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Afdi Bourgogne Franche-Comté

Du Nord au Sud

Agriculteurs français et développement international (Afdi) a tenu son
assemblée générale à Dannemarie-sur-Crète pour dresser son bilan annuel.
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« Au Nord comme au Sud, un paysan isolé est un paysan en danger ». Sophie Fonquernie, ancienne responsable d’Afdi Bourgogne Franche-Comté et aujourd’hui vice-présidente du conseil régional de Franche-Comté, a tenu à rappeler avec force l’importance des organisations paysannes à l’occasion de l’assemblée générale d’Afdi Bourgogne Franche-Comté, à Dannemarie-sur-Crète. « Une organisation professionnelle isolée dans son pays l’est aussi. C’est pourquoi il est impératif qu’elle tisse des partenariat ».
À Madagascar, le CDAM mène des opérations de lobbying autour du foncier et prône la formation et la prévention sanitaire. Au Sénégal, le Cianfil met en place une filière laitière en Casamance, une convention a été signée au Cameroun avec le ministère de l’Agriculture autour des intrants. « Ce sont quelques exemples qui montrent que ces alliances permettent de renforcer les organisations professionnelles et les inscrivent dans un processus de déconcentration ».
Ajoutons encore les services économiques rendus aux adhérents en permettant l’accès collectif aux intrants ou à l’alimentation du bétail et encore la commercialisation groupée, « pour peser sur les marchés », confirme Thomas Parent, vice-président. Que ce soit au niveau du riz, du cacao ou de la mise en place d’unités de transformation laitière. « Justement sur cette question, nous contribuons au développement des activités laitières en zone périurbaine à Kolda et Velingara ».

Solidarité


Ce qui passe par la restructuration de l’organisation des unions pour qu’elles soient représentatives.
« Nous cherchons à les dynamiser pour qu’elles ne soient pas des coquilles vides ». Des paysans relais et des exploitations pilotes contribuent également au développement de cette filière. « Tout reste à créer », poursuit Joël Fleury, président d’Afdi Doubs. « Notre rôle, c’est d’habituer les éleveurs à produire du lait en période sèche ». De son côté, l’Enil de Mamirolle travaille sur la transformation en fromage du lait en surplus lors de la période humide.
Philippe Noir s’intéresse à la Conaprocam. Créée en 2002, elle est forte de 25.000 membres répartis dans 37 fédérations. Approvisionnements groupés, commercialisation, service de téléphonie, école paysanne, autonomie financière font partie de son action.
Afdi Nièvre suit des éleveurs à Madagascar. En travaillant autour de l’insémination artificielle, de la commercialisation du lait en direct et de la formation autour de la fabrication du fromage. « La collecte a été longue à mettre en place », explique un membre de la Nièvre. « Nous avons insisté sur la rigueur ». L’expérience des uns est profitable aux acteurs du Sud.





Quelques chiffres


Afdi Bourgogne-Franche-Comté, c’est 283 adhérents, en augmentation de 46 % par rapport à l’année précédente. C’est aussi trente réunions départementales, quinze missions Nord-Sud et trois missions Sud-Nord, trois stagiaires répartis sur deux partenariats. Ajoutons-y soixante-dix rencontres, dix participations à des événements, trois débats et une intervention à Agrosup Dijon et une autre au DU humanitaire dans une école d’infirmières.

Question finances, 55 % du budget est directement affectés aux actions du Sud : 35 % en soutien aux organisations professionnelles et 20 % en appui et conseils.







Nourrir les villes


Dans un deuxième temps, une table ronde a permis aux acteurs d’Afdi de donner leur vision sur l’organisation adéquate pour nourrir le monde grâce à l’agriculture familiale.

Après avoir fait le tour des divers partenaires, un temps est laissé pour animer une table ronde autour de cette pertinente question : L’agriculture familiale peut-elle nourrir le monde ? « Ma réponse sera très claire : Oui ! » Sébastien Bainville, enseignant-chercheur en économie rurale à Montpellier SupAgro, parle sans détour. « D’ailleurs, on n’a pas le choix ». Pour étayer son propos, il présente quelques villes avec des contrastes saisissants. Paris, New York, Tokyo, « des villes bien nourries » dans des pays où l’agriculture est largement familiale.

Johannesbourg, Rio de Janeiro, « non, ces pays sont sous la coupe de l’agro-capitalisme », un terme qu’il préfère à celui d’agrobusiness.

En opposition, il parle aussi des pratiques collectivistes. « Moscou, années 20, Pékin, années 50, Hanoï, années 70… elles ont subi des famines avec des conséquences incroyables.

Comme quoi la collectivisation de l’agriculture, ça ne marche pas
».

De fait, l’agriculture familiale semble être la seule voie qui fonctionne. Parce qu’elle se base sur les relations humaines contrairement à l’agro-capitalisme.

« On ne licencie pas sa femme, même si… », plaisante le conférencier. « Et encore moins son fils ! » Il reste encore la question de l’organisation

des producteurs. « Suite aux crises alimentaires de 2008 à 2010, il est vraiment temps de se réintéresser à l’agriculture. Même la Banque mondiale le dit ». Avec une surprise. « Elle pencherait presque pour une politique agricole ». Il reste une crainte : « Cette politique agricole ne serait pas favorable à l’agriculture familiale ; en tout cas, c’est ma crainte ». Une crainte justifiée par tous les accaparements des terres.

L’avenir

Concrètement Rolland Rakotomalala, vice-président de l’union de coopérative laitière Rofama de Fianarantsoa, à Madagascar parle concrètement de leur engagement. « Face au lait coupé à l’eau, nous voulons satisfaire la qualité de notre produit ». Ce qui à l’heure de plaire aux consommateurs, mais aussi aux transformateurs, aux restaurateurs

et « aux gargotiers ».

« Nous produisons du mil, du riz, du maïs pour notre consommation et le lait permet de dégager de l’argent pour notre groupe », explique Oumar Balde, trésorier de la coopérative laitière

Vélingara, au Sénégal. Ce qui permet de faire face aux dépenses de scolarité, d’un mariage. « Et même parfois pour acheter un vélo ».

Le propos de son voisin est plus nuancé. « Pour moi, il n’est pas question de nourrir la ville mais d’abord d’assurer mes revenus », revendique Faliry Boly, secrétaire général du Sexagon au Mali (syndicat des exploitants agricoles de l'office du Niger), venu du Mali. « Nos surplus sont vendus pour assurer notre sécurité alimentaire ». Et concernant la question du jour ? « L’agriculture familiale peut nourrir les villes à condition d’être performante ».

Cette agriculture peut l’être sous certaines conditions : « Un environnement politique sécurisé. Un environnement juridique pour que les organisations professionnelles puissent se mettre en place. Un environnement socio-économique qui permette l’accès au crédit. De la sécurité foncière ».

« Avoir une mécanisation raisonnée »




Quelques points que partage Gilles Schellenberger, de la chambre. « Si pour nous, il n’est pas question de nourrir le monde, nous cherchons aussi à développer les circuits de proximité ». Grâce au programme Sauge. « Qui permet de renforcer le lien entre la ville et la campagne en se basant sur une agriculture durable ». Il reste que la différence entre le Nord et le Sud se joue autour de la mécanisation.

Doit-on servir d’exemple ?

« Notre préoccupation est d’avoir une mécanisation raisonnée ; un motoculteur est typiquement notre besoin et ça coûte pas grand chose », assure l’agriculteur malien. Et un tracteur alors ? « Pour le rentabiliser il faudrait cinq à six fois de surface », annonce Sébastien Bainville. Les voisins devraient donc céder leurs surfaces. « Mais y a-t-il du boulot à Bamako ? »

En fin de débat, un éleveur de charolais résume les enjeux de la question initiale : « L’agriculture familiale, c’est d’abord nourrir les siens. Puis nourrir la ville. Pour garantir son revenu ». En écho, Bernard Perrin, professeur au Legta Granvelle, revient sur le premier propos du conférencier, pour le préciser et donner toute la lumière que mérite le thème de l’après-midi : « Qui nourrit le Brésil ? Ce ne sont pas les agro-exportateurs. Mais bel et bien les paysans sans terre et tous ceux qui pratiquent encore quand ils le peuvent l’agriculture familiale ». Raison de plus d’être à leurs côtés pour les soutenir.





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