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Roger Donguy

Encourager l'apprentissage

Lorsqu’il a quitté l’école, Roger Donguy n’avait aucun diplôme en poche. En un demi-siècle de carrière, ce Bressan a du tout apprendre du machinisme agricole en véritable autodidacte. A la veille de passer le flambeau, ce chef d’entreprise engagé plaide avec force en faveur de l'apprentissage, dont il aimerait voir réformer le statut.
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L’âge de la retraite ayant déjà sonné, Roger Donguy envisage bientôt de passer le flambeau. A la tête de son entreprise de machinisme agricole à Romenay, ce patron atypique, parfait exemple de l’autodidacte que l’école républicaine n’a jamais su déceler, continue de se battre contre l’injustice, avec tout le bouillonnement et la passion qu’on lui connaît ! Cette indignation permanente, il la tient de ses origines bressannes très modestes. Roger Donguy est né dans une ferme de Curciat-Dongalon dans l'Ain à quelques kilomètres de Romenay. Issu d’une famille nombreuse « qui a été déchirée par les deux guerres », il s’est très vite « rendu compte que des familles comme la sienne subissaient pas mal d’injustices ». Un ressenti qui l’a fait militer très tôt dans le syndicalisme ouvrier aux côtés de cheminots. A la veille de se mettre à son compte en 1968, il dit même « être redescendu des barricades ! ».

Parcours atypique


Curieux parcours dans une société qui aime coller des étiquettes… Mais quand on ne supporte pas l’injustice, impossible de se résigner à n’être qu’un passif. L’esprit perpétuellement en ébullition, Roger Donguy n’a rien fait comme les autres. A commencer par son cursus scolaire. En piètre pédagogue, son instituteur ne voulait même pas le présenter au certificat d’études… Qu’à cela ne tienne, Roger Donguy décida de quitter l’école sans aucun diplôme ! Après avoir fait les « battoirs » dans les fermes, il s’est finalement orienté vers la mécanique. « Au service militaire, je réparais les chars d’assaut et les automitrailleuse. Cela m’a donné envie de réparer des machines qui servent à nourrir les gens ! », s’amuse le patron bressan. La mécanique a toujours été sa passion, et plus particulièrement le matériel agricole. « Le machinisme agricole a en quelque sorte aboli l’esclavage ! », confie Roger Donguy en repensant à sa mère qui devait chaque jour porter des seaux de pâtée à ses cochons en marchant parfois dans la boue.

Le petit atelier de forge a bien changé !


Cette attirance pour le matériel agricole l’a conduit chez un "forgeron, maréchal-ferrant" à Romenay. Quelques années plus tard, son patron lui proposait de reprendre l’affaire. Roger Donguy n’avait alors que 24 ans. Aujourd’hui, le petit atelier de forge a beaucoup changé ! L’entreprise pèse 4 millions d’€ de chiffre d’affaires et emploie 17 salariés. Bénéficiant d’une bonne renommée, l’affaire de Roger Donguy a su préserver son indépendance en dépit des méthodes parfois agressives des grandes firmes. Pour cela, la maison a du faire l’impasse sur la vente de très gros matériels et elle se concentre sur une offre diversifiée d’outils d’élevage, de travail du sol, de fenaison en complément de tracteurs neufs et d’occasion… Pour Roger Donguy, c’est le service qui fait la différence et l’impressionnant stock de pièces de rechange est là pour en témoigner ! L’entreprise a su évoluer au gré du marché. « J’ai commencé par la traction animale et je termine par l’électronique embarquée ! », résume le patron.

Transmettre un savoir-faire


Pour cet autodidacte qui n’a quasiment jamais mis les pieds à l’école, c’est peu dire que la question de la formation est un sujet sensible. Parce que « lorsqu’il a voulu apprendre le métier, beaucoup de portes se sont fermées » et que, selon lui, « l’école n’est qu’un moyen d’apprendre et non une fin en soi », Roger Donguy a toujours tenu à accueillir des apprentis dans ses ateliers. Une quarantaine d’apprentis et une centaine de stagiaires sont ainsi passés par l’entreprise. Le fait de ne pas avoir lui-même de diplôme lui a parfois valu quelques réticences de la part de certains parents… Pourtant, « on ne me demande pas de qualification lorsque je dois payer ma TVA et mes charges ! », s’amuse le patron. La plupart des salariés de l’entreprise sont aujourd’hui d’anciens apprentis. « Ils sont d’ailleurs très convoités par la concurrence », confie Roger Donguy qui en a vu filer quelques uns vers d’autres horizons…

Soutenir les maîtres d’apprentissage


Être maître d’apprentissage n’est pas une sinécure. L’encadrement des stagiaires demande du temps et des moyens. Dans son entreprise, Roger Donguy n’en accueille que deux à la fois, « alors qu’il y a des tas de jeunes qui demandent à venir et que la branche manque de gens formés », déplore le réparateur en machines agricoles.
Alors quand il entend que les pouvoirs publics parlent de supprimer l’aide à l’apprentissage, le chef d’entreprise fulmine : « mais ils devraient nous payer alors que nous transmettons notre savoir-faire bénévolement ! Le maître d’apprentissage est la dernière roue du carrosse ! », déplore Roger Donguy qui estime que « ceux qui font l’effort de former des jeunes devraient au moins être exonérés des cotisations chômage Assedic ». Et ce ne sont pas ses titres de "conseiller technique dans un CFA" ou encore de "membre de la commission formation à la Chambre de commerce" qui lui permettent de faire avancer cette cause. « Il faudrait que le maître d’apprentissage ait davantage son mot à dire, que son avis soit pris en compte. Il faudrait pouvoir fédérer tous les maîtres d’apprentissage d’un département », revendique encore Roger Donguy.
En dépit de ses déceptions, le chef d’entreprise continue d’accueillir de nombreux adolescents en stage découverte. Certains trouvent leur vocation dans les ateliers de Romenay. A la veille de transmettre son entreprise, Roger Donguy rêve de trouver un successeur « capable de garder son âme ». Diplômé ou pas, ce qui compte, c’est que ce repreneur sache apprendre les ficelles du métier avec autant d’ouverture d’esprit et d’intelligence que son illustre prédécesseur.

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