Accès au contenu
Maîtrise de la dérive

En finir avec les nuages menaçants

Le 3 novembre, le Vinipôle Sud Bourgogne s’attaquait à un «
problème d’actualité
» : la maîtrise de la dérive des traitements
phytosanitaires. La récente mise
en examen de deux châteaux bordelais rappelle en effet que la "pression sociétale" et réglementaire va croissante. Le Vinipôle donnait
donc des pistes pour maîtriser la dérive, pour améliorer l’efficacité
des traitements, pour faire des économies et pour mieux respecter
l’environnement et rassurer ainsi son voisinage. Retour.
Par Publié par Cédric Michelin
132937--DSC_0061.JPG
A Davayé, au Vinipôle Sud Bourgogne, les trois services Vigne & Vin des chambres d’Agriculture de Bourgogne avaient ainsi voulu apporter « des solutions concrètes à appliquer aux champs pour diminuer la visibilité et les pertes », expliquait Didier Sauvage, chef du service Vigne & Vin de la chambre d'Agriculture de Saône-et-Loire, invitant la cinquantaine de participants à se rendre sur les ateliers extérieurs. Après avoir présenté en salle les derniers résultats d’essais de l’IFV de Montpellier, Sébastien Codis rappelait que la dérive, en matière de traitements phytos, est la fraction de produits qui est « emportée en dehors de la parcelle ». Il ne s’agit ainsi pas de la partie allant sur la végétation ou au sol.
Dès le début les années 2000, l’IFV a montré qu’avec un pulvérisateur pneumatique d’ancienne génération, 20 % seulement du traitement se déposait sur la vigne en début de végétation contre 30 à 40 % se perdant dans les airs ! Le reste étant également perdu au sol... Il existait alors et il existe donc encore des marges de progrès.

Nuage inefficace


Avec la multiplication des polémiques médiatiques et la prise de conscience environnementaliste des consommateurs, l’agriculture et la viticulture sont scrutées de près. « La pression sociétale, notamment en zone péri-urbaine, va croissante. Il y a plein de vidéos sur le web - avec des musiques angoissantes - montrant des traitements à proximité d’habitations ! ». Il y a donc aujourd’hui une véritable nécessité d’agir rapidement pour rassurer ses clients, lesquels posent immanquablement la question des "bonnes" pratiques. Reste que ces réponses ne passent pas - uniquement - par un label ou par une certification environnementale des appareils de traitement, mais bien davantage par une somme d’actions. Pour réduire la dérive, l’IFV conseille d’agir en trois temps.

Trois étapes


Premièrement, la dérive dépend principalement de la taille des gouttes. « Avant, les constructeurs faisaient leurs démonstrations de pulvérisation en mettant à fond la pression. Contrairement à l’idée reçue, tous ces embruns qu’on voit ne vont pas alors sur la végétation. Ces petites gouttelettes sont en effet très sensibles aux courants d’air. Ce nuage ne sert donc à rien pour protéger le vignoble », insistait Sébastien Codis.
Deuxièmement, il faut agir pour réduire la distance entre le diffuseur et la cible, dépendant principalement de la configuration du pulvérisateur. Montrant une photographie prise à Davayé, le technicien de l’IFV critiquait alors vivement les « canons oscillants qui ne se justifient plus, pas même dans des parcelles difficiles d’accès ».
Enfin, troisièmement, la mise en place de panneaux récupérateurs pour intercepter et remettre en cuve « tout ce qui n’a pas été intercepté par les végétaux ».

Manque de volonté politique


Entre un face par face pneumatique et un jet porté avec buses à injection d’air et panneaux récupérateurs, il est « possible de réduire la dérive d’un facteur 25 ! », motivait Sébastien Codis. A l’avenir, ce dernier espère également que l’automatisation des traitements « uniquement en face de la végétation ou entre chaque cep » passera vite de la recherche (avec le projet Chaif) à la réalité. Il y a en effet urgence, mais les pouvoirs publics ne semblent pas au rendez-vous. Hormis pour durcir une réglementation conduisant à des nouvelles impasses techniques…



Quels matériels et réglages ?


Lorsqu’on parle "taille des gouttes", il s’agit en réalité davantage d’un « spectre » de gouttes de différentes tailles (en micromètre) exprimé par leur diamètre médian (VMD). Prudence également sur le rôle des adjuvants, vantés par les fabricants de produits, mais « quasi sans effet » sur la taille des gouttes. Pour l’IFV, clairement, les pulvés pneumatiques « ne sont pas la technologie du futur » puisque ces derniers nécessitent de faire tourner « toujours à fond » (300 km/h) les turbines.

Non, la vraie maîtrise semble possible avec des pulvés à jets portés équipés de buses à injection d’air. L’IFV recommande ce type de buses depuis 2005 pour leurs capacités à former des gouttes « moins fines et donc moins sujettes » à la dérive. Bien réglés, ces derniers permettent à plus de produit d'aller sur la végétation et il serait alors aussi possible de récupérer avec des panneaux jusqu’à 40 % du volume total. « Ça commence à compter sur une saison » en terme d’économie, note l’IFV.

Reste qu’en vignes étroites, « c’est plus compliqué », admet l’institut. Toutefois, « on voit moins de différences entre buses qu’entre appareils, ce qui va à l’inverse de ce qui se disait sur le fait d’avoir des gouttes très fines qui peuvent rentrer dans toute la végétation. Orientez-vous plutôt vers du jet porté ». L’IFV conseillant avec ce type de pulvés de toujours prendre la « pression la plus basse » du constructeur. « Même avec des buses classiques, la ventilation va porter la goutte ». Du coup, la distance "idéale" pulvé-cible n’est pas un frein, entre 30 et 50 cm, puisque tous les essais sont « satisfaisants ». En jet projeté par contre, mieux vaut privilégier des buses à injection d’air pour arriver à un même résultat.

Derniers conseils, le réglage du pulvérisateur doit se faire « entre chaque parcelle » pour bien adapter le balan et le dévers. Dans le cas de buses utilisées à faibles débits, le nettoyage s’impose pour ne pas qu’elles se bouchent. Des manomètres précis existent pour un affichage en cabine permettant de suivre la pression en temps réel. Existe également la méthode des papiers hydrosensibles pour contrôler la qualité de pulvérisation. Un contrôle de ces réglages en début de saison de traitements est un minimum, selon les experts.


Images