseur et 120 l/ha des mêmes produits ». Si sa prise de parole était légitime en tant que client, elle peut aussi être source d’amalgames…
Amalgames cultivateurs-pollueurs-tueurs
En effet, les cultivateurs le savent : il est toujours risqué de répondre aux médias sur les questions traitants des phytosanitaires. Pour le grand public, le simple mot "pesticide" étant déjà en soi connoté négativement et désapprouvé par une majorité de consommateurs. Dur donc d'expliquer que tous cultivateurs - conventionnels, raisonnés, bios, biodynamiques... - en utilisent régulièrement pour réussir à produire et en prévention des maladies. Mais est-ce à ces derniers de se justifier ? Ou bien, est-ce aux prescripteurs, revendeurs de le faire, comme ici ? Les firmes ne s’y risquent plus. Les organisations professionnelles sont elles aussi immédiatement assimilées à des lobbys, synonyme de collusion avec les pouvoirs et ayant des intérêts financiers cachés.
Par déontologie, les scientifiques ne tranchent pas. Les administrations cherchent à réglementer les excès et les politiques à répondre aux demandes sociétales. Reste donc une place béante à la manipulation de la désinformation, surtout avec les nouvelles technologies (Internet) en s'autoproclamant "lanceurs d'alerte"…
Lobby ou professionnalisme ?
Dernier exemple en date, fin juin, au moment du premier traitement obligatoire contre la flavescence dorée, la polémique s’est étalée en Une du journal de Saône-et-Loire (JSL) sous le titre "Le traitement qui dérange". Des directeurs d’écoles de la région mâconnaise avaient reçu quelques jours auparavant un mail alarmiste émanant de l’Académie : " les produits utilisés étant agressifs, il convient (…) de garder les élèves au maximum à l’intérieur " des classes. L’inquiétude s’était ensuite vite transmise aux parents d’élèves, non prévenus jusque là. En réalité, il s’agissait d’une initiative personnelle, vite recadrée par sa hiérarchie (Dasen). Mais le mal était fait. En urgence, la profession (CAVB, UV71…) réclamaient à nouveau aux services préfectoraux et publics d’informer les citoyens, comme ils s’étaient engagé à le faire, pour éviter ce genre de polémiques à l’avenir. Chose faite début juillet.
« On a alerté le Ministère de l’agriculture pour que les services de l'Etat communiquent auprès des citoyens. Sinon, en direct, c'est délicat : les vignerons passant alors pour les vilains qui défendent un droit à polluer », regrette Jean-Michel Aubinel, président de la CAVB. Cette polémique - voir « psychose » - est « d'autant plus difficile à accepter que nous, viticulteurs, réalisons ces traitements par obligation (du fait de l'arrêté préfectoral). Pas par plaisir. C’est la seule solution légale », rappelle fort justement Robert Martin, avant de poursuivre : « on peut regretter que la communication des services de l'Etat soit arrivé un peu tardivement », puisque réclamé par toute la profession de longue date.
Le président de l’Union viticole en « appelle désormais à la responsabilité de chacun pour que la sérénité revienne. Les viticulteurs doivent rester unis et responsables en réalisant ces traitements insecticides dans l'ensemble du vignoble ».