Les sols français trop dépendants des importations
La France importe 2,17 Mt d’engrais utilisables en l’état ou de matières premières destinées à être transformées en engrais. Cette forte dépendance étrangère, russe en particulier, vulnérabilise la souveraineté alimentaire de notre pays.

En douze ans, la production « apparente » d’engrais, issue en grande partie de matières premières importées en France, a diminué de 3 millions de tonnes (Mt), passant de 4,5 Mt en 2011 à 1,5 Mt en 2023 (derniers chiffres connus) selon une étude de FranceAgriMer. Plus de 80 % de cette production « apparente » sont des ammonitrates. Le reste de la production d’engrais est composé à parts égales de composés NP, NPK* et d’organo-minéraux. Ces douze dernières années, l’ensemble des productions françaises d’engrais ont décliné. Mais celles à base d’azote se sont effondrées jusqu’à disparaître pour certaines. Depuis 2021, notre pays ne produit plus de solutions azotées ni d’engrais simples potassiques et de composés PK. Les triples superphosphates ont aussi disparu de la gamme de fertilisants fabriqués en France. Bien qu’elles baissent chaque année, les importations françaises d’engrais révèlent une dépendance accrue de notre pays à l’égard de l’industrie européenne des fertilisants et surtout du reste du monde.
L’éventail des dépendances
En 2011, la France produisait jusqu’à 3,7 Mt d’ammonitrates, de solutions azotées et de composés NP/NPK. Depuis douze ans, la baisse de la production française d’engrais azotés n’a pas été compensée par davantage d’importations. Les livraisons ont même diminué de près de 600.000 tonnes (ou de 23 %) passant de 2,3 Mt en 2011 à 1,7 Mt en 2023. Parmi les fertilisants azotés, les importations d’ammonitrates ont chuté de 46 %. En 2022-2023, la France n’en a importé plus "que" 511.000 tonnes contre 945.000 t douze ans auparavant. Mais les livraisons de solutions azotées ont diminué dans de moindres proportions. En Union européenne, plus de 90 % de l’engrais azoté importé en France (ou 620.000 tonnes) provient de Belgique et des Pays-Bas à parts égales. Hors Union européenne, 56 % des quantités d’engrais azotés livrées en France (761.000 tonnes en 2023) ont été expédiées d’Égypte, d’Algérie et depuis la guerre en Ukraine, des États-Unis et de Russie. Bien qu’elle achète moins d’engrais azotés, la France a renforcé sa dépendance à l’égard des pays tiers aux dépens de ses voisins européens. En Union européenne, les livraisons d’engrais azotés ont diminué de près de 400.000 tonnes alors que hors Union européenne, les quantités importées, variables d’une année sur l’autre, n’ont dans l’ensemble baissé que de 200.000 tonnes.
La Russie omniprésente
Pas moins de 71 % (ou 261.000 tonnes éq P) des engrais phosphatés utilisés en France sont importés de pays tiers, essentiellement du Maroc et dans une moindre mesure de Russie. Les engrais européens épandus (69.000 tonnes éq P) ont été achetés à parts égales en Espagne, en Belgique et aux Pays-Bas. Pour les engrais potassiques, l’Hexagone dépend en Union européenne à 50 % de l’Allemagne (171.000 téq K sur 335.000 téq K) et dans le reste du monde de la Russie (34.000 téq K sur 58.000 téc K). Malgré la guerre en Ukraine, l’Hexagone n’est pas parvenu à s’affranchir de la Russie pour s’approvisionner en engrais. Plus de la moitié des engrais potassiques importés ou de pays tiers, hors Union européenne, sont russes mais aussi 1/5ème des fertilisants à base de phosphate (50.000 t éq P) et 20 % des engrais azotés (171.000 t éq N). La Russie est revenue en force sur le marché français des engrais azotés alors qu’entre 2019 et 2021, le pays n’en livrait plus. Depuis le 24 février 2022 elle ne cesse de gagner des parts de marché. À se demander si le gaz russe, qui n’est plus importé en France, n’est pas en partie substitué par de l’engrais azoté issu de la transformation de ce même gaz !
(*) N = azote ; P = phosphore ; K = potassium