Des projets avec l’Institut charolais
« C’est une première », confirmait le président des bouchers charcutiers de Saône-et-Loire, Pascal Moine. « Il est fondamental que nous retissions des liens de façon plus constructive. La profession agricole est inquiète du devenir de la profession de boucher. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons instauré un concours de vitrines de boucheries dans le cadre du Festival du bœuf », introduisait Henri Guillemot.
Le fait est que les artisans bouchers sont de moins en moins nombreux. La Saône-et-Loire en compterait encore une centaine en activité à ce jour, ce qui est peu en comparaison de ce qu’ils étaient il y a seulement deux ou trois décennies. Le recul de la boucherie traditionnelle provient d’une mutation des habitudes de consommation. Les grandes surfaces se sont emparées de la distribution de la viande et de la charcuterie. « La boucherie traditionnelle ne touche pas plus de 15 ou 20 % de la population », confiait Pascal Moine. « En temps de crise, les gens ne viennent chez nous que pour les grandes occasions », constate un boucher. Le savoir-faire des enseignes artisanales n’est pourtant pas remis en cause : « lorsqu’on veut vraiment un bon morceau de viande, on vient nous voir », reconnaissait un professionnel. Mais le plus souvent, le client cède aux sirènes promotionnelles des grandes surfaces, quitte à y perdre la garantie de qualité et le conseil.
Professions liées
Si elle est moins nombreuse, la boucherie artisanale représente cependant le créneau de la qualité. « Ce sont les artisans bouchers qui travaillent les bêtes de qualité supérieure, classement U ou E selon la norme Europ », confie Pascal Moine. Un créneau d’excellence qui valorise par le haut le travail des éleveurs. Indiscutablement, cette relation de filière lie fortement les deux professions. Eleveurs et bouchers sont d’ailleurs confrontés au même genre de difficultés. Il en va ainsi du durcissement des normes réglementaires. « Sous la pression de gros lobbys industriels, les normes européennes se complexifient sans cesse : étiquetage, indications des taux de lipides, glucides... », explique Pascal Moine. « La communauté européenne s’évertue à imposer aux petites entreprises artisanales le même niveau d’exigence réglementaire qu’aux industriels. Or un artisan n’a pas les moyens d’appliquer ces contraintes. Cela revient à tuer l’artisanat ! », s’indignait le président des bouchers charcutiers de Saône-et-Loire. Et comme en agriculture, la profession s’étonne que l’administration française « ait le don de toujours surenchérir les contraintes ». Comme les éleveurs, les bouchers connaissent la peur des contrôles dont l’issue dépend pour beaucoup du zèle dont fait preuve l’exécutant. « Pour le consommateur, le risque est de voir disparaître l’identité même de l’artisanat dont les recettes charcutières se réinventent tous les jours, au gré de la créativité des hommes », met en garde Pascal Moine.
Déficit de communication
Bien décidés à se défendre, les artisans bouchers charcutiers se montrent très sensibles à l’attention que leur porte la profession agricole. La boucherie traditionnelle a un gros besoin de communiquer. Le métier n’est pas assez valorisé. Le savoir-faire, la qualité des produits proposés par les bouchers ne sont pas assez connus du grand public. « Communiquer, on ne sait pas faire », reconnaissait Pascal Moine. C’est pour toutes ces raisons que la profession se tourne aujourd’hui vers l’Institut charolais. Vouée à l’innovation et à la promotion de la viande charolaise et s’adressant aux professionnels « à taille humaine », l’association est un interlocuteur de choix pour la boucherie artisanale. Ses recherches et compétences, son pôle technologique de transformation de la viande pourraient offrir des outils d’avenir pour les bouchers. Il existe des aides au développement et à l’innovation à destination des artisans bouchers, indiquait-on à l’Institut charolais. « Notre objectif, c’est qu’un jour il se crée des ateliers de transformation de viande. Le but est de permettre aux très petites entreprises de toucher à l’innovation », expliquait Henri Guillemot.
Premières idées
Ensemble, l’UPCB et l’Institut charolais ont déjà des projets. D’abord, l’idée de créer une sorte de carte ou de répertoire des boucheries qui vendent exclusivement de la viande charolaise en Saône-et-Loire est relancée. Autre ambition : sur les concours d’animaux de boucherie du département, créer une sorte de logo qui permette de bien identifier les bêtes acquises par des artisans. Si la grande distribution sait se faire remarquer lorsqu’elle achète des bêtes de concours, les bouchers traditionnels passent souvent inaperçus… Un déficit d’image que déplorent les artisans fidèles aux concours. Avec l’aide de l’Institut charolais et de la profession agricole, l’UPCB espère combler ces lacunes.
Aberration !
Dans la viande fraîche, les bouchers viennent d’apprendre que la réglementation n’autorisait la mention du nom de l’éleveur que dans le cas d’une filière bien identifiée (label par exemple). Autrement dit, tous les bouchers qui achètent directement leurs bêtes sur pied en vif n’auraient pas le droit d’indiquer le nom de l’éleveur en magasin ! Une aberration qui a de quoi dégoûter les bouchers traditionnels. Beaucoup sont en effet fiers de pouvoir s’approvisionner en direct auprès d’un producteur local et de pouvoir le faire valoir auprès de leurs clients. Une tradition qui perdure en Saône-et-Loire et qui fait d’ailleurs tout l’attrait des concours d’animaux de boucherie. Un certain nombre d’artisans acceptent d’y jouer le jeu en consentant un substantiel effort financier pour acquérir des bêtes primées. Un geste louable pour tenter de rivaliser avec la grande distribution, mais qui ne serait pas récompensé à sa juste valeur si le boucher ne peut pas communiquer à sa guise.
Tous ces dossiers sont défendus en haut lieu par les représentants nationaux de la profession. La bataille est âpre, mais « en pleine crise de la vache folle, elle avait tout de même permis aux bouchers de conserver le désossage des carcasses », rappelle Pascal Moine.