Accès au contenu
Agrivoltaïsme

Des projets vertueux pour tous

Le 20 février à Mâcon se tenait sans doute une première en France, la signature d’une convention de partenariat pour un « accompagnement inédit, stratégique et vertueux » dans le cadre du développement de l’agrivoltaïsme en Saône-et-Loire. Ainsi, après avoir réalisé un travail reconnu nationalement sur le partage de la valeur, c’est désormais aux agriculteurs et collectivités de se saisir des compétences des organisations agricoles et du Syndicat départemental d’Énergie de Saône-et-Loire.

Par Cédric Michelin
Des projets vertueux pour tous

En signant le 20 février à Mâcon, une convention cadre de partenariat, la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire (CA 71), la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA 71), la Sem Saône-et-Loire Énergies Renouvelables (Sem Seler) et le Syndicat départemental d’énergie de Saône-et-Loire (SYDESL), c’est une nouvelle aire de la souveraineté énergétique qui s’ouvre pour le département. Et ce au bénéfice de tous : agriculteurs, porteurs de projets, collectivités et habitants. Si l’on peut dire, seuls les développeurs verront leurs marges (fortement) reniées, mais ils ont de la marge justement.

Ainsi, les signataires se sont associés pour accompagner les collectivités locales, agriculteurs et propriétaires dans l’étude, le développement, la construction et l’exploitation de projets agrivoltaïques. À vos projets donc. Ce ne sont plus les développeurs et constructeurs qui feront leurs offres, mais vous qui pourrez choisir (et mieux négocier) vos projets, opportuns pour les territoires. « Je me réjouis du travail fait sur les énergies renouvelables, après de longs débats sur l’agrivoltaïsme. Avec les collectivités territoriales, les agriculteurs ont un intérêt commun à produire de l’énergie, et ce, sans occulter, voire en renforçant, la production alimentaire qui reste la nature de l’agriculture », introduisait Bernard Lacour, président encore la chambre d’Agriculture. Pour lui et le président de la FDSEA à ses côtés, Christian Bajard, l’agrivoltaïsme ne peut se faire « que sous certaines conditions pour servir les territoires et les agriculteurs ». Les deux organisations ont travaillé sur un cadre, une charte et même à faire évoluer la loi nationale, pour maintenant apporter toutes leurs compétences techniques pour la chambre et juridique pour la FDSEA, au service des agriculteurs et collectivités. « On se doit d’être au cœur des projets pour qu’ils soient positifs et acceptables par tous », rajoutait Bernard Lacour. Car comme le rappelait Christian Bajard, qui en discute longuement notamment avec Jeunes agriculteurs, inquiets de continuer d’avoir accès à du foncier pour s’installer, l’agrivoltaïsme n’a d’intérêt que si cela « dépasse la production d’énergie pour concilier énergie et alimentation, tout en amenant de l’économie dans les territoires », seule véritable manière que ces projets soient « acceptés » par les habitants locaux. Quitte, à terme, à pouvoir évoluer vers des tarifs de l’électricité adaptés en local.

Choisir votre projet agrivoltaïque

Maire de Matour, Thierry Igonnet témoignait qu’agriculteur et maires ruraux « ne sont pas entourés d’armées d’avocats et techniciens pour apporter aux projets des porteurs la pleine sécurité » juridique, technique… et économique, tant les développeurs du solaire ont l’art et la manière de négocier pour ne laisser que des miettes aux territoires. Alors que la chambre d’Agriculture a rencontré à Mâcon plus d’une trentaine d’entreprises solaires et eu des contacts avec une cinquantaine en plus, difficile de trier le bon grain de l’ivraie. C’est toute l’expertise et la compétence des spécialistes que sont Aurélie Lucas, juriste à la FDSEA, et David Duclary, qui suit déjà environ 80 projets à la chambre d’Agriculture. Tous n’iront pas au bout. « Si on avait laissé faire, on aurait eu des projets énormes de 50 ha d’un seul tenant juste à côté d’un nœud de raccordement » au réseau électrique « et les citoyens auraient été contre ces verrues dans nos paysages », à la valeur inestimable pour l’image de nos produits agricoles et viticoles.

Les tarifs de l'électricité changeront

La Sem Seler aide les collectivités à diversifier leur mix énergétique. Son président, Jean Sainson se réjouit de ce partenariat pour « continuer d’avancer convenablement » sur l’agrivoltaïsme « haut, bas » selon les animaux parfois dessous. Surtout que la Sem Seler, qui travaille beaucoup avec Enedis, a du mal à suivre (comme tous) les changements politiques autour de la question de souveraineté économique. La relance de la filière nucléaire et la loi d’accélération sur les énergies renouvelables va modifier en profondeur « les tarifs de l’électricité à l’avenir avec des tarifs heures creuses, non plus la nuit, mais le midi en été », lorsque les panneaux seront à plein régime. La Sem Seler travaille également avec GEG, une société d’économie mixte – Gaz électricité Grenoble – qui voit d’un bon œil « les règles du jeu » défendues par la profession agricole.

À notre connaissance, il s’agit là d’une première en France : l’alliance entre une société d’économie mixte issue d’un syndicat d’énergie et des acteurs du monde agricole pour accompagner les collectivités avec des agriculteurs engagés dans des projets agrivoltaïques. Cette convention illustre la capacité des territoires à construire des solutions adaptées aux défis énergétiques et agricoles de demain.

Le cadre de l’agrivoltaïsme bientôt fixé

L’agrivoltaïsme, qui vise à augmenter la souveraineté énergétique sans affaiblir, voir améliorer, notre souveraineté alimentaire, présente de nombreuses opportunités pour nos territoires, à plusieurs égards. Tout d’abord, et comme l’exige désormais le cadre législatif et réglementaire, l’installation doit contribuer durablement à l’installation, au maintien ou au développement d’une production agricole en rendant l’un des services suivants : permettre l’amélioration du potentiel et de l’impact agronomique, permettre l’adaptation au changement climatique, renforcer la protection contre les aléas ou encore améliorer le bien-être animal. Ensuite, du point de vue économique, cela permet à des exploitations agricoles de produire une électricité et de les rendre, dans certains cas, moins dépendantes d’un point de vue énergétique. Plus largement, cela permet d’assurer à certains exploitants un complément de revenu. Enfin, ces installations présentent des avantages environnementaux indéniables. Elles permettent de produire localement une énergie décarbonée et renouvelable et d’assurer ainsi une réduction des émissions de CO₂. Compte tenu de l’existence d’exigences strictes, elles garantissent la possibilité de produire de l’énergie sur des terrains tout en maintenant leur usage agricole, évitant ainsi des conflits d’usage à l’heure où l’enjeu lié à l’artificialisation des terrains devient prépondérant.

Les collectivités et acteurs du territoire : les nouveaux porteurs de projet de demain

Désireuses d’orienter le développement des futures installations agrivoltaïques la CA 71, la FDSEA 71 et les Jeunes agriculteurs 71 ont mis en place un groupe de travail afin de construire la stratégie de la profession agricole en ce domaine. Les objectifs affichés étaient les suivants :

• Favoriser le déploiement de l’agrivoltaïsme perçu comme une opportunité économique pour l’agriculture

• Orienter les projets vers un modèle agrivoltaïque conçu au bénéfice le plus large possible des territoires

• S’appuyer sur ce développement pour stimuler celui des installations photovoltaïques sur toitures agricoles.

Le groupe de travail a, d’une part, esquissé le portrait de l’agrivoltaïsme « désirable » aux yeux de la profession agricole en termes d’impact agronomique, de modalités contractuelles et de partage de la valeur au profit des territoires et, d’autre part, a élaboré une grille de prescriptions destinée à orienter les projets vers des installations conformes à ce modèle.

L’analyse des modalités actuelles de développement de l’agrivoltaïsme suggère que le contrôle en sera d’autant plus efficace que les acteurs des territoires seront impliqués dans la conception et le portage du plus grand nombre possible de projets agrivoltaïques.

Concrètement, les collectivités et acteurs du territoire intéressés bénéficieront d’un accompagnement structuré, depuis l’identification des opportunités jusqu’à la mise en service des installations. Les étapes incluent l’étude de faisabilité, la structuration de la société de projet, le pilotage des études et le suivi des démarches administratives, la sélection de prestataires en phase de construction et l’exploitation des infrastructures. Chaque acteur du partenariat apporte son expertise pour assurer des projets viables et respectueux des enjeux agricoles et environnementaux.

Qu’est-ce qu’une société d’économie mixte ?

La Sem Seler est une société d’économie mixte, c’est-à-dire une personne morale de droit privé dont le capital est détenu majoritairement par une ou plusieurs entités publiques, qui doivent détenir une part oscillante entre 50 et 85 %. Son actionnariat est composé du Sydesl (58 %), de la Banque des Territoires (21,25 %), du Crédit Agricole Centre-Est (12,5 %) ainsi que de GEG ENeR (8,25 %). Issue d’une collaboration entre la sphère publique et des acteurs privés, la Sem Seler illustre une dynamique de partenariat. En ce sens, elle se positionne comme un catalyseur d’initiatives, soutenant divers porteurs de projets et favorisant l’émergence de partenariats à l’échelle locale.

Plus d’informations sur https://sydesl.fr/sem-seler/