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Dégâts de gibier

Des seuils… de protestation

Réunis fin mars, les responsables du dossier Dégâts de Gibier des FDSEA
du Grand-Est ont dressé un bilan mitigé de la dernière saison de chasse
et échangé sur le nouveau protocole national. En ligne de mire, les
seuils de déclenchement des indemnités des dégâts de gibier, à 3 % ou
250 €. Retour.
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Le gibier ne connaissant pas les frontières régionales et les problèmes étant globalement les mêmes en ce qui concerne les dégâts de sangliers, les FDSEA du Grand Est ont pris l’habitude de se réunir pour échanger sur le dossier.
Réunis à Chaumont en Haute-Marne le 20 mars, les représentants agricoles constatent une baisse des dégâts de l’ordre de 30 %, en volumes. Cela semble le résultat d’une fructification forestière exceptionnelle, laquelle a permis de maintenir les animaux en forêt. Le revers de la médaille est un risque de prolifération important, comme cela a déjà été observé auparavant dans des situations comparables. Cette crainte est amplifiée par un taux de réalisation des plans de chasse plutôt faible. Les chasseurs en sont les premiers responsables avec les restrictions de tirs qu’ils s’imposent eux-mêmes, volontairement, ou réglementairement par le biais d’un plan de chasse restreignant davantage les prélèvements qu’il ne les impose.
Autre cause de risques : les conditions climatiques de l’année qui vont engendrer un assolement en maïs supplémentaire, qui plus est, du maïs grain qui reste plus longtemps en culture et à l’exposition des dégâts.

L’agrainage, un sujet passionnel


Pour simplifier, les agriculteurs ont un a priori hostile sur l’agrainage, considérant que cette technique dégénère souvent en nourrissage, tandis que les chasseurs y sont, eux, plutôt favorables car utilisé comme un outil de gestion cynégétique permettant de contrôler les mouvements d’animaux. L’an dernier, plusieurs départements ont néanmoins interdit cette pratique sur l’ensemble de leur territoire pendant la période de chasse. Pour d’autres, la proscription a été cantonnée à des points noirs. Ces sujets passionnent et les chasseurs ont conduit un lobbying actif pour maintenir cette pratique tout au long de l’année. Ils ont obtenu partiellement gain de cause dans le cadre du protocole national (cf. encadré ci-dessous), lequel semble limiter l’interdiction dans les zones sensibles.
Explications de texte
Président de la FDSEA de Haute-Saône, Thierry Chalmin préside depuis un an le groupe de travail Dégâts de Gibier de la FNSEA. À ce titre, il a cosigné un protocole d’accord avec la Fédération nationale des chasseurs « sur la gestion du sanglier et l’indemnisation des dégâts de grands gibiers ». Cet accord a déjà été en partie décliné en texte législatif, lequel est le fruit d’un compromis dans un contexte politique qui n’était pas forcément favorable au monde agricole, puisque les Parlementaires avaient initialement la volonté de remanier la législation à la demande des chasseurs. Le protocole repose sur le principe d’un ciblage des dégâts, le plus fin possible, pour identifier les chasses et les territoires responsables des excès constatés. Il s’agit des "points noirs" déjà délimités dans la plupart des départements à partir de critères le plus souvent financiers (montant des indemnisations par hectare de forêt et/ou par hectare de SAU). L’accord national recommande d’utiliser aussi le ratio du montant des indemnisations par sanglier prélevé ainsi que la densité de prélèvements aux cent hectares boisés.
Ces points noirs sont plus précis que les 15 à 40 unités de gestion pouvant déjà exister dans les départements et correspondant plutôt à des secteurs géographiques homogènes. Dans ces nouvelles petites circonscriptions sensibles, l’agrainage pourrait être suspendu ou interdit en période de chasse. Les chasseurs devront aussi assurer « la pose, la surveillance et l’entretien des clôtures ». En dehors de ces zones, les agriculteurs peuvent être impliqués à l’effort de prévention « en facilitant et en participant à la mise en place des clôtures ».
Les représentants agricoles se sont inquiétés de cette dérive, car ils estiment que les chasseurs doivent garder en forêt une population de sangliers qu’ils ont largement contribué à préserver. Thierry Chalmin a tenu à rassurer, considérant qu’il ne s’agit pas d’un transfert de responsabilités, mais simplement d’une reconnaissance d’une pratique courante dans des relations apaisées entre les mondes de la chasse et de l’agriculture. Ces règles sont, en toutes hypothèses, à définir localement car elles peuvent avoir un impact sur la grille d’abattement supplémentaire (voir encadré ci-dessous).

3 % ou 150 €…


En revanche, les départements ne disposent pas de marge en ce qui concerne la révision de la procédure d’indemnisation, laquelle impose désormais un seuil de déclenchement de 3 % de la parcelle culturale ou de 250 € de dégâts. Cette mesure a été souhaitée par les chasseurs pour éviter les déclarations de petits dégâts, lesquelles engendrent des frais d’estimation disproportionnés. En contrepartie, la FNSEA a réussi à obtenir un abaissement de la franchise de 5 %, laquelle passe désormais à 2 %. Le dispositif est déjà inscrit dans un texte de loi adopté dernièrement, mais il reste soumis à la publication d’un décret à venir. Il n’est donc toujours pas applicable, mais il paraît inéluctable que le règlement sera conforme au protocole signé. Même si un aménagement est prévu pour des dégâts sur pâtures pour lesquelles il est possible de globaliser les parcelles culturales si elles sont toutes en dessous du seuil susvisé : les conséquences financières risquent d’être pénalisantes pour nombre d’agriculteurs.
Au surplus, ces derniers subiront la double peine de la non indemnisation et du paiement des frais d’expertise ! En effet, toujours pour limiter les déclarations considérées comme intempestives, les chasseurs ont obtenu que l’agriculteur ait à sa charge les frais de l’estimateur (vacations plus déplacements). Ils seront réglés par compensation avec d’autres dégâts ou inscrits sur un compte débiteur auprès de la fédération départementale des chasseurs dans la limite d’un solde de 500 €. Cette règle –qui se substitue à l’abattement global annuel par exploitation de 76 €– inquiète fortement car il y a peu de marges de manœuvre, même si une tolérance de 10 % a finalement été admise dans le protocole sur le pourcentage de surfaces sinistrées (uniquement), soit 2,7 %. Il a par ailleurs été décidé de moduler la notion de déclaration abusive lorsque la réalité des dommages est dix fois inférieure à la déclaration, ce qui met aussi à la charge financière du réclamant les frais d’expertise. Il est ajouté une pénalité "intermédiaire" lorsque le coefficient est de 5 : les frais à charge de l’agriculteur sont alors de moitié.
Si l’agrainage est un point sensible pour les chasseurs, la juste indemnisation des dégâts l’est encore bien davantage pour les agriculteurs qui s’estiment victimes d’une activité de loisirs.
Cette pierre d’achoppement fragilise la construction du protocole dont la plupart des représentants agricoles souhaiteraient instamment une consolidation syndicale. Certains ont même évoqué la possibilité de s’affranchir de cette procédure amiable d’indemnisation en recourant à la procédure judiciaire.
Il est des compromis qui apaisent, d’autres qui crispent. Il y aura inévitablement d’autres explications sur le sujet.







En savoir plus


Le nouveau protocole en résumé


A) Sur la gestion du sanglier


- Dans les points noirs, définis au niveau des communes ou de territoires communaux (sous-communes) :


• Contrôle des règles internes de chasse, obligation de pression de chasse et de pré¬lèvement de femelles ;


• Interdiction d’agrainage, pose et entretien de clôtures pour les chasseurs.


- En dehors des points noirs :


• Volontariat et partenariat agriculteurs-chasseurs sur la pose et l’entretien de clôtures.


B) Sur l’indemnisation


- Pas d’indemnisation en dessous de 3 % de surface détruite par parcelle culturale (tolérance jusqu’à 2,7 %) :


• Seuil plafonné à 250 € sur les grandes parcelles ;


• Cumul possible sur les dégâts de pâtures, s’ils sont tous inférieurs à 3 % ou 250 €.


- Frais d’expertise à la charge de l’agriculteur :


• Si les dégâts retenus sont inférieurs à 3 % ou 250 € ;


• Si déclaration plus de dix fois supérieure aux dégâts retenus (1/2 des frais, si déclaration comprise entre 5 fois et 10 fois).


- Abattement légal passant de 5 % à 2 %


- Paiement dans les 15 jours après fixation des barèmes ;


- Déclaration possible par Internet ;


- Expertise sous 8 jours ouvrables (ré-expertise après accord de la Commission départementale).


C) Sur prairies


- Mise en place d’une typologie de pâtures (sols superficiels, profonds, conduite intensive, pâture "délaissée"…) ;


- Barème unique pour le foin ;


- Précisions sur les itinéraires techniques de remise en état.


D) Communications diverses


- Bilan annuel des dégâts en volume et en montants indemnisés ;


- Méthodologies d’indemnisation soumise à la commission nationale.


E) Observatoire national de suivi annuel des dégâts départementaux estimés en surfaces détruites à 100 %.







Mécontentement sur le prix des denrées



Les représentants agricoles ne sont pas satisfaits de la fourchette nationale de denrées. Ils souhaiteraient que la référence des cours se fasse sur l’année entière. De même, le coût d’approche vers les ports - qui détermine ladite fourchette - ne leur paraît pas pertinent. Ils ne sont pas hostiles à un règlement en deux temps si cela est nécessaire à une meilleure appréhension des marchés.


La loi oblige désormais à inclure un barème d’indemnisation de la paille, ce qui n’était jusque-là, qu’une possibilité.


Il est rappelé que les prix de contrats géo-référencés peuvent être retenus, mais il faut le déclarer lors de l’expertise.