Observatoire des prix et des marges
En finir avec le mythe du prix bas
La filière agroalimentaire et les éleveurs en particulier ont amorti au
niveau du consommateur l’envolée des prix des matières premières
agricoles. Un modèle qui n’est pas durable, estime Philippe Chalmin, le
président de l’Observatoire de la formation des prix et des marges.
niveau du consommateur l’envolée des prix des matières premières
agricoles. Un modèle qui n’est pas durable, estime Philippe Chalmin, le
président de l’Observatoire de la formation des prix et des marges.
« La campagne 2012-2013 a encore été marquée par de fortes tensions sur les marchés agricoles tant mondiaux qu’européens », a déclaré Philippe Chalmin en présentant le rapport de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires qu’il préside. « Au plan mondial, la sécheresse américaine de l’été 2012 s’est traduite par des hausses de prix du maïs et du soja, ce qui a eu un impact notable sur les coûts de l’alimentation du bétail en Europe et en France au moins jusqu’au printemps 2013 », poursuit l’universitaire. « Par la suite une récolte mondiale de grains exceptionnelle a favorisé une détente relative des cours qui restaient à l’automne 2013 à des niveaux soutenus, d’autant plus qu’apparaissait une demande nouvelle en provenance de Chine pour le maïs et le blé. Parallèlement, les marchés des produits animaux (viande bovine, porcine, et dans une moindre mesure produits laitiers) bénéficiaient, en Europe, d’une conjoncture favorable qui a pu compenser en partie la hausse des coûts de l’alimentation animale ». Malgré ce contexte de tension sur les prix, « les filières agroalimentaires ont joué un rôle d’amortisseur du choc des prix agricoles ». C’est le cas du prix de la viande bovine au détail : « une partie de la hausse du prix de la carcasse n’a pas été répercutée au consommateur et a été largement amortie par l’industrie et par la distribution », constate Philippe Chalmin. Le même phénomène se retrouve avec le prix du poulet. Tout converge vers un but plus ou moins conscient : la stabilité du prix pour le consommateur. On le constate par exemple avec le prix des nouilles qui reste égal, année après année quelles que soient les variations du cour du blé dur, qui représente pourtant de 20 à 40 % du prix de la nouille. On le constate encore avec le lait UHT ou l’ajustement du prix se fait au niveau industriel. « Les filières en France ont une fonction d’amortissement, de stabilisation des prix alimentaires au niveau du consommateur », ajoute Philippe Chalmin.
L’exception française
Ce choix français ne se retrouve pas partout. Ainsi, l’observatoire a comparé la formation et l’évolution du prix du lait en France et en Allemagne. Il a pu constater que les variations du prix sont davantage transmises au consommateur outre-Rhin. Mais peut-on rester longtemps dans cette situation ? « C’est bien de garder des prix stables, mais nous sommes à la limite de l’exercice car il n’y a plus de marges de progrès », estime Philippe Chalmin. Dans de nombreuses filières, « il est clair qu’au niveau du coût de production, cela ne passe plus. A force d’être sur le fil du rasoir, ça fini par casser ». Exemple : les grandes filières d’élevage où « il n’y a plus rien à grappiller. Les opérateurs sont dos au mur ». « Nous sommes sur une scène mondiale. Cela rend de plus en plus difficile aux filières de transmettre l’instabilité de l’amont à la stabilité de l’aval ». Conclusion : « Dans un certain nombre de grands secteurs, l’ensemble des opérateurs (producteurs, industriels, distributeurs) sont à la limite du supportable. On ne peut pas vivre éternellement sur le mythe du prix bas. Il faudra à l’avenir arriver à tenir compte de ces données dans la fixation des prix ».
« L’agriculture ne doit pas être la variable d’ajustement »
Les prix bas ne profitent à personne
Le rapport 2013 de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires a été présenté mercredi 4 décembre à Paris. Il confirme la faible part de l’alimentaire dans la consommation des ménages, au sein de laquelle la valeur destinée à l’agriculture et à l’industrie agroalimentaire est elle aussi très faible. En période de hausse des matières premières agricoles, ces augmentations de prix ne sont pas entièrement répercutées sur les consommateurs, mais sont largement amorties par les industries et la grande distribution. Le producteur, lui, est submergé par les hausses des coûts de production. « Pour 2012 et 2013, le consommateur est le grand gagnant », souligne Philippe Chalmin, président de l’Observatoire, qui ajoute que, dans bien des filières, notamment animales, ce lissage atteint aujourd’hui les limites du supportable pour les producteurs en amont et pour les industries de première transformation, comme les abattoirs, dont les résultats ne cessent de se dégrader.
Alors que les plans sociaux s’enchaînent dans les entreprises agroalimentaires et que le nombre d’agriculteurs ne cesse de diminuer, le consommateur pourrait permettre à tout le monde de gagner correctement sa vie en payant un petit peu plus cher son alimentation.
« Dans un certain nombre de secteurs, l’ensemble des opérateurs est à la limite du supportable ; on ne peut pas vivre éternellement sur le mythe des prix bas », a analysé Philippe Chalmin, économiste, lors de la présentation du rapport 2013 de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, dont il est président, mercredi 4 décembre, au ministère de l’Agriculture à Paris. Cet observatoire réunit, sous l’égide de FranceAgriMer (l’office public des filières agricoles), l’ensemble des acteurs, des syndicats de producteurs aux associations de consommateurs en passant par les industriels et les distributeurs, pour déterminer qui gagne quoi dans la chaîne alimentaire.
La hausse des prix agricoles est amortie par la chaîne alimentaire
La part de la production reste très faible pour le porte-monnaie du consommateur, puisque sur 100 euros dépensés dans l’alimentation, seuls 8% vont à l’agriculture et à la pêche et 11% à l’industrie agroalimentaire. En 2012, la part du prix du lait dans celui du yaourt était de 16%, celle du blé dans la baguette de pain de 8%.
Dans un contexte de hausse généralisée des prix des matières premières agricoles, le consommateur est le grand gagnant en ne subissant que peu d’augmentation, notamment grâce à la concurrence au sein de la grande distribution. À tel point que cette dernière présente des marges faibles, voir négatives, dans plusieurs rayons alimentaires. « L’effet sur les prix au détail des hausses en amont des filières des produits carnés a été amorti – avec des nuances parfois importantes selon les produits –, par l’industrie ou la grande distribution, voire les deux maillons », souligne le rapport. « La stabilité du prix à la consommation du lait UHT est extraordinaire de 2008 à 2013, alors que nous avons connu de très fortes variations des prix à la production », constate Philippe Chalmin. Alors que le prix du litre de lait payé au producteur a connu des variations de 10 centimes (de 0,31 à 0,21 centime), le prix de vente au consommateur est resté stable, à 73 centimes.
La longe de porc augmente, les producteurs n’en profitent pas
Mais la situation est contrastée selon les produits. Erigé en exemple lors des précédentes publications du rapport, le kilo de longe de porc a vu son prix de vente au consommateur passer de 6,42 à 6,87 euros entre les premiers semestres 2012 et 2013, la marge brute de la grande distribution représentant 3,36 euros (+27 centimes) et celle de l’industrie 0,52 euro (+0,5 ct). La part du producteur a renchéri de 10 centimes (2,63 euros), ce qui « ne compense pas la hausse des coûts de production, due à une forte hausse du prix des matières premières », précise le rapport. L’alimentation des porcs représentait en effet 71% des coûts de production au premier semestre 2013, contre 60% en 2009. « L’amortissement du coût de l’aliment se fait d’abord au maillon de l’élevage, au détriment du revenu des producteurs », analyse pour sa part la FNSEA dans un communiqué, estimant que « la répercussion vers l’aval apparaît insuffisante pour un partage équitable de la valeur ajoutée entre les acteurs économiques ».
Produits d’appel et rayons en pertes
Pour la distribution, les rayons charcuterie et volaille sont les plus rentables (5,8 € de marge nette après impôts pour 100 euros de chiffre d’affaires), suivi du rayon lait de vache (2,4€) alors que la boucherie présente une marge négative (-0,8€), comme la boulangerie (-1,3€). « Sur un caddie payé 50 euros par un consommateur, seulement 75 centimes représentent les marges nettes des enseignes de la grande distribution », met en avant la Fédération du commerce et de la distribution (FCD).
Mais cette situation ne représente qu’« un îlot de pertes dans un océan de profits », selon la formule de l’économiste Bernardo Trujillo, théoricien américain de la distribution : l’alimentation n’est qu’un produit d’appel, qui permet d’attirer le chaland pour lui vendre d’autres produits, avec des marges plus importantes.
Améliorer les relations commerciales
Si Philippe Chalmin s’attend à des critiques de toutes parts sur le travail de l’observatoire, il est confiant quant à la fiabilité de ses chiffres. « Ce sont des données qui correspondent à la réalité. En termes de qualité scientifique des travaux, on peut s’améliorer, mais nous ne sommes pas attaquables », affirme t-il.
L’économiste espère que ce rapport participera à rétablir la confiance entre les acteurs de l’agroalimentaire pour aboutir à des relations commerciales plus adultes : « L’intérêt de chacun est que ses partenaires puissent vivre. Les dépôts de bilan sont pénalisants pour l’ensemble des opérateurs ». Condamnées à évoluer dans un contexte nouveau d’instabilité des prix agricoles, « les filières agroalimentaires vont devoir rentrer dans des logiques de contractualisation pour mieux répartir les ajustements nécessaires y compris au stade de la consommation », conclut le rapport.
L’exception française
Ce choix français ne se retrouve pas partout. Ainsi, l’observatoire a comparé la formation et l’évolution du prix du lait en France et en Allemagne. Il a pu constater que les variations du prix sont davantage transmises au consommateur outre-Rhin. Mais peut-on rester longtemps dans cette situation ? « C’est bien de garder des prix stables, mais nous sommes à la limite de l’exercice car il n’y a plus de marges de progrès », estime Philippe Chalmin. Dans de nombreuses filières, « il est clair qu’au niveau du coût de production, cela ne passe plus. A force d’être sur le fil du rasoir, ça fini par casser ». Exemple : les grandes filières d’élevage où « il n’y a plus rien à grappiller. Les opérateurs sont dos au mur ». « Nous sommes sur une scène mondiale. Cela rend de plus en plus difficile aux filières de transmettre l’instabilité de l’amont à la stabilité de l’aval ». Conclusion : « Dans un certain nombre de grands secteurs, l’ensemble des opérateurs (producteurs, industriels, distributeurs) sont à la limite du supportable. On ne peut pas vivre éternellement sur le mythe du prix bas. Il faudra à l’avenir arriver à tenir compte de ces données dans la fixation des prix ».
« L’agriculture ne doit pas être la variable d’ajustement »
Selon la FNSEA, le rapport Chalmin met clairement en évidence que la hausse des prix des matières premières agricoles n’a eu que peu d’impact sur les prix de détail. « En clair, cela signifie que l’amortissement du coût de l’aliment se fait d’abord au maillon de l’élevage, au détriment du revenu des producteurs, et que la répercussion vers l’aval apparaît insuffisante pour un partage équitable de la valeur ajoutée entre les acteurs économiques », estime la FNSEA. Aussi, considère-t-elle qu’il y a urgence à ce que « la clause de renégociation des prix en cas de fortes variations des cours des matières agricoles prévue dans le projet de loi de consommation soit mis en œuvre », conclut-elle.
Les prix bas ne profitent à personne
Le rapport 2013 de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires a été présenté mercredi 4 décembre à Paris. Il confirme la faible part de l’alimentaire dans la consommation des ménages, au sein de laquelle la valeur destinée à l’agriculture et à l’industrie agroalimentaire est elle aussi très faible. En période de hausse des matières premières agricoles, ces augmentations de prix ne sont pas entièrement répercutées sur les consommateurs, mais sont largement amorties par les industries et la grande distribution. Le producteur, lui, est submergé par les hausses des coûts de production. « Pour 2012 et 2013, le consommateur est le grand gagnant », souligne Philippe Chalmin, président de l’Observatoire, qui ajoute que, dans bien des filières, notamment animales, ce lissage atteint aujourd’hui les limites du supportable pour les producteurs en amont et pour les industries de première transformation, comme les abattoirs, dont les résultats ne cessent de se dégrader.
Alors que les plans sociaux s’enchaînent dans les entreprises agroalimentaires et que le nombre d’agriculteurs ne cesse de diminuer, le consommateur pourrait permettre à tout le monde de gagner correctement sa vie en payant un petit peu plus cher son alimentation.
« Dans un certain nombre de secteurs, l’ensemble des opérateurs est à la limite du supportable ; on ne peut pas vivre éternellement sur le mythe des prix bas », a analysé Philippe Chalmin, économiste, lors de la présentation du rapport 2013 de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, dont il est président, mercredi 4 décembre, au ministère de l’Agriculture à Paris. Cet observatoire réunit, sous l’égide de FranceAgriMer (l’office public des filières agricoles), l’ensemble des acteurs, des syndicats de producteurs aux associations de consommateurs en passant par les industriels et les distributeurs, pour déterminer qui gagne quoi dans la chaîne alimentaire.
La hausse des prix agricoles est amortie par la chaîne alimentaire
La part de la production reste très faible pour le porte-monnaie du consommateur, puisque sur 100 euros dépensés dans l’alimentation, seuls 8% vont à l’agriculture et à la pêche et 11% à l’industrie agroalimentaire. En 2012, la part du prix du lait dans celui du yaourt était de 16%, celle du blé dans la baguette de pain de 8%.
Dans un contexte de hausse généralisée des prix des matières premières agricoles, le consommateur est le grand gagnant en ne subissant que peu d’augmentation, notamment grâce à la concurrence au sein de la grande distribution. À tel point que cette dernière présente des marges faibles, voir négatives, dans plusieurs rayons alimentaires. « L’effet sur les prix au détail des hausses en amont des filières des produits carnés a été amorti – avec des nuances parfois importantes selon les produits –, par l’industrie ou la grande distribution, voire les deux maillons », souligne le rapport. « La stabilité du prix à la consommation du lait UHT est extraordinaire de 2008 à 2013, alors que nous avons connu de très fortes variations des prix à la production », constate Philippe Chalmin. Alors que le prix du litre de lait payé au producteur a connu des variations de 10 centimes (de 0,31 à 0,21 centime), le prix de vente au consommateur est resté stable, à 73 centimes.
La longe de porc augmente, les producteurs n’en profitent pas
Mais la situation est contrastée selon les produits. Erigé en exemple lors des précédentes publications du rapport, le kilo de longe de porc a vu son prix de vente au consommateur passer de 6,42 à 6,87 euros entre les premiers semestres 2012 et 2013, la marge brute de la grande distribution représentant 3,36 euros (+27 centimes) et celle de l’industrie 0,52 euro (+0,5 ct). La part du producteur a renchéri de 10 centimes (2,63 euros), ce qui « ne compense pas la hausse des coûts de production, due à une forte hausse du prix des matières premières », précise le rapport. L’alimentation des porcs représentait en effet 71% des coûts de production au premier semestre 2013, contre 60% en 2009. « L’amortissement du coût de l’aliment se fait d’abord au maillon de l’élevage, au détriment du revenu des producteurs », analyse pour sa part la FNSEA dans un communiqué, estimant que « la répercussion vers l’aval apparaît insuffisante pour un partage équitable de la valeur ajoutée entre les acteurs économiques ».
Produits d’appel et rayons en pertes
Pour la distribution, les rayons charcuterie et volaille sont les plus rentables (5,8 € de marge nette après impôts pour 100 euros de chiffre d’affaires), suivi du rayon lait de vache (2,4€) alors que la boucherie présente une marge négative (-0,8€), comme la boulangerie (-1,3€). « Sur un caddie payé 50 euros par un consommateur, seulement 75 centimes représentent les marges nettes des enseignes de la grande distribution », met en avant la Fédération du commerce et de la distribution (FCD).
Mais cette situation ne représente qu’« un îlot de pertes dans un océan de profits », selon la formule de l’économiste Bernardo Trujillo, théoricien américain de la distribution : l’alimentation n’est qu’un produit d’appel, qui permet d’attirer le chaland pour lui vendre d’autres produits, avec des marges plus importantes.
Améliorer les relations commerciales
Si Philippe Chalmin s’attend à des critiques de toutes parts sur le travail de l’observatoire, il est confiant quant à la fiabilité de ses chiffres. « Ce sont des données qui correspondent à la réalité. En termes de qualité scientifique des travaux, on peut s’améliorer, mais nous ne sommes pas attaquables », affirme t-il.
L’économiste espère que ce rapport participera à rétablir la confiance entre les acteurs de l’agroalimentaire pour aboutir à des relations commerciales plus adultes : « L’intérêt de chacun est que ses partenaires puissent vivre. Les dépôts de bilan sont pénalisants pour l’ensemble des opérateurs ». Condamnées à évoluer dans un contexte nouveau d’instabilité des prix agricoles, « les filières agroalimentaires vont devoir rentrer dans des logiques de contractualisation pour mieux répartir les ajustements nécessaires y compris au stade de la consommation », conclut le rapport.