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Cave de Lugny

Des prix valorisants… pour tous

Le 26 février à Saint-Gengoux-de-Scissé, la cave de Lugny a confirmé la «
hausse de la valorisation » de ses vins sur le dernier exercice (clos
au 31 août 2014). En effet, même si le chiffre d’affaire est en baisse
(-5 %), les pertes de récoltes 2013 (-18 % en volume) ne l’ont pas
épargné pour la troisième année consécutive. Cette performance est donc
principalement due à la stratégie mise en place : économiser tout en
haussant les prix aux clients. Un tour de force réussi et maintenant à
confirmer…
Par Publié par Cédric Michelin
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Jamais deux sans trois ». Gel de printemps, fleurs avortées, grêle… Souvent sur les mêmes secteurs, les coopérateurs de la cave de Lugny viennent d’enchaîner trois années de pertes de récoltes, dues aux aléas climatiques et sans oublier les maladies sanitaires, comme la flavescence dorée… Autant dire que pour les 400 adhérents (250 exploitants), il fallait s’adapter à cette situation exceptionnelle. La plus grande cave de Bourgogne (1.450 ha) a donc fait des choix : et « ça fonctionne », rassurait d’emblée le président. Pour Marc Sangoy, « les consommateurs ont accepté nos hausses de prix bouteilles, ce qui prouve que nos appellations sont solides et méritaient d’être valorisées ». Une acceptation qui n’a pu se faire qu’avec une stratégie sur tous les tableaux : commercialisation, marketing, packaging… Et surtout qualitatif avec plus de cuvées haut de gamme.
« Le point de départ pour valoriser », insistait Marc Sangoy qui félicitait alors le travail des coopérateurs. Les vendanges se sont déroulées « dans la sérénité » ce qui n’est pas rien avec 15.000 Hl de récolte à la main –pour les crémants– sur 15 jours. Une « même discipline » aussi pour les récoltes avec machines. Les primes sont motivantes derrière. L’état sanitaire « parfait » du millésime 2014 aidera à poursuivre cette « montée en gamme » « avec de justes prix pour que nos revendeurs puissent aussi vivre de leur travail ». Car rien n’est jamais gagné d’avance. « Il nous faut conforter » ces prix, anticipe la cave qui voit déjà ses marchés vracs « stables en mâcon villages (800 €/pièce) mais en baisses en rouges ».

« Violent » pour le négoce



Ainsi, la partie vrac est en recul de -20 %, plus que la partie bouteilles qui elle, ne baisse "que" de -16 %. « C’est violent mais il fallait le faire », expliquait alors le directeur. Edouard Cassanet faisait alors un point d’étape sur la campagne en cours (prévisionnel au 15 décembre 2014). « Il y a de l’inertie », expliquait-il. La baisse des volumes vendus va donc se poursuivre. Pour l’exercice en cours, la cave prévoit « vraisemblablement » 33.000 hl en vrac, soit « un peu plus et de façon plus réactif ». En revanche, les prévisions sur la bouteille devrait « baisser » à 42.000 hl. La stratégie commerciale arrêtée est celle de « maintenir un niveau significatif de vrac (40 %) –même si les cours sont tentants– et donc maintenir le niveau bouteilles "historique" (60 %) ».

Des économies qui payent



Car l’autre volonté est de « relancer la machine » et viser 45.000 Hl en bouteilles pour décembre 2015. Et cela implique donc « d’avoir des disponibilités ». Or, les stocks sont « au plus bas » (40.000 Hl).
Avec ces pertes de récoltes successives, « il a fallu s’adapter en mettant le paquet sur les charges » aussi. Des économies qui payent aujourd’hui.
Même si les valorisations par hectolitre en 2013 n’étaient encore que provisoires, les comparatifs avec ceux de 2008 font ressortir une hausse de +30 % globalement pour l’aligoté, le chardonnay et « le plus spectaculaire » pinot. Sans oublier, les crémants dans la même tendance.

Label V-DD pour s’orienter



De bons résultats qui permettent « de voir la vie plus sereinement », expliquait Marc Sangoy. Car les coûts de production à la vigne ne baissent pas. Ce qui lui faisait dire que « si certains veulent quitter le navire, ils risquent de finir dans le brouillard ».
La cave, elle, a obtenu son radar pour naviguer sur le long terme avec le label V-DD (vignerons en développement durable), « maintenant, il va falloir communiquer sur cette démarche, autre que le bio ». Rejoignant ainsi les Terres Secrètes et Vignerons de Buxy, la cave de Lugny a finalement labélisé ses progrès environnementaux, efforts conjoints avec les Cuma pour ses effluents par exemple.
La cave de Lugny a d’ailleurs plus mis en avant un autre pilier : celui d’exploitations « viables » et « transmissibles ». Et pour Marc Sangoy, la « coopération est la plus belle organisation inventée ; à nous de savoir s’en servir », concluait-il.


+40 % pour les prix US en 2 ans



Responsable commercial export (SARL Unité), Gilles Charrière a fait un focus sur le marché américain où la cave est présente depuis 40 ans « avec encore du potentiel ». C’est le deuxième marché export, après l’Angleterre. La cave devrait y vendre 720.000 cols cette année. Mais après avoir bénéficié des aides FranceAgriMer –un euro versé pour un euro engagé– le développement commercial doit se faire maintenant avec « une diminution des dépenses et… des commissions des agents ». Pas évident dès lors d’augmenter les prix de 40 % en 2 ans. Pari « tenu » toutefois. En revanche, si le chiffre d’affaires s’est maintenu, les volumes sont en baisse. « On a perdu des volumes mais pas trop de clients », positivait-il. La faute aussi peut-être à un nouveau déploiement « dans les 50 Etats et non plus à 60 % juste à Manhattan (New-York) ». « Ce n’est pas gênant puisqu’on n’avait pas de vins », ironisait-il comme pour relâcher un temps la pression. Car, tous savent que « ce sera une autre histoire cette année, mais on en reparlera… ». Au pays du marketing, le "packaging" est le deuxième critère après le cépage. Marjorie Brayer a donc travaillé le « mix » des deux pour se rapprocher des « positionnements des grands négociants bourguignons ». Et les résultats sont spectaculaires. La "marque" Les Charmes vendue par un agent "haut de gamme", le même que le Château Lafite Rothschild à Bordeaux, est passé en cinq années de 8,99 $/col à 14,99 $/col. Un repositionnement réussi « en changeant souvent le packaging » mais aussi grâce à « votre travail dans les vignes ». L’image s’en ressent jusqu’au Etats-Unis pour « the most charming Chardonnay » (le plus charmant des Chardonnay en français) qui a obtenu une note de 90 dans le magazine Parker.
Au delà du seul marché Américain, le directeur félicitait « les équipes de la cave qui ont relevé le défi et réussi à passer des hausses comme jamais pour une telle structure ». Avec une bonne préparation des argumentaires, les hausses de +18 à +20 % à la bouteille cachent même en réalité des hausses de +20 à +30 % en terme de valeur pure pour le seul vin, avec les économies réalisées en parallèle sur les matières sèches.
Avec le sourire, Marc Sangoy témoignait : « c’est motivant pour les producteurs. On peut être fier de notre cave et de nos équipes ».




A l’avenir, comme dans le passé ?



Edouard Cassanet en convenait, jouer le prévisionniste n’ait jamais aisé. Pour lui pourtant, les météorologues avaient annoncés des dérèglements climatiques. « Je pense que malheureusement les petites récoltes risquent de se répéter », se lançait-il. Pour l’œnologue, Grégoire Pissot aussi, les années se suivent et ne se ressemblent jamais. Si les chardonnay et gamay n’ont pas connu de problème particulier en terme de qualité, un « vent de panique à souffler sur les pinots » avec la remontée de la mouche (drosophile suzukii) qui –« même si la question reste en suspens »– a peut-être contribué aux raisins piqués. Trois cuves ont dû être traitées contre ces goûts aigres (acétique) avec des résultats au final « très satisfaisants » en terme gustatif.
Pour « atténuer » tous ces effets néanmoins, le directeur compte donc sur la constitution de VCI de qualité. Ces volumes complémentaires individuels pouvant « lisser » à l’avenir les pertes de vins préjudiciables sur certains marchés.
Ce serait en effet dommage de rater des opportunités puisque les vins du Mâconnais gagnent des parts de marché depuis 20 ans. « Nous les caves, nous avons monté des structures pour aller aux quatre coins de la planète, sans oublier les supermarchés français. Il y a 20 ans, il n’y avait pas de vins du Mâconnais partout mais, seulement parfois, ceux de négociants, sans forcément de valeur ajoutée puisque suivant des effets de mode. Les caves ont vendu leurs appellations, auxquelles elles sont attachées ».
Un travail de géant –qui couplé à ceux de millier de vignerons– a fait passer le vignoble bourguignon de 600.000 Hl en 1950 à une production "normale" de 1,5 millions Hl en 2014.
La cave de Lugny produit en moyenne depuis 2006, 90.000 Hl mais, avec 5 années à 98.000 Hl et les 5 dernières à 78.000 Hl.
Si le marché mondial est appelé à se développer, la cave constate que cela se fait pour l’heure « lentement ». L’Angleterre stagne. Le japon et le Canada montent mais restent de « petits marchés ». Tout comme la Chine. « Il faut raisonnablement être optimiste car ce ne sera pas un appel d’air spectaculaire », prévient le directeur.
Car « comme toujours, le vrai levier, c’est nous. Il va falloir élever le niveau et donc ce sera un combat de tous les jours pour travailler la qualité, la gamme, être plus exigeant et le faire-savoir… », concluait Edouard Cassanet qui « rêve d’une équipe d’adhérents se déplaçant à l’étranger pour faire la différence au milieu de tous les chardonnays de la planète ! ». Ambitieux mais pas irréaliste…


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