Elevage : et si c’était mieux demain ?
Prenant le contrepied d’une vision nostalgique et défaitiste de l’élevage, les participants à une table ronde ont énoncé les raisons d’être optimiste sur l’avenir de ce secteur.

Culpabilisation des amateurs de viande, baisse régulière de la production, inquiétudes sur le renouvellement des générations, les raisons de s’inquiéter sur le devenir de l’élevage sont légion. Pourtant, en intitulant cette table ronde « et si c’était mieux demain ? » Philippe Manry, directeur général de Sanders, Soazig Di Bianco, chercheuse à l’École supérieure d’agricultures d’Angers et Emmanuel Hilbert, éleveur en Mayenne, ont présenté des perspectives beaucoup plus réjouissantes lors d’une rencontre au siège du groupe Avril à Paris.
Besoin de produits d’élevage
Donnons, pour commencer, la parole à l’éleveur, Emmanuel Hilbert, qui élève 450 truies et une cinquantaine de laitières à Montsûrs en Mayenne, sur 35 hectares avec trois salariés : « Oui, c’est du travail, plus que la normale, sept jours sur sept. L’avenir ? C’est mieux qu’il y a dix ans. On manque de tout, de lait, de porc, de viande bovine. Les entreprises ont besoin de nous. On peut faire entendre notre demande de rémunération », indique-t-il. Le véritable défi est le besoin en capital nécessaire à l’installation. Pour Emmanuel Hilbert, les grandes enseignes n’auront d’autre choix que d’entrer au capital des exploitations pour donner confiance aux banquiers. L’appartenance à une filière pourrait être un atout pour conforter les exploitations.
Soazic Di Bianco insiste sur un autre paramètre, la concentration et l’agrandissement des exploitations, qui les rend plus complexes à gérer. « Il faut avoir des compétences en gestion et en management pour piloter une entreprise et diriger des salariés, souvent saisonniers ». « Les éleveurs vivent leur métier avec passion, proche de la nature et des animaux, avec la satisfaction d’être son propre patron », poursuit-elle, « mais en contrepartie il y a une accumulation de normes, et les contraintes du marché ». Pour cette enseignante-chercheuse, il est indispensable que l’éleveur obtienne une reconnaissance pour l’entretien des paysages, le stockage du carbone et la plantation des haies. De son poste d’enseignante, elle constate qu’il y a toujours une attirance pour l’élevage chez les étudiants, même chez les « Nima », les non-issus du milieu agricole. Mais, souligne-t-elle, « un projet de transmission se travaille sur dix ans et non les deux dernières années »…. Le directeur général de Sanders, l’entreprise d’alimentation animale, Philippe Manry, observe pour sa part une évolution positive du métier. « Avant, c’était un métier subi, beaucoup plus pénible qu’aujourd’hui. Maintenant, c’est un métier choisi ; l’élevage français a une belle page à écrire », avance-t-il, « à la condition de relever les trois défis que sont la décarbonation, la transmission des générations et la souveraineté alimentaire ».
Féminisation
« Le métier va se féminiser » estime, le DG de Sanders, « car il y a une majorité de femmes dans les écoles ». Elles représentent aujourd’hui un tiers des actifs agricoles et un quart des chefs d’exploitation. L’ESA d’Angers vient d’ouvrir une chaire « Agricultures au féminin » pour promouvoir l’entreprenariat et la place des femmes dans le monde agricole. Une première étude sur l’installation réalisée par cette école devrait être rendue publique le 20 mars prochain. Philippe Manry mise d’ailleurs sur le « savoir-faire animalier plus développé chez les femmes ». Caricaturant forcément un peu, Soazic Di Bianco de son côté, constate une division des rôles, avec des femmes qui, pour la collecte des informations, se fondent sur des indicateurs sensoriels, tandis que les hommes optent pour des indicateurs mesurés. Si le métier se féminise, il faudra adapter les équipements, constatent les intervenants. Tous se retrouvent sur la nécessité de communiquer sur ce métier, surtout dans un pays de polyculture-élevage.