Accès au contenu
Les Rencontres À Table !
Elevage charolais

Elevage charolais : quelques vérités bonnes à entendre

Fin mai, à l’invitation de l’Ambassade du Charolais et de la Société d’agriculture et d’élevage du Charollais, le directeur de recherche Jean-François Hocquette est venu livrer quelques réflexions sur la filière charolaise et les débats sur les attentes sociétales. Une conférence instructive.

Elevage charolais : quelques vérités bonnes à entendre

Le 25 mai dernier, l’Ambassade du Charolais et la Société d’agriculture et d’élevage du Charollais avaient organisé une conférence à la Maison du Charolais. Ambition de la soirée : rétablir la vérité sur la viande et l’élevage avec un intervenant de référence : le directeur de recherche à l’INRA, Jean-François Hocquette, co-auteur d’un ouvrage intitulé « La chaîne de la viande bovine – production, transformation, valorisation et consommation » aux éditions Lavoisier Tec et Doc.

S’il répondait de bon cœur à l’invitation, Jean-François Hocquette n’était pas venu dire « sa » vérité, comme nombre de faux experts le prétendent. Au contraire, le scientifique s’est tenu à livrer quelques réflexions sur l’élevage et la viande. Réflexions étayées par des connaissances indiscutables.

D’abord, tout commence par un problème vital à résoudre, celui d’avoir suffisamment de ressource alimentaire pour une population en explosion démographique. Mais cet impératif s’accompagne paradoxalement d’une exigence de qualité et d’éthique avec la prise en compte du mal-être supposé des animaux. La course au progrès qui fascine les médias et aiguise les appétits des start-up, induit en même temps l’essor des substituts de viande. « Les protéines du futur, on peut déjà en fabriquer à partir de boues d’épuration », révélait, devant un auditoire estomaqué, Jean-François Hocquette. Il citait aussi le premier burger artificiel à 250.000 € et promettait la possibilité de consommer de la viande de synthèse dès 2021. A l’énoncé d’un tel contexte, trois scénarii sont imaginables : « un futur gouverné par l’agro-alimentaire ; un autre dominé par les circuits courts, l’agro-écologie, le bien-être animal ». Enfin, un troisième scénario verrait « les médecins prescrire quoi manger », exposait Jean-François Hocquette. En fait, l’avenir sera sans doute un peu des trois, prévoyait le scientifique. Plus spécifiquement dans les pays industrialisés...

9 milliards d’individus à nourrir

La clé du défi à venir, c’est qu’il faudra pouvoir nourrir neuf milliards (ou plus) d’individus sur la planète. Un impératif alimentaire et économique d’une réalité mathématique, mais sur lequel le débat sociétal et philosophique sur la viande a pris le dessus. « Une nouvelle guerre de religion » qui mobilise auteurs, intellectuels, journalistes… L’homme mangeur de viande, Jean-François Hocquette en rappelle les fondements historiques, lesquels remontent à 1,5 millions d’années quand l’homme préhistorique n’en était encore qu’au stade chasseur-cueilleur. Au fur et à mesure du développement de nos sociétés modernes, la viande est devenue un marqueur social. On consomme encore beaucoup de viande et le fait est que nos sociétés auraient tendance à ingurgiter trop de protéines animales, concède le chercheur. La baisse de consommation de viande bovine est une réalité en France. Les motifs de cette érosion seraient par ordre décroissant le prix, le bien-être animal, la santé, les scandales alimentaires, l’environnement, le refus de manger un animal.

Un animal sensible…

Parmi les marroniers du débat sociétal, il y a cette idée que l’élevage industriel ne respecte pas le bien-être animal. De l’animal machine, on est passé à l’animal doué de sensibilité, résumait l’intervenant. La recherche a démontré que le bien-être animal passait par le respect de cinq libertés fondamentales : physiologique, sanitaire, environnementale, psychologique et comportementale.

Au plan de la santé, la viande est reconnue pour les qualités nutritionnelles de ses protéines. Sur les lipides, la critique est plus vive. Pourtant, « le porc apporte plus de lipides dans l’assiette que le bœuf, les produits laitiers ou encore tous les produits transformés », faisait remarquer Jean-François Hocquette. Quant au risque de développer plus de cancer, sujet très médiatisé, la viande arrive finalement bien loin derrière la cigarette, l’alcool et même l’inactivité physique, recadrait le scientifique.

La performance économique

Au chapitre des vertueuses attentes sociétales, reste le sacrosaint sujet de l’environnement. S’il reconnait que la viande a un impact carbone élevé, Jean-François Hocquette note cependant une grande variabilité entre les systèmes d’élevage d’où de grandes marges de progrès possibles. Et le chercheur signale aussi que le logement et le transport impactent bien plus en carbone que l’alimentation. Pour les gaz à effet de serre, il faut savoir que ce sont « les meilleures vitesses de croissance qui produisent le moins de méthane », faisait remarquer le scientifique. Une donnée qui ébranle le culte anti-intensif. D’ailleurs cela rejoint l’idée que l’impact carbone est lié à la performance économique. Autrement dit : « les fermes efficaces sur le plan économique sont aussi les meilleures pour l’environnement ».

Une baisse de - 18 % à - 30% des émissions de gaz à effet de serre est possible en modifiant les pratiques, informait Jean-François Hocquette. Comme quoi on peut encore lutter contre le changement climatique grâce à l’élevage. Mais les plus grosses marges de progrès sont beaucoup plus dans les pays en développement et sur la gestion des sols, cultures, déforestion… Ce qui fait dire aussi au chercheur que tous ces chiffres sont à considérer à l’échelle de la planète et non au niveau de la région.

Les prairies stockent du carbone. Il faudra affronter la question de l’optimisation des terres avec la nutrition humaine. Si tous les humains devenaient végétariens, il n’y aurait pas assez de terre pour les nourrir ! Sans compter qu’une abolition pure et simple de l’élevage ne ferait baisser que de - 2,6% les émissions de gaz à effet de serre…

Les flexitariens ont raison

S’il convient que nous devrons revisiter nos relations avec les animaux, Jean-François Hocquette signale tout de même que les abolitionnistes ne représentent que 2% de la population alors même que plus de 50% sont progressistes favorables à la diversité des élevages.

En conclusion, il est tout à fait possible de nourrir les 9 milliards d’habitants qui occuperont la planète demain. A condition de venir à bout du gaspillage alimentaire dont l’impact carbone est considérable. Mais cela se ferait au prix d’une diminution du nombre de calories ingérées. Davantage de protéines végétales et surtout manger de tout de façon diversifiée, sur le mode flexitarien, recommande Jean-François Hocquette.

Enfin devant un auditoire de défenseurs et acteurs de l’élevage charolais, le chercheur de l’INRA osait regretter « l’absence de stratégie marketing de la filière », laquelle manquerait, selon lui, « cruellement de cohésion ».

Elevage charolais : quelques vérités bonnes à entendre

Elevage charolais : quelques vérités bonnes à entendre

Le 25 mai dernier, l’Ambassade du Charolais et la Société d’agriculture et d’élevage du Charollais avaient organisé une conférence à la Maison du Charolais. Ambition de la soirée : rétablir la vérité sur la viande et l’élevage avec un intervenant de référence : le directeur de recherche à l’INRA, Jean-François Hocquette, co-auteur d’un ouvrage intitulé « La chaîne de la viande bovine – production, transformation, valorisation et consommation » aux éditions Lavoisier Tec et Doc.

S’il répondait de bon cœur à l’invitation, Jean-François Hocquette n’était pas venu dire « sa » vérité, comme nombre de faux experts le prétendent. Au contraire, le scientifique s’est tenu à livrer quelques réflexions sur l’élevage et la viande. Réflexions étayées par des connaissances indiscutables.

D’abord, tout commence par un problème vital à résoudre, celui d’avoir suffisamment de ressource alimentaire pour une population en explosion démographique. Mais cet impératif s’accompagne paradoxalement d’une exigence de qualité et d’éthique avec la prise en compte du mal-être supposé des animaux. La course au progrès qui fascine les médias et aiguise les appétits des start-up, induit en même temps l’essor des substituts de viande. « Les protéines du futur, on peut déjà en fabriquer à partir de boues d’épuration », révélait, devant un auditoire estomaqué, Jean-François Hocquette. Il citait aussi le premier burger artificiel à 250.000 € et promettait la possibilité de consommer de la viande de synthèse dès 2021. A l’énoncé d’un tel contexte, trois scénarii sont imaginables : « un futur gouverné par l’agro-alimentaire ; un autre dominé par les circuits courts, l’agro-écologie, le bien-être animal ». Enfin, un troisième scénario verrait « les médecins prescrire quoi manger », exposait Jean-François Hocquette. En fait, l’avenir sera sans doute un peu des trois, prévoyait le scientifique. Plus spécifiquement dans les pays industrialisés...

9 milliards d’individus à nourrir

La clé du défi à venir, c’est qu’il faudra pouvoir nourrir neuf milliards (ou plus) d’individus sur la planète. Un impératif alimentaire et économique d’une réalité mathématique, mais sur lequel le débat sociétal et philosophique sur la viande a pris le dessus. « Une nouvelle guerre de religion » qui mobilise auteurs, intellectuels, journalistes… L’homme mangeur de viande, Jean-François Hocquette en rappelle les fondements historiques, lesquels remontent à 1,5 millions d’années quand l’homme préhistorique n’en était encore qu’au stade chasseur-cueilleur. Au fur et à mesure du développement de nos sociétés modernes, la viande est devenue un marqueur social. On consomme encore beaucoup de viande et le fait est que nos sociétés auraient tendance à ingurgiter trop de protéines animales, concède le chercheur. La baisse de consommation de viande bovine est une réalité en France. Les motifs de cette érosion seraient par ordre décroissant le prix, le bien-être animal, la santé, les scandales alimentaires, l’environnement, le refus de manger un animal.

Un animal sensible…

Parmi les marroniers du débat sociétal, il y a cette idée que l’élevage industriel ne respecte pas le bien-être animal. De l’animal machine, on est passé à l’animal doué de sensibilité, résumait l’intervenant. La recherche a démontré que le bien-être animal passait par le respect de cinq libertés fondamentales : physiologique, sanitaire, environnementale, psychologique et comportementale.

Au plan de la santé, la viande est reconnue pour les qualités nutritionnelles de ses protéines. Sur les lipides, la critique est plus vive. Pourtant, « le porc apporte plus de lipides dans l’assiette que le bœuf, les produits laitiers ou encore tous les produits transformés », faisait remarquer Jean-François Hocquette. Quant au risque de développer plus de cancer, sujet très médiatisé, la viande arrive finalement bien loin derrière la cigarette, l’alcool et même l’inactivité physique, recadrait le scientifique.

La performance économique

Au chapitre des vertueuses attentes sociétales, reste le sacrosaint sujet de l’environnement. S’il reconnait que la viande a un impact carbone élevé, Jean-François Hocquette note cependant une grande variabilité entre les systèmes d’élevage d’où de grandes marges de progrès possibles. Et le chercheur signale aussi que le logement et le transport impactent bien plus en carbone que l’alimentation. Pour les gaz à effet de serre, il faut savoir que ce sont « les meilleures vitesses de croissance qui produisent le moins de méthane », faisait remarquer le scientifique. Une donnée qui ébranle le culte anti-intensif. D’ailleurs cela rejoint l’idée que l’impact carbone est lié à la performance économique. Autrement dit : « les fermes efficaces sur le plan économique sont aussi les meilleures pour l’environnement ».

Une baisse de - 18 % à - 30% des émissions de gaz à effet de serre est possible en modifiant les pratiques, informait Jean-François Hocquette. Comme quoi on peut encore lutter contre le changement climatique grâce à l’élevage. Mais les plus grosses marges de progrès sont beaucoup plus dans les pays en développement et sur la gestion des sols, cultures, déforestion… Ce qui fait dire aussi au chercheur que tous ces chiffres sont à considérer à l’échelle de la planète et non au niveau de la région.

Les prairies stockent du carbone. Il faudra affronter la question de l’optimisation des terres avec la nutrition humaine. Si tous les humains devenaient végétariens, il n’y aurait pas assez de terre pour les nourrir ! Sans compter qu’une abolition pure et simple de l’élevage ne ferait baisser que de - 2,6% les émissions de gaz à effet de serre…

Les flexitariens ont raison

S’il convient que nous devrons revisiter nos relations avec les animaux, Jean-François Hocquette signale tout de même que les abolitionnistes ne représentent que 2% de la population alors même que plus de 50% sont progressistes favorables à la diversité des élevages.

En conclusion, il est tout à fait possible de nourrir les 9 milliards d’habitants qui occuperont la planète demain. A condition de venir à bout du gaspillage alimentaire dont l’impact carbone est considérable. Mais cela se ferait au prix d’une diminution du nombre de calories ingérées. Davantage de protéines végétales et surtout manger de tout de façon diversifiée, sur le mode flexitarien, recommande Jean-François Hocquette.

Enfin devant un auditoire de défenseurs et acteurs de l’élevage charolais, le chercheur de l’INRA osait regretter « l’absence de stratégie marketing de la filière », laquelle manquerait, selon lui, « cruellement de cohésion ».

Images