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Changement climatique

Enjeu renouvelé pour l'agriculture

Les indicateurs sont
toujours au rouge : la température terrestre va augmenter d'environ 4°C
d'ici à 2100. Les épisodes
climatiques extrêmes seront plus fréquents (sécheresses, inondations).
Pour l'agriculture, l'enjeu du changement climatique reste
incontournable puisqu'elle est une des
premières victimes de ce changement. En France, les efforts fournis par
les agriculteurs français portent d'ores et déjà leurs fruits avec une
réduction des émissions de GES depuis 1990. Mais ce n'est pas le cas,
loin de là, pour une grande partie de l'agriculture mondiale...
Par Publié par Cédric Michelin
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En 2015, Paris accueillera la 21e conférence internationale sur le climat. Le ministère français des Affaires étrangères rappelle l'objectif : « Que tous les pays – pays développés comme pays en développement – soient engagés par un accord universel contraignant sur le climat ». L'enjeu est de taille : en moins de deux semaines, deux rapports alarmants de plus ont été rendus publics sur le réchauffement climatique (Giec, mars 2014) et sur les gaz à effet de serre (FAO, avril 2014). Le diagnostic réunit un consensus dans la communauté scientifique : 97% d'entre eux concluaient à une réalité du réchauffement climatique et de la responsabilité des activités humaines.

Pour l'agriculture française, l'enjeu est double. D'une part, Audrey Trévisiol, ingénieur au service agriculture et forêt de l'Ademe (Agence de l'environnement et de maîtrise de l'énergie), rappelle que l'agriculture est à l'origine de 20% des émissions de GES (gaz à effet de serre) en France. 604.000 chefs d'exploitation agricoles en France devront adapter leurs pratiques agricoles, si ce n'est pas déjà fait. Un défi complexe, d'autant que les conséquences du changement climatique varient selon les régions. « Dans certaines régions et sous condition d'un changement climatique limité, de nouvelles opportunités pourraient émerger, explique Audrey Trévisiol, dans d'autres régions, notamment le sud, le manque d'eau va devenir de plus en plus important ». En moyenne, la température va augmenter, les pluies seraient plus abondantes en hiver et moins en été. Les épisodes de sécheresses risquent de devenir de plus en plus fréquents.


Limiter l'activité... naturelle ?



« Le rôle de l'agriculture dans la lutte contre le changement climatique est d'autant plus spécifique que les émissions sont extrêmement diffuses et variables selon les situations », explique Jérôme Mousset, chef du service agriculture et forêt de l'Ademe. Autrement dit, les sources d'émissions que sont les exploitations agricoles sont très dispersées sur l'ensemble du territoire. Cette spécificité ne facilite pas l'évaluation et le suivi des actions. C'est moins le cas dans les autres secteurs d'activité où les émissions sont principalement d'origine énergétique (dioxyde de carbone). En outre, le secteur agricole doit en premier lieu réduire des émissions liées à des processus biologiques complexes et naturels (protoxyde d'azote et méthane).

Limiter les émissions



Toutefois, les experts proposent de jouer sur plusieurs leviers pour diminuer les émissions agricoles de GES. Parmi eux, ils préconisent la poursuite de l'optimisation de la fertilisation azotée, notamment substituer aux engrais chimiques azotés les engrais organiques. Et pour cause, la production d'engrais minéral est extrêmement énergivore. Plus globalement, l'Ademe rappelle la complémentarité de l'élevage – producteur d'azote organique – et des productions végétales – consommatrices d'azote organique. Autre levier d'action pour diminuer les émissions de GES : le stockage du carbone dans les sols et la biomasse. Les changements d'affectation des sols, comme le retournement des prairies, peuvent entraîner des déstockages de carbone. « En France, le sol des prairies peut stocker en moyenne 80 tonnes de carbone par hectare dans les trente premiers centimètres du sol. Pour les cultures, cette capacité tombe à 50 », indique Thomas Eglin, ingénieur à l'Ademe. A noter que l'agroforesterie et la plantation de haies permettent d'augmenter la capacité de stockage du carbone. De plus, les experts préconisent des ajustements sur les rations alimentaires, tant des ruminants que des monogastriques (porcs). Il s'agit notamment de réduire les apports protéiques riches en azote pour limiter les émissions de protoxyde d'azote. Par ailleurs, des actions existent pour réduire les consommations énergétiques (engins agricoles, bâtiments d'élevage et serres). Enfin, l'agriculture joue aussi un rôle clé pour le développement des énergies renouvelables (méthanisation, biomasse), même si Jean-Baptiste Fressoz assure qu'elles ne pourront combler totalement les besoins totaux en énergie. « Elles pourraient remplacer 30% de l'énergie fossile », explique-t-il. Pour le reste, le défi majeur est d'économiser et de raisonner l'utilisation de l'énergie.

Du climato-scepticisme au retombées économiques



Connaissances techniques, prise de conscience collective…et retombées économiques. Jean-Baptiste Fressoz rappelle que la lutte contre le changement climatique, « c'est en dernier ressort une affaire de modèle économique ». Car sans l'assurance de retombées économiques ou de préservation d'une rentabilité économique, les agriculteurs ne se lanceront pas ou du moins très prudemment. Jusque-là, les politiques ont mis en place des programmes de soutien aux changements de pratiques agricoles. À l'échelle européenne, la Politique agricole commune (Pac) a mis en place le principe du verdissement, plutôt mal adapté aux activités agricoles en place. Mais elle met aussi à disposition des agriculteurs des aides pour l'évolution de pratiques agricoles en faveur de l'environnement. « Les changements de pratiques pour lutter contre le réchauffement, souvent, sont en cohérence avec celles préconisées pour la préservation de la ressource en eau, des sols ou de l'énergie », ajoute Jérôme Mousset. À l'échelle nationale, la machine politique est aussi en marche à travers le plan de performance énergétique reconduit en 2014. Il s'agit, depuis 2009, d'une traduction concrète du Grenelle de l'environnement. L'objectif : « Atteindre un taux de 30% des exploitations agricoles à faible dépendance énergétique ». Les investissements des agriculteurs peuvent être subventionnés pour des travaux liés aux économies d'énergie en priorité. Parallèlement, Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, cale sa politique sur ces objectifs. C'est l'agroécologie ainsi que le plan énergie méthanisation autonomie azote. L'idée est de soutenir les investissements pour la production d'énergie renouvelable en agriculture. Mais l'objectif sera difficile à atteindre : avoir 1.000 méthaniseurs installés en exploitations agricoles en 2020 contre 140 début 2014. Par ailleurs, le projet de loi sur l'Energie doit être présenté en Conseil des ministres avant l'été 2014, selon le chef du gouvernement Manuel Valls. Selon le ministère de l'Ecologie, le projet de loi doit permettre à la France d'atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre ou encore de l'amélioration de l'efficacité énergétique (-50% de consommation d'énergie à l'horizon 2050).