Elles s'engagent en paroles et en actes
du début du XXème siècle, en Europe comme aux Etats-Unis, la journée du 8
mars a été marquée par de nombreux événements en Europe, en France et
bien sûr en Bourgogne. Le Conseil régional, la Préfecture de région et
la Délégation régionale aux droits des femmes et à l'égalité, avait
composé un programme à forte résonance pour marquer les esprits et
prendre date en rappelant que « le 8 mars c'est toute l'année » et que « les femmes sont sur tous les fronts 365 jours par an ».
L'émancipation : une conquête fragile
Le Conseil régional a ouvert le ban dès le matin en conviant les femmes de Bourgogne – et les hommes, mais ils étaient bien peu à avoir fait le déplacement- à une matinée d'échanges et de réflexion sur le rôle des femmes dans le développement économique, sur leur engagement par rapport aux discriminations persistantes et leur action au quotidien sur les territoires, comme à l'international.
Une matinée alternant tables rondes et échanges, qui a favorisé l'expression et la transmission d'expérience, avec des femmes plurielles, aux parcours diversifiés mais semés des mêmes embûches. Des femmes qui, comme beaucoup d'autres, ont du lutter deux fois plus pour revendiquer leur place et assumer leur choix en toute indépendance.
Comme l'a rappelé Fadila Khattabi, vice-présidente du Conseil régional et déléguée à l'égalité femme-homme et à la parité, l'émancipation des femmes a été obtenue après des années de lutte, en partie par la conquête de l'autonomie financière. Mais dans un contexte économique tendu, cette émancipation « reste une chose fragile ». En dépit des acquis, des progrès « les inégalités comme les stéréotypes subsistent à des niveaux alarmants ». L'inégalité salariale demeure une réalité, de même que la grande difficulté à concilier vie familiale et vie professionnelle, « les femmes sont aussi plus concernées par le chômage, les contrats précaires, les emplois peu qualifiés, le temps partiel plus souvent subi que choisi... ». Pour la déléguée à l'égalité femme-homme cela justifie que les femmes soient sur tous les fronts 365 jours par an.
Bien entendu, la loi tente de compenser les inégalités les plus criantes, mais le problème c'est justement que pour avancer vers plus d'équité il soit nécessaire de légiférer, d'imposer ce qui devrait couler de source. Dans nos pays développés comme partout, les stéréotypes ont la vie dure et les femmes elles-même ne sont pas exemptes de responsabilités dans ce domaine.
L'égalité : une priorité
Même discours à la Préfecture où le Préfet de région, Pascal Mailhos, avait convié des agricultrices et viticultrices à déjeuner pour marquer l'événement. L'occasion de rappeler l'enjeu de cette journée et le message sans ambigüité de la ministre aux droits des femmes : passer de l'égalité en droits, à l'égalité dans les faits. L'égalité ne peut se construire que dans une mobilisation permanente et l'égalité femme-homme est une priorité. En ont témoigné les invitées présentes : Virginie Taupenot-Daniel, viticultrice dans la Côte de Nuits, Marie Cuny, viticultrice à Nanchèvres, Nadine Darlot, productrice de lait dans l'Yonne, vice-présidente de la Chambre d'agriculture de l'Yonne, Nathalie Madon, proviseur-adjoint du Lycée agricole de Beaune, Monique Bernard, présidente de l'EPLEFPA Nevers-Cosnes-Plagny, Anne Gonthier, présidente EPLEFPA de Fontaines (71), Nathalie Mairet, productrice de lait en Côte d'Or, administratrice nationale FNPL et Delphine Zenou, déléguée régionale aux droits des femmes.
Sur la base du recensement agricole qui marque l'évolution de la condition des femmes en agriculture depuis dix ans, on constate que les femmes valorisent mieux aujourd'hui leur travail, leur statut a évolué ce qui leur assure plus de visibilité et les conforte au sein des exploitations. Elles représentent aujourd'hui presque 30% des actifs. 44% des actives agricoles sont des exploitantes qui dirigent près du quart des fermes régionales.
Là aussi, en relation avec la réunion du matin au Conseil régional, leur apport en termes de développement économique et d'innovation est évident puisqu'elles sont le plus souvent à l'origine des diversifications. Plus diplômées que les hommes, elles sont cependant souvent moins formées aux métiers agricoles qu'eux et accèdent plus difficilement à la formation professionnelle. Question de disponibilité, car là encore les agricultrices se heurtent aux mêmes difficultés que les autres femmes quand il s'agit de concilier vie professionnelle et vie personnelle.
Portrait de femmes et tranches de vie
Les tables rondes organisées le matin au Conseil régional, en partenariat avec la délégation régionale aux droits des femmes, ont retracé quelques parcours de femmes « ordinaires » animées par une extraordinaire volonté de faire aboutir leur projet professionnel, en dépit des embûches.
Remarquable parcours ainsi que celui de cette « jardinière », Pascale Corbin Kurtz, entrée en résistance face « à un système de caste masculin » qui lui fermait les portes au nez. Une jardinière cela n'existe pas a priori, cela « ne rentre pas dans les cases ». La créatrice et dirigeante de « Jardin par nature » a du renverser des montagnes de machisme pour s'imposer. Pour elle aucun doute « la désinhibition passe d'abord par le langage, un langage qui revendique la féminisation d'une activité ». Elle pratique désormais « la discrimination positive », les femmes d'abord... ce n'est pas si fréquent et c'est un choix assumé. Féministe au sens premier du terme, car c'est la recherche de l'égalité des droits d'abord, cette battante est déterminée « à faire bouger les cases », grâce à la loi mais pas seulement, car tout reste une question de volonté et de détermination.
A cette même table ronde, Anne Gonthier s'est fait la porte-parole des agricultrices. Présidente de l'EPLEFPA de Fontaines en Saône-et-Loire, mais d'abord agricultrice et productrice, elle a confirmé que « les stéréotypes ont la vie dure en dépit des évolutions ». Son métier c'est d'abord un « choix de vie » et une fierté car c'est aussi « un rôle de nourricière ». Pour toutes celles qui restent dans l'ombre, elle a témoigné « nous sommes bien dans nos bottes, fières de notre métier ». Grâce à la loi les agricultrices sont plus présentes lors des scrutins de listes, mais la lutte doit maintenant se porter « dans les conseils d'administration des organisations agricoles ». Pour les agricultrices pas de revendication de domination, mais une forte attente de reconnaissance d'une vraie complémentarité dans le travail, comme dans le quotidien d'une ferme.