En Italie, le bio ne connaît pas la crise
L'agriculture biologique connaît un fort développement en Italie. Elle est devenue, en quelques années, un secteur incontournable, particulièrement à l'export. Une évolution qui suscite engouement et scepticisme.
« Faire du bio, c'est de plus en plus rentable ». Michele Fraccaro est le copropriétaire de Fraccaro Spumadoro, une fabrique italienne de pâtisseries installée dans la Vénétie, au nord du pays. En 2008, alors que la crise économique fait vaciller son chiffre d'affaires, il décide d'investir massivement dans une production issue de l'agriculture biologique. En quelques années, sa société renoue avec une croissance annuelle de 3%. « Nous avons compris que nous ne pouvions pas concurrencer géants mondiaux de l'agro-alimentaire sur les prix. Pour une petite structure comme la nôtre, seule la qualité de nos produits nous permet d'exporter », explique-t-il. En quelques années, le pari est réussi et la part de l'exportation dans sa production explose. En 2017, il réalise 35% de ses ventes à l'étranger, principalement en Europe. Comme lui, de plus en plus de producteurs italiens investissent le bio. Le secteur connaît une croissance à deux chiffres chaque année. Entre 2015 et 2016, la superficie des terrains agricoles biologiques a augmenté de 20,4 %, atteignant 14,5 % de la surface agricole totale utilisée en Italie, selon l'Institut italien de recherche sur l'agriculture biologique. En Calabre, cette proportion atteint 37,9 %. Les terres italiennes représentent 20 % de la surface bio cultivée dans l'Union Européenne.
Retrouver de la compétitivité sur un marché global
Comme en France, le développement de l'agriculture biologique est dû à la croissance de la demande des consommateurs, autant à l'intérieur du pays qu'à l'internationale. « Notre compétitivité tient à la qualité des produits, mais aussi à la demande des consommateurs qui sont de plus en plus concernés par des problématiques écologiques », explique ainsi Vincenzo Vizoli, président de l'Association de l'Agriculture Biologique (AIAB), l'une des plus importantes organisations de producteurs du secteur. Il s'explique également à la volonté pour les producteurs italiens de se distinguer, sur un marché mondial où il est de plus en plus difficile pour eux de s'aligner sur les prix de leurs concurrents. Et pour cause : le bio s'exporte très bien. Sur les 5 milliards d'euros que représentent le marché en 2017, 2 milliards d'euros ont été réalisés par les exportations, selon l'institut privé italien de recherche en sciences économiques Nomisma. En dix ans, la valeur de ces exportations a crû de 408 % Ce boom de l'agriculture biologique est également un élément structurant du retour à la terre de nombreux jeunes italiens, qui fuient un marché du travail bouché. Le nombre d'agriculteurs de moins de 30 ans a augmenté de 35 % entre 2015 et 2017. Or, les plus jeunes sont ceux qui investissent le plus le marché de l'agriculture biologique. 22 % des fermes biologiques sont tenues par des fermiers ayant entre 20 et 39 ans, contre 9% dans l'agriculture traditionnelle.
L'État absent du processus
Mais l'aspect financier et le coût de la transition rebute encore de nombreux exploitants. « La marque bio est très interessante, notamment pour exporter, mais il serait trop cher pour moi d'investir pour faire labelliser totalement ma production en biologique », regrette ainsi Enrico Pizzolo, un éleveur bovin de 2000 vaches limousines de la Vénétie. Certains agriculteurs dénoncent également certains manques de cohérence dans les normes de l'agriculture biologique. « Certains produits, comme le cuivre, autorisés dans le cahier des charges du vin bio, bien que naturels, sont toxiques pour la terre et endommagerait d'autres cultures si ils étaient trop utilisés, déplore Diana Lenzi, viticultrice et vice-présidente de la section des jeunes agriculteurs de l'organisation de producteurs Confédération Agricole. De plus, chaque pays a ses propres normes, et l'Italie dispose des règles les plus restrictives dans le monde. Or la transparence pour le consommateur en la matière n'est pas totale ». Malgré ce vivier de croissance et ces obstacles, l'État italien développe cependant peu de politiques destinées à développer ce marché, notamment en terme d'aide à la transition. « Le gouvernement et les régions n'ont malheureusement pas encore mis en place de mesures de soutien au secteur de l'agriculture biologique, déplore ainsi Vincenzo Vizoli, qui demande à ce que la protection de l'environnement devienne « la priorité de la politique agricole du pays ».