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En matière d'environnement, la primauté du droit international sur les droits nationaux

A l’occasion de la sortie du rapport Déméter 2018, Carole Zakine-Hernandez, docteur en droit, a souligné que le droit international, particulièrement le droit de l’environnement, primait sur le droit français qui a par ailleurs la particularité d’appliquer ces droits internationaux de façon assez stricte. 

Par Publié par Cédric Michelin
En matière d'environnement, la primauté du droit international sur les droits nationaux

Les années 1970 ont vu émerger de façon brutale, sous la pression de préoccupations sociétales nouvelles liées à l’industrialisation, un droit international de l’environnement. La Déclaration de Stockholm en est le premier grand texte en 1972, a rappelé Carole Zakine-Hernandez, docteur en droit et directrice de projets pour AgroSolutions et InVivo, à l’occasion de la présentation du rapport Déméter 2018, le 11 janvier. Ce texte considère pour la première fois l’environnement comme une valeur à préserver à part entière. Or, si cette déclaration n’est qu’un « droit mou », rappelle Carole Zakine-Hernandez, elle bénéficie d’une autorité morale importante qui fait que de nombreux Etats appliquent ce droit. Ainsi, en France, dès 1976, une loi de protection de la nature est promulguée. La protection de l’environnement devient d’intérêt général, « ce qui légitime l’intervention de l’Etat et limite le droit de propriété », explique la juriste, par exemple en ce qui concerne des activités de chasse ou d’extraction de matières premières. En 1992, c’est la déclaration de Rio sur le développement durable qui consacre un certain nombre de principes : principe de précaution, prévention, développement durable, participation du public…, des principes inscrits par la suite dans le Traité de Maastricht. « On part de grands principes qui s’intègrent dans les textes européens », explique Carole Zakine-Hernandez. Et ces principes sont ensuite transposés en droits nationaux. Ainsi, la charte de l’environnement modifie-t-elle la constitution, en 2005, pour intégrer ces principes.

Quelles conséquences en pratique ? 

S’il n’y a légalement aucune obligation d’appliquer ces principes en droit national, le droit français a pour habitude de les transcrire de façon particulière. Par exemple, la notion de patrimoine commun de l’humanité concerne les fonds marins et la lune, pour éviter toute appropriation par les Etats. La biodiversité n’est qu’une « préoccupation commune, mais en France, la législature s’est appuyée sur cette notion pour limiter les usages de chacun », précise Carole Zakine-Hernandez. La biodiversité est ainsi inscrite, dans la loi de 2016, comme patrimoine commun de la Nation, incluant les sols, l’air, l’eau… Ce qui a des conséquences sur la capacité à être propriétaire de ses ressources, puisque cette notion met l’accent sur l’usage collectif de la ressource. De cet état d’esprit découle par exemple, pour l’agriculture, l’impossibilité depuis 1992 de prélever l’eau et de l’utiliser pour irriguer. Cet accès à l’eau de plus en plus complexe « pose parfois la question de la pérennité même de certaines productions », ajoute la spécialiste en droit. Les droits d’usage sont limités pour tenir compte de la nécessité collective de préserver ces ressources pour les générations futures. Sans compter que ces droits écrits sont encadrés par des réglementations de plus en plus locales, en lien avec une écriture de plus en plus participative du droit, précise Carole Zakine-Hernandez. « La dynamique du droit international est réelle, et l’application particulièrement juridique qui en est faite en France est impactante », conclut ainsi la spécialiste, indiquant que face à cela, le monde agricole devra faire preuve d’une grande capacité de dialogue et de négociation pour faire passer ses demandes sur des sujets comme l’accès à l’eau.