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Numérique en agriculture

En Agriculture, le numérique pourrait être une révolution digne de l’arrivée du tracteur !

Pour l’agro-économiste Jean-Marie Séronie, la révolution numérique va transformer l’agriculture et la vie des exploitants. Pour peu qu’elle soit accessible à tous, elle pourrait être une des réponses à la crise agricole qui sévit.

En Agriculture, le numérique pourrait être une révolution digne de l’arrivée du tracteur !

A l’issue de son assemblée générale le 15 décembre dernier à Charolles, Téol a donné la parole à l’agro-économiste Jean-Marie Séronie, auteur d’un livre intitulé "La révolution numérique en agriculture : vers un big bang !". Pour cet ancien directeur de centre comptable, l’irruption du numérique en agriculture sera l’équivalent de l’arrivée de tracteur au siècle dernier ! Une perspective certes un peu perturbante de prime abord, mais qui, à bien y regarder, recèle aussi quelque espoir quant à l’avenir de nos sociétés, dont l’agriculture.

Sans sombrer dans le discours démesurément exalté des "geeks" (définition du Larousse : fan d’informatique toujours à l’affût des nouveautés et des améliorations à apporter aux technologies numériques), le sexagénaire a livré une analyse pertinente du phénomène en cours en y pointant des pistes prometteuses pour les agriculteurs.

Des besoins à satisfaire

Jean-Marie Séronie a d’abord longuement évoqué le phénomène des « plateformes ». Le système « Uber » - une application internet mobile qui permet de mettre en relation utilisateurs et chauffeurs de véhicules - en est un exemple. Au départ, il y a toujours des besoins mal satisfaits. Une plateforme se crée pour y répondre, résumait l’intervenant. Certes, les jeunes concepteurs de ces sympathiques start-up sont bien d’authentiques hommes d’affaires, mais le fait est que leurs initiatives bousculent souvent de vieux principes à bout de souffle. Les corporations bien installées rouspètent, mais les usagers apprécient de voir enfin solutionner certains de leurs problèmes !

Modèles économique inédits

Ces plateformes révolutionnent le domaine des échanges de biens, de services, mais aussi d'idées et de conseils… en donnant la possibilité d’échanger directement, sans intermédiaire, expliquait Jean-Marie Séronie. Leur fondement repose sur un modèle économique inédit et très sophistiqué. Le système se finance en quelque sorte tout seul grâce aux quantités de données qu’il recueille et qui constituent une sorte de trésor de guerre. « Sur une plateforme, je pense qu’on pourrait faire votre comptabilité gratuitement ! Si vous m’autorisez à valoriser les données de comptabilité que vous me confiez », illustrait, un brin provocateur, l’ancien patron de centre comptable.

Autre effet révolutionnaire de ces plateformes : elles donnent du pouvoir aux individus. Pour s’en convaincre, il suffit de se remémorer que ce sont les réseaux sociaux qui sont à l’origine du "Printemps arabe" ou encore de la "Révolte des bonnets rouges" en Bretagne…. « Aujourd’hui, l’appréciation des consommateurs sur une application Internet est plus efficace pour un produit qu’un label », faisait valoir Jean-Marie Séronie. Dans l’application de covoiturage "Blablacar", le transporté donne son appréciation sur le chauffeur, mais le chauffeur donne aussi son appréciation sur le transporté ! Autant dire que chacun des deux protagonistes a intérêt à être agréable avec un tel système de surveillance réciproque !

Capteurs, robots, intelligence artificielle…

Les plateformes agricoles existent déjà, annonçait l’intervenant. Et demain, quand un agriculteur aura une question, il lui suffira d’aller chercher la réponse directement sur l’un de ces réseaux, prédisait-il. Une perspective qui remet en question les relations entre l’agriculteur et son environnement professionnel : conseil, fournisseurs…

La révolution numérique, c’est aussi l’entrée dans le monde des données. Avec internet, le coût de transport et de stockage des données a fondu. Les capteurs de données sont aujourd’hui plus performants et demain, ils seront partout, même dans la panse des vaches, même sur les végétaux, avançait Jean-Marie Séronie. Ce sera aussi l’ère des robots et de l’intelligence artificielle. « Une révolution phénoménale », s’attend l’économiste qui assure que cela va impacter tous les emplois de services immatériels.

A condition d’être rentable !

« Quelles conséquences pour les exploitations ? », interrogeait-il. L’automatisation conduit à moins de pénibilité, modifie l’astreinte… « Aujourd’hui, une installation laitière nouvelle sur deux se fait avec robot de traite », informait cet ancien comptable de la Manche. Les robots d’alimentation se développent. Il en existe au service du pâturage dynamique. On commence à proposer des drônes capables de traiter les cultures. En maraîchage, des robots peuvent assurer le désherbage mécanique de précision. Des tracteurs sans chauffeurs commencent à occuper les salons et les pages des magazines spécialisés…

Dans ce foisonnement frénétique d’innovations, il ne faut pas perdre de vue la question économique et la notion de rentabilité, avertissait cependant l’agro-économiste. « Dans la Manche, il avait été démontré que les exploitations laitières robotisées gagnaient finalement moins d’argent que les autres », tempérait l’ancien directeur de centre comptable. « La robotisation, il faut la raisonner économiquement », poursuivait-il. « Elle modifie nécessairement l’organisation de l’entreprise. L’apparition du tracteur a tout changé, jusqu’au parcellaire ».

Bon pour l’agro-écologie

Indiscutablement, ces nouvelles technologies sont une chance dans le cadre de l’agriculture de précision. Mais la technologie n’a d’intérêt que si la parcelle est hétérogène, faisait remarquer l’intervenant. Sinon, elle est superflue.

Pour Jean-Marie Séronie, la révolution numérique pourrait être un précieux allié dans la recherche d’une agriculture plus vertueuse ; moins dépendante des produits chimiques et utilisant davantage les processus biologiques : l’agro-écologie en somme.

Cette mutation aura de grandes conséquences sur le métier. Dans son environnement plein de données, l’agriculteur se retrouvera face à de véritables tableaux de bords de pilotage, à l’image de ce que l’on observe avec un robot de traite, indiquait l’intervenant. Et cela, alors qu’auparavant, le travail consistait en des tâches répétitives mais relativement simples (la traite quotidienne par exemple), désormais, l’agriculteur se retrouve avec que des exceptions à gérer, des problèmes à régler dans l’urgence, pointait Jean-Marie Séronie.

Connexion avec les citoyens

Ce qui va changer aussi, c’est la connexion directe avec des conseillers ou des pairs via des plateformes, poursuivait-il. La révolution numérique aura aussi comme conséquence de rapprocher les producteurs des consommateurs et des citoyens grâce, entre autres, à une traçabilité renforcée, analysait l’intervenant.

Quant au problème des attaques récurrentes contre l’agriculture, Jean-Marie Séronie pense évidemment aux réseaux sociaux pour contre-attaquer. Mais en ayant à l’esprit que dans ce nouvel univers médiatique, « l’individu passe toujours mieux que l’institution ». Autrement dit, « il faut se trouver les bons porte-paroles dotés de personnalités attachantes. Et il ne faut pas chercher à argumenter, mais plutôt leur parler de ce qui les intéresse », conseille Jean-Marie Séronie.

 

En Agriculture, le numérique pourrait être une révolution digne de l’arrivée du tracteur !

En Agriculture, le numérique pourrait être une révolution digne de l’arrivée du tracteur !

A l’issue de son assemblée générale le 15 décembre dernier à Charolles, Téol a donné la parole à l’agro-économiste Jean-Marie Séronie, auteur d’un livre intitulé "La révolution numérique en agriculture : vers un big bang !". Pour cet ancien directeur de centre comptable, l’irruption du numérique en agriculture sera l’équivalent de l’arrivée de tracteur au siècle dernier ! Une perspective certes un peu perturbante de prime abord, mais qui, à bien y regarder, recèle aussi quelque espoir quant à l’avenir de nos sociétés, dont l’agriculture.

Sans sombrer dans le discours démesurément exalté des "geeks" (définition du Larousse : fan d’informatique toujours à l’affût des nouveautés et des améliorations à apporter aux technologies numériques), le sexagénaire a livré une analyse pertinente du phénomène en cours en y pointant des pistes prometteuses pour les agriculteurs.

Des besoins à satisfaire

Jean-Marie Séronie a d’abord longuement évoqué le phénomène des « plateformes ». Le système « Uber » - une application internet mobile qui permet de mettre en relation utilisateurs et chauffeurs de véhicules - en est un exemple. Au départ, il y a toujours des besoins mal satisfaits. Une plateforme se crée pour y répondre, résumait l’intervenant. Certes, les jeunes concepteurs de ces sympathiques start-up sont bien d’authentiques hommes d’affaires, mais le fait est que leurs initiatives bousculent souvent de vieux principes à bout de souffle. Les corporations bien installées rouspètent, mais les usagers apprécient de voir enfin solutionner certains de leurs problèmes !

Modèles économique inédits

Ces plateformes révolutionnent le domaine des échanges de biens, de services, mais aussi d'idées et de conseils… en donnant la possibilité d’échanger directement, sans intermédiaire, expliquait Jean-Marie Séronie. Leur fondement repose sur un modèle économique inédit et très sophistiqué. Le système se finance en quelque sorte tout seul grâce aux quantités de données qu’il recueille et qui constituent une sorte de trésor de guerre. « Sur une plateforme, je pense qu’on pourrait faire votre comptabilité gratuitement ! Si vous m’autorisez à valoriser les données de comptabilité que vous me confiez », illustrait, un brin provocateur, l’ancien patron de centre comptable.

Autre effet révolutionnaire de ces plateformes : elles donnent du pouvoir aux individus. Pour s’en convaincre, il suffit de se remémorer que ce sont les réseaux sociaux qui sont à l’origine du "Printemps arabe" ou encore de la "Révolte des bonnets rouges" en Bretagne…. « Aujourd’hui, l’appréciation des consommateurs sur une application Internet est plus efficace pour un produit qu’un label », faisait valoir Jean-Marie Séronie. Dans l’application de covoiturage "Blablacar", le transporté donne son appréciation sur le chauffeur, mais le chauffeur donne aussi son appréciation sur le transporté ! Autant dire que chacun des deux protagonistes a intérêt à être agréable avec un tel système de surveillance réciproque !

Capteurs, robots, intelligence artificielle…

Les plateformes agricoles existent déjà, annonçait l’intervenant. Et demain, quand un agriculteur aura une question, il lui suffira d’aller chercher la réponse directement sur l’un de ces réseaux, prédisait-il. Une perspective qui remet en question les relations entre l’agriculteur et son environnement professionnel : conseil, fournisseurs…

La révolution numérique, c’est aussi l’entrée dans le monde des données. Avec internet, le coût de transport et de stockage des données a fondu. Les capteurs de données sont aujourd’hui plus performants et demain, ils seront partout, même dans la panse des vaches, même sur les végétaux, avançait Jean-Marie Séronie. Ce sera aussi l’ère des robots et de l’intelligence artificielle. « Une révolution phénoménale », s’attend l’économiste qui assure que cela va impacter tous les emplois de services immatériels.

A condition d’être rentable !

« Quelles conséquences pour les exploitations ? », interrogeait-il. L’automatisation conduit à moins de pénibilité, modifie l’astreinte… « Aujourd’hui, une installation laitière nouvelle sur deux se fait avec robot de traite », informait cet ancien comptable de la Manche. Les robots d’alimentation se développent. Il en existe au service du pâturage dynamique. On commence à proposer des drônes capables de traiter les cultures. En maraîchage, des robots peuvent assurer le désherbage mécanique de précision. Des tracteurs sans chauffeurs commencent à occuper les salons et les pages des magazines spécialisés…

Dans ce foisonnement frénétique d’innovations, il ne faut pas perdre de vue la question économique et la notion de rentabilité, avertissait cependant l’agro-économiste. « Dans la Manche, il avait été démontré que les exploitations laitières robotisées gagnaient finalement moins d’argent que les autres », tempérait l’ancien directeur de centre comptable. « La robotisation, il faut la raisonner économiquement », poursuivait-il. « Elle modifie nécessairement l’organisation de l’entreprise. L’apparition du tracteur a tout changé, jusqu’au parcellaire ».

Bon pour l’agro-écologie

Indiscutablement, ces nouvelles technologies sont une chance dans le cadre de l’agriculture de précision. Mais la technologie n’a d’intérêt que si la parcelle est hétérogène, faisait remarquer l’intervenant. Sinon, elle est superflue.

Pour Jean-Marie Séronie, la révolution numérique pourrait être un précieux allié dans la recherche d’une agriculture plus vertueuse ; moins dépendante des produits chimiques et utilisant davantage les processus biologiques : l’agro-écologie en somme.

Cette mutation aura de grandes conséquences sur le métier. Dans son environnement plein de données, l’agriculteur se retrouvera face à de véritables tableaux de bords de pilotage, à l’image de ce que l’on observe avec un robot de traite, indiquait l’intervenant. Et cela, alors qu’auparavant, le travail consistait en des tâches répétitives mais relativement simples (la traite quotidienne par exemple), désormais, l’agriculteur se retrouve avec que des exceptions à gérer, des problèmes à régler dans l’urgence, pointait Jean-Marie Séronie.

Connexion avec les citoyens

Ce qui va changer aussi, c’est la connexion directe avec des conseillers ou des pairs via des plateformes, poursuivait-il. La révolution numérique aura aussi comme conséquence de rapprocher les producteurs des consommateurs et des citoyens grâce, entre autres, à une traçabilité renforcée, analysait l’intervenant.

Quant au problème des attaques récurrentes contre l’agriculture, Jean-Marie Séronie pense évidemment aux réseaux sociaux pour contre-attaquer. Mais en ayant à l’esprit que dans ce nouvel univers médiatique, « l’individu passe toujours mieux que l’institution ». Autrement dit, « il faut se trouver les bons porte-paroles dotés de personnalités attachantes. Et il ne faut pas chercher à argumenter, mais plutôt leur parler de ce qui les intéresse », conseille Jean-Marie Séronie.