Accès au contenu
Emissions de GES en agriculture

Dix actions pour les réduire

L’Inra a identifié dix actions pour réduire les émissions de gaz à effet
de serre (GES) en agriculture. Les leviers les plus probants se situent
dans le secteur des grandes cultures et pourraient être source
d’économie. Détails.
127081--GES.jpg
Sur une centaine d’actions étudiées par la littérature scientifique internationale, l’Inra a sélectionné dix actions pour réduire les émissions de GES en agriculture. Ces dix actions se résument principalement en quatre grands leviers, cités par Sylvain Pellerin, chercheur :
 Diminuer les apports de fertilisants minéraux azotés pour réduire les émissions de protoxyde d’azote (GES à pouvoir réchauffant 298 fois supérieur à celui du CO2) ;
 Stocker du carbone dans le sol et la biomasse ;
 Modifier la ration du bétail pour réduire les émissions de méthane entérique et celles de protoxyde d’azote liées aux effluents ;
 Enfin, valoriser les effluents en biogaz pour produire de l’énergie et réduire ainsi à la fois les émissions de méthane et tout en ne brûlant pas de carbone fossile.
Des gains financiers
Le potentiel de réduction des émissions de GES est de l'ordre de 28 millions de tonnes d'équivalent CO2 par an, « sans remettre en cause le système de production agricole », rapporte Sylvain Pellerin, alors qu’un tiers des actions pourraient apporter un gain financier à l’agriculteur.
Ainsi, sur les dix actions retenues par l’Inra, l’ajustement de la fertilisation azotée en grandes cultures, l’accroissement de la part des légumineuses et l’allongement de la durée des pâturages donneraient lieu à un gain financier pour l’agriculteur.
Un second tiers des actions sont à coût modéré (moins de 25 € par tonne d’équivalent CO2 évitée) : l’agroforesterie, la réduction du labour.
Enfin, un tiers sont à un coût supérieur à 25 € la tonne d’équivalent CO2 évitée : l’achat d’intrants spécifiques, les bandes enherbées.

Du pragmatisme


La réduction des doses d’engrais azotés est controversée. Si elle est trop brutale, elle peut entraîner une baisse du taux de protéines du blé, relève Jacques Mathieu, directeur d’Arvalis. C’est ainsi que le Danemark, qui produisait des blés à 11,5-12 % de protéines il y a quinze ans, récolte désormais des blés à 9 % et ne trouve plus d’acheteurs à l’export aujourd’hui, a-t-il précisé. Mais au fil des années, les progrès génétiques et les outils de pilotage des cultures de plus en plus fins parviendront à approcher de l’objectif de diminuer les apports tout en n’altérant pas la qualité protéique des blés, selon lui.
Pour Christian Rousseau, agriculteur et administrateur de la coopérative Vivescia, la solution la plus efficace pour réduire le lessivage des engrais nitratés - qui, par la suite, émettent du protoxyde d’azote - est la couverture du sol par des cultures intermédiaires (cultures de plantes à poussée rapide et facile semées juste après la moisson pour piéger les nitrates pendant l’hiver). « C’est la solution la plus efficace pour ne plus retrouver de nitrates dans les nappes », a-t-il rappelé.
Bref, cette étude de l’Inra pointe des pistes à suivre, mais encore à expérimenter pour certaines d’entre-elles. D’autres comme l’agroforestrie ont déjà fait leurs preuves… Et comme toujours, le pragmatisme conduira aux évolutions nécessaires, une fois celles-ci validées.



En élevage
Des solutions qui posent problèmes


Dans le secteur de l’élevage, une des actions instruites par l’Inra consiste à substituer des glucides par des lipides dans les rations des ruminants. Cette action a un effet bénéfique sur les émissions de méthane entérique du bétail, mais elle concourt à remplacer les céréales par des oléagineux, or la culture de ceux-ci émet davantage de GES que celle des céréales, a fait remarquer le rapporteur de cette action, Michel Doreau, chercheur à l’Inra. Des scientifiques anglo-saxons ont une approche plus radicale pour limiter l’effet de serre des ruminants : intensifier leur alimentation par plus d’aliments composés et diminuer leur alimentation à l’herbe. Mais l’approche française n’a pas retenu cette solution. Une autre technique pour méthane entérique des ruminants est d’incorporer dans leur ration… un nitrate. Mais il faudra du temps avant de faire accepter une telle pratique, alors même que les nitrates sont incriminés - et probablement à tord - pour leurs effets sanitaires néfastes dans les aliments et l’eau de boisson.