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40e congrès des coopératives vinicoles de France

Du réel à l’idéal

Déclarée "Année de la coopération" par l’ONU, le 40e congrès des coopératives vinicoles de France est revenu en Saône-et-Loire (du 2 au 4 juillet), sur les terres d’Henri Boulay, fondateur. Boris Calmette devient président national et réaffirme fermement les valeurs soutenant ce mouvement « original pour entreprendre ». A la croisée des chemins, les coopératives se retrouvent au centre de la loi-cadre pour l’agriculture, annoncé par le Premier ministre, le mardi même.
Par Publié par Cédric Michelin
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Encore président mardi soir, Denis Verdier saluait le travail des coopérateurs, qui après une journée de mardi à « préparer l’avenir et notamment la Pac », honorait la mémoire d’Henri Boulay à Saint-Gengoux-de-Scissé (voir notre article).
Pour lui, la loi-cadre pour l’agriculture annoncée le jour même par le Premier ministre, verra « le mouvement coopératif renforcé ». Se tournant vers André Peulet pour qu’il transmette ce message à Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, nul doute que les coopératives auront un rôle central pour redonner de la croissance à la France. En effet, en plus de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, ce mouvement « durable » sera également sous l’aile du tout nouveau ministère de l’économie sociale et solidaire. Pour défendre cette « façon originale d’entreprendre », c’est désormais Boris Calmette –élu le mercredi à Chalon– qui lui succède à la présidence.

Pays méditerranéens « sans faille »



Le président de la Cogeca, Paolo Bruni représente donc les intérêts à l’échelle européenne, d’un portefeuille représentant un chiffre d’affaires de 350 milliards d’€. Pour lui, la recherche technologique est « déterminante pour notre compétitivité » future. Pour investir, il insistait sur la « répartition de la valeur tout au long de la chaine alimentaire », question aussi importante, selon l’Italien, que la Pac, en renégociation actuellement.
Mais pour peser, il faudra une « collaboration sans faille entre l’Italie, la France et l’Espagne » pour que l’agriculture soit « plus importante dans la stratégie européenne de 2020 ». Dans un contexte de crise économique, les négociations sur le budget de la Pac s’annoncent tendues.

« Brutalité » « flexible »



« Un monde de brutalité envahit le monde. La crise financière en est l’exemple », débutait d’ailleurs Thierry Coste, président du groupe de travail vin au Copa-Cogeca. Pour conserver la diversité et les performances de la viticulture, « la clé de voute est le système de régulation des droits de plantation, qui est toujours en danger. Car, en 2016, si rien n’est fait, ils n’existeront plus ». La CCVF s’est donc "calée" sur la position du parlement pour maintenir le système actuel jusqu’en 2030.
La Commission a fait une proposition. Elle veut un système « plus flexible ». « Pas forcément à notre avantage », analysait Thierry Coste, car la gestion des droits « pourrait être réservée aux vins d’origine et IGP. Nous réaffirmons ces droits pour tous les types de vins », insistait-il. Le négoce européen a une position ambivalente sur tous ces points. « Ils n’ont pas le monopole de la compétitivité », lâchait le viticulteur, admettant le même constat pour les coopératives.

Diviser pour mieux régner



La Commission profite de ces dissensions pour également faire pression sur les enveloppes nationales Pac. Droits de plantation ou droits à primes, en quelque sorte. Pour arriver à ses fins, elle a habilement scindé le Groupe de travail à Haut niveau sur les droits de plantation en « trois sous groupes : vignobles en pente, AOP, vins industriels ». Diviser pour mieux régner, semble être la doctrine de la Commission actuellement. Sournois ? Oui, car de plus, les négociations devront se faire en anglais. Qui plus est, sur des « scénarii étonnants ». « Ils veulent nous faire travailler sur ces droits plus flexibles –qui n’existent pas– que nous ne voulons pas », se refusait Thierry Coste, qui siège au Groupe de travail.

Conducteurs de tracteurs pour boursicoteurs !



La lutte continue donc. Boris Calmette, président de la CCVF, s’évertuera à protéger les 720 caves coopératives en France mais a besoin pour cela « d’un relai important à tous les niveaux ».
En face, le marché mondial n'en a cure et est en pleine évolution (Chine, Corée du Sud…). Plus inquiétant, « nous sommes moins performant que nos concurrents ». Une concurrence bientôt débridée puisque l’OCM vin (Organisation commune des marchés) est « sur la table des négociations avec l’OCM unique ». Avec une Europe en crise politique, son budget agricole est (37 % du budget de l’EU) est « sous pression » des néolibéraux. La peur de la crise globale ne doit mettre à mal la sécurité alimentaire. En réalité, seule politique commune intégrée aux 27 États-Membres, le budget affecté à l'agriculture par ses gouvernements n’est de l’ordre que de 1 % du PIB Européen total !
« La commission européenne est schizophrène. Elle prône le renforcement des organisations et nous accuse d’ententes » illégales ensuite, déplore le président des coopératives. Entre ces deux axes, son choix est clair : « je n’attendrai pas que nos enfants dans nos villages soient embauchés pour conduire des tracteurs détenus par des fonds de pension ».
Finissant sur une note positive, Boris Calmette se permettait un rapprochement avec Jean Jaurès, pour décrire le mouvement coopératif : « il faut aller à l'idéal en passant par le réel ». Et le réel, ce sont les produits, les coopératives et les coopérateurs…


Des coop’s dans mon frigo



Chrystel Giraud-Dumaire (Coop FR) faisait un état des lieux des « valeurs et principes coopératifs ». Le panorama sectoriel était même impressionnant, avec de « nombreuses marques que l’on retrouve dans mon frigo », s’amusait-elle. L’ONU estime même que « la moitié de la population mondiale en dépend ». Derrière, 100 millions de salariés travaillent, « soit 20 % de plus que le nombre d’emplois des multinationales ». En Europe, 160.000 entreprises (21.000 en France) sont recensées pour 123 millions de membres (24 en France) et 5,4 millions de salariés (1 million en France). Le paysage coopératif est multiple en France, agricole bien sûr mais aussi, artisans, bancaires, commerçants, consommateurs, copropriétés de coopératives, d’HLM, maritimes, scolaires, transports…

Bien souvent, des marques connues cachent des coopératives (Banette, Candia, Yoplait…). Parfois surprenantes (Leclerc, Système U…). « Avec la crise financière internationale, les banques ont beaucoup communiquées (Crédit Agricole, Crédit Mutuel…) sur leurs valeurs mutualistes », se félicitait la chargée de mission.




L’adhérent au cœur du projet



Le modèle économique semble robuste. En pleine récession, « les coop’ de commerçants enregistrent une croissance de 4,1 % en 2011 ». 75 % des agriculteurs font partie d’au moins une coopérative. Il faut dire que le coopérateur –ou adhérent ou sociétaire– « est au cœur du projet ». Autant dire qu’il ne cherche pas à délocaliser et vise des « stratégies à long terme ». Ancrés aux territoires, ¾ sont installées en région et ¼ ont plus de 50 ans d’existence.

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