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Alimentation des bovins

Du nouveau pour l’autonomie

Une nouvelle technique d’alimentation a fait son apparition dans le milieu de l’élevage bovin. Importée d’outre Manche, cette méthode d’enrichissement des céréales offre de sérieuses perspectives en termes d’autonomie et de sécurisation des rations et des systèmes. Révolutionnaire !
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Installé depuis quatre ans et demie à Saint-Vincent-Bragny, Rémi Edouard conduit un troupeau charolais de 50 vaches sur une soixantaine d’hectares. Avec une structure relativement modeste, le jeune éleveur a choisi d’optimiser la production de son cheptel. Adhérant à Bovins croissance, Rémi s’est mis à « soigner davantage d’animaux » et il s’est « alloué les services d’un nutritionniste indépendant – Franck Dupront en l’occurrence, afin de valoriser au maximum la nourriture stockée sous son hangar », justifie-t-il. Avec des vêlages relativement étalés, Rémi « ne s’arrête pas à une production donnée et n’hésite pas à fleurir un animal si le débouché se présente ». Veaux de moins d’un an, broutards repoussés, taurillons d’herbe, babynettes… Le jeune éleveur a même conduit un mâle au Festival du Bœuf pour lequel il a décroché un prix d’honneur. Un animal qui comme l’ensemble de son cheptel a bénéficié d’une conduite alimentation originale puisque l’élevage n’achète plus d’aliment ni de tourteau.

Technique venue d’Ecosse



Cette pratique remonte à 2013 lorsque sur les conseils de son nutritionniste Franck Dupront, l’éleveur est allé voir un élevage qui soignait ses animaux rien qu’avec des céréales. Elles étaient traitées avec un produit dénommé « Ali Plus » suivant une technique nouvelle importée d’Ecosse et d’Irlande. Rémi Edouard a été l’un des tout premiers éleveurs de la région à reprendre ce procédé révolutionnaire. Concrètement : « le produit "Ali Plus" est ajouté à des céréales aplaties grossièrement et préalablement humidifiées avec de l’eau », indique Franck Dupront. Se présentant sous la forme de billes enrobées, « Ali Plus » est un « complément alimentaire qui contient de l’urée et une enzyme. Mélangé aux céréales concassées, il provoque une hydrolyse responsable de deux réactions : l’enzyme transforme l’urée en ammoniac et elle commence à casser les chaines carbonées des amidons ; ce qui revient à prédigérer les céréales », résume le nutritionniste. La réaction se produit en 15 jours à trois semaines de temps. Pour se faire, les céréales traitées doivent être entreposées en tas sans les tasser.
« Le traitement fait monter la céréale de + 4 à + 5 points en protéines », indique Franck Dupront. « C’est un moyen efficace de diminuer sa dépendance aux achats de tourteaux, voire même de les supprimer pour certaines catégories d’animaux ». Pour les polyculteurs produisant leurs propres céréales, c’est la possibilité de rentabiliser au maximum leur production autonome. L’expert ajoute que le produit français "Ali Plus" est homologué pour la filière « Charte Qualité Carrefour » ainsi que broutards non OGM.

Ration sécurisée



Ainsi traitée, la céréale perd sa propension à provoquer l’acidose (lire encadré). Et l’absence de déséquilibre alimentaire exclut le risque de « graisser », induisant au contraire la production de viande, explique Franck Dupront. De fait, l’efficacité de ce régime alimentaire est très rapidement visible sur les animaux. « L’animal amortis tout ce qu’il mange », commente Rémi Edouard. Les bovins sont plus calmes et profitent bien. Les premiers effets remarquables se manifestent sur la musculature du dos, signalent-ils.
Faute de surface suffisante dans son système 100% herbe, Rémi achète ses céréales. Selon lui, le coût d’une céréale basique ajouté au produit "Ali Plus" lui revient moins cher qu’un aliment complet du commerce. L’éleveur prépare son aliment à raison de six tonnes d’un coup. Il fait en sorte de toujours avoir 15 jours à trois semaines d’avance, sachant qu’il faut ce délai pour traiter un stock. Pour mélanger le produit aux céréales aplaties, Rémi fait appel à un voisin équipé d’une mélangeuse. Une fois le mélange effectué, les céréales sont entreposées à plat sur un couloir d’alimentation. Bien qu’humides, elles se conservent sans aucun dommage car « du fait du PH très alcalin, les céréales ne s’oxydent pas », indique Franck Dupront.

Bêtes d’élevage ou engraissement



Cet aliment « maison » peut être distribué aussi bien aux animaux à l’engraissement qu’à des bêtes d’élevage. Il doit être systématiquement accompagné de paille à volonté et les animaux doivent avoir accès à de l’eau en quantité et en qualité, met en garde Franck Dupront. Avant vêlage, les vaches de Rémi reçoivent 600 grammes de céréales enrichies par jour. La quantité monte à 1,2 kg après vêlage. Les laitonnes et génisses de 18 mois en reçoivent quant à elles 1,5 kg. Pour les bêtes à l’engraissement ou les broutards après sevrage, c’est à volonté. Ce régime ne nécessite même pas de transition alimentaire : « dès que mes broutards sont sevrés, j’attaque de but en blanc en remplissant l’auge », confie Rémi. Cette année, alors que l’herbe commençait à manquer, les veaux se sont mis à recevoir des céréales à volonté au pré dans un nourrisseur couvert. Le même régime est appliqué aux taurillons d’herbe au printemps. Quant au bœuf prix d’honneur du dernier Festival, il a subi une finition aux céréales traitées « plein baquet » à partir de début novembre, le tout complémenté d’un kilo de lin « pour la présentation ». Pesant 850 kg vif fin septembre, l’animal a pris 85 kg en seulement 27 jours de temps. Abattu le 17 janvier, il a donné un poids de carcasse de 636 kg. Vendue dans une boucherie du Nord de la France, sa viande convenait tout à fait aux acheteurs.

Simple mais pointue quand même



Très simple à mettre en œuvre, ce mode d’alimentation convient bien à Rémi dans son ambition d’alourdir ses produits. « Je ne cherchais pas spécialement à faire diminuer mon poste alimentation mais plutôt à finir davantage d’animaux. Ce système est adapté à tout : broutards, taurillons, vaches, babynettes, bœufs… », confie le jeune éleveur.
Outre ses atouts indiscutables en termes d’autonomie alimentaire, la technique a de « nombreux avantages collatéraux », fait remarquer Franck Dupront. Exemple : les bovins produisent des litières plus sèches d’où des économies en paille. Plus calmes durant la durée d’engraissement, « les animaux ne donnent pas de viande fiévreuse », signale Franck Dupront. Comptant parmi les précurseurs de cette technique en France, le nutritionniste suit une soixantaine d’exploitations utilisatrice d’"Ali Plus". Parmi celles-ci, des structures allant de 50 à 400 vaches allaitantes, naisseurs stricts à engraisseurs spécialisés, exploitations laitières… « C’est quand même une technique qui tranche avec tous ce qui s’est fait depuis des décennies », souligne Franck Dupront qui recommande aux intéressés de ne pas se lancer seuls.

Pour tout renseignement : Dupront Nutrition
Tél. : 06.29.15.36.82. Mail : dupront.nutrition@sfr.fr

+ 10 à + 20% d’efficacité alimentaire en plus



« Cette technique a deux gros avantages : la transformation de l’urée en ammoniac qui est importante pour les micro organismes du rumen », détaille le nutritionniste Franck Dupront. Autre gros atout : « la réaction aboutit à un PH alcalin de 9 à 9,5 ce qui écarte tout risque d’acidose. Par peur de l’acidose, les aliments traditionnels "viande" utilisent beaucoup d’ingrédients à dégradation lente (corn gluten, maïs, lin, pulpe…). Alors que le blé se dégrade très vite ; de l’ordre de 90% en deux heures, le maïs ne se dégrade qu’à hauteur de 25% dans le même temps. Sachant que 80% de la digestion se joue dans le rumen, les aliments lents n’ont pas le temps d’y être complètement dégradés. Seules, ni les céréales à paille ni l’urée ne conviennent à des bovins. Mais, grâce à « Ali Plus », le fait d’associer des céréales à paille à de l’ammoniac, lesquels se dégradent tous deux très rapidement, permet un gain d’efficacité alimentaire de + 10 à + 20% », explique Franck Dupront.

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