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Coopérative Bourgogne du Sud

Envolée avant le retour sur terre

2012/2013 figure déjà comme l’année « de référence » pour la coopérative
Bourgogne du Sud : meilleure collecte, meilleur chiffre d’affaires,
meilleur résultat… Le retour aux réalités 2013/2014 risque donc d’être
dur pour tous les coopérateurs et leurs outils. La coopérative en est
consciente et met en place son plan stratégique, dénommé Silo.
Par Publié par Cédric Michelin
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Les sourires étaient de mise mais le moral plutôt dans les chaussettes, vendredi 6 décembre à Chalon-sur-Saône. La faute à une campagne « compliquée à bien des égards » (gel de printemps, excès d’eau, resemis…) avec des maïs et soja « qui restent dans les champs », débutait Didier Laurency, le président de Bourgogne du Sud.
Pourtant, lorsque le directeur Michel Duvernois commentait les comptes de la campagne 2012/2013, les chiffres records s’enchaînaient : 285 millions d’€ de chiffre d’affaires pour le groupe (+12 %), 570.000 t récoltées (contre 537.700 t en 2011 ; + 5,93 %)… « La récolte est record surtout en maïs qui compense le blé en le dépassant pour la première fois en tonnage collecté », commentait Didier Laurency.

80 % de la récolte collectée en 5 jours


Côté outil, les charges externes « s’en ressentent » (17 millions d’€ ; + 5 %) à relativiser avec l’activité collecte qui progresse de 12 % et de 6 % en tonnages. Il faut dire que l’organisation est mise à rude épreuve puisque 80 % de la collecte sont désormais réalisés en seulement cinq jours.
Avec des taux d’humidité importants en maïs et la hausse du prix du gaz, les charges externes sont en augmentation, obligeant le groupe « à bien maîtriser » tous les autres postes de dépense. La « collecte d’impôts et taxes, notamment pour pollution diffuse sur les phytosanitaires, s’amplifie et prend des proportions inquiétantes en matière de compétitivité de l’agriculture française », alertait Michel Duvernois.
D’autant plus problématique que les créances “adhérents en grandes cultures” constituent un « point noir » (500.000 € de provisions nettes) tout comme la « hausse des agios aux adhérents, pas forcément vertueuse », reconnaissait le directeur. Les coopérateurs le comprenaient et renouvelaient leur confiance à leur outil avec « la montée des adhérents » dans le capital social (passant de 6 à 9 millions d’€) « pour asseoir la coopérative ».

Plan stratégique : solide, innovant, loyal, optimisé


Dans son rapport moral, Didier Laurency détaillait la stratégie du groupe à moyen et long terme, dénommé Silo.



"S" pour solide comme le fait de « consolider depuis près de 80 ans une entreprise propriété de ses adhérents », saine financièrement. "I" pour innovant comme le prouve la recherche avec la plateforme Artemis sur l’agroécologie ou Extrusel qui va triturer du soja non-OGM (extrusion de graines entière en 2007), sans oublier le développement avec Val Union des semences hybrides visant les 700 ha de multiplication en 2014 et 1.500 ha en 2015. De même, le travail sur l’apiculture (nouveau club Atout miel) conforte les principes d’agriculture durable. Le "L" de loyauté « s’inscrit dans la durée et le respect ». Enfin, le O de Optimisé, revient en partie aux équipes « qui n’hésitent pas à remettre en question leurs méthodes de travail » permettant par exemple l’émergence de conseils personnalisés en viticulture, de s’associer avec les pépinières Guillaume pour maîtriser les maladies du bois, de nouer des partenariats avec le monde de l’élevage (Charolais Horizon avec Sicarev et Deltagro)…



« La volatilité des marchés s’est exprimée régulièrement ces dernières campagnes et fait partie des contraintes de gestion incontournable des adhérents. Afin d’apporter des revenus complémentaires les années de "vache maigre", et de valoriser la polyculture qui caractérise nos terroirs, Bourgogne du sud s’implique dans les filières animales (lait et bovins viande) et les productions de semences hybrides à la suite de l’arrêt de Val d’Aucy », est-il inscrit dans le rapport du conseil d’administration.




McDo : “Ange” ou “démon” ?


La multinationale McDonald’s - McDo familièrement – était l’invité de la coopérative. Le manager achat et qualité, Rémi Rocca devait expliquer si « les attentes des consommateurs sont-elles satisfaites par l’agriculture française ? »



Pour cet agronome de formation (Purpan Toulouse), faire appel à « l’emblème du fast-food paraît incongru au pays des 300 fromages ». Pourtant, cette grande enseigne de la restauration s’est imposée et son image a bien évolué depuis ses débuts en France (1979) : de 24 % d’opinion favorable en 2000 à 59 % en 2012. Les céréaliers aimeraient certainement en faire de même pour se débarrasser de leur stéréotype de “riches pollueurs assistés”. Comment les américains ont-ils convaincu les Français ? Avec leur « tabouret à trois pieds » : « chacun son métier… mais avec des partenaires au long terme » ; « faire avant de dire mais le dire fort ensuite » et « rapprocher les consommateurs de la réalité ».



Mais de quelle réalité parlait-il ? Taxé de propager la “malbouffe”, la franchise s’empressait de rappeler que pour un hamburger vendu en France, neuf sandwichs baguette sont achetés dans le même temps, histoire de dire qu’ils n’ont pas inventé ce mode de vie contemporain. 15 % des repas en France sont d’ailleurs pris aujourd’hui à l’extérieur. McDo sert 1,8 millions de clients par jour. La France est même devenu le deuxième pays en matière de marge dégagée par le groupe, rajoutant de la valeur ajoutée à travers « le décors et l’offre alimentaire », tout en utilisant le patrimoine gastronomique (race charolaise, AOC cantal, saint nectaire, fruits..).




Logistique et contractualisation


Derrière se cache surtout une machine de guerre commerciale. La logistique est « à la pointe » du progrès. « Concrètement, lorsqu’une commande dans un des 1.300 restaurants est tapée en caisse, l’information est décomposée automatiquement en gramme d’aliments jusqu’au logisticien (sept plateformes de distribution de Martin Brower) en lien direct avec les 214 fournisseurs (450.000 t par an) fonctionnant avec une traçabilité exemplaire (124 km parcouru en moyenne) et permettant de prévoir le nombre de clients près dans le quart d’heure suivant pour mettre en place les équipes ou recruter », annonçait tout naturellement Rémi Rocca.



Trois quarts des achats sont des aliments (850 millions d’€ en France). 73 % viennent d’industriels français. En Bourgogne, Sycavil et Bigard fournissent 2.900 t de steaks hachés. Le manager Achats se montrait ouvert pour travailler avec de nouveaux partenaires. « Avec notre croissance (+3 %/an), nous cherchons à sécuriser nos approvisionnements ». Le repas à Beaune a du être l’occasion d’en discuter…



Car, si pour leurs “pains ronds” (buns), 100 % du blé est français, tout comme pour leurs frites, seul 49,3 % des animaux (400.000 têtes ; 25.000 t d’avants chez Glon Sanders/McKey à Orléans) le sont. « La contractualisation est compliquée pour les parties arrière mais représentent tout de même 15.000 animaux (5  %) mais… un seul éleveur en Bourgogne pour 24 bêtes ». Le poulet français « va augmenter » (50 %) en raison « des difficultés à trouver des poulets non-OGM » (Cargill), précisait Rémi Rocca.



Blé : 200 €/t pour trois ans de contrat



Loin d’être angélique, cette contractualisation puise surtout ses racines dans la volonté de « minimiser la financiarisation d’Euronext Matif pour ne pas donner de l’argent aux banques et aux fonds », comprenait-on. En 2012, le premier contrat (8.500 t de blé soit 25 % des approvisionnements) était signé à 181 €/t (prix moyen avec un tunnel allant jusqu’à 235 €/t pour du blé de force) départ coopérative sur trois ans. « On sera prêt à prendre un prochain contrat après le bilan à l’automne 2014 ». « C’était donc avant 2012 » rebondissait justement Michel Duvernois pour souligner la volatilité des marchés mondiaux depuis. « On est prêt à faire des contrats peut être à 200 €/t, vu que vos coûts de production ont augmenté », s’avançait Rémi Rocca. Mais le diable se cache dans les détails…


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