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Jeunes Agriculteurs

Etre acteurs de notre distribution

Thomas Diemer est président de Jeunes Agriculteurs (JA) depuis juin
2014. Il évoque les priorités définies pour les deux ans à venir ainsi
que l’évènement phare de la rentrée, les Terres de Jim, finale mondiale
de labour qu’organise JA du 4 au 7 septembre à Saint Jean d’Illac, près
de Bordeaux.
Par Publié par Cédric Michelin
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Une question d’actualité d’abord : que redoute JA suite à l’annonce de l’embargo russe ?

Thomas Diemer :
C’est un sujet sur lequel on est très inquiets et très mobilisés. On craint surtout que certains autres pays exportateurs viennent sur le marché français, ce qui nous incite à être vigilants aussi vis-à-vis de distributeurs qui pourraient profiter du contexte géopolitique pour baisser les prix : on lance vraiment un appel à la responsabilité pour que les prix se maintiennent au plus haut, un appel au bon sens des politiques pour sortir de cette situation de blocage. Je regrette surtout que ce soient les filières agricoles qui en payent le coût, car avec un contexte déjà très compliqué sur les marchés, on alourdit un peu plus la barque pour les agriculteurs français qui n’en avaient pas besoin.

Les Terres de Jim seront le gros évènement de la rentrée. Quels sont les objectifs de ce défi ?

TD :
Effectivement, c’est un réel défi sur lequel on travaille depuis deux ans, avec 300.000 visiteurs attendus sur 300 hectares. L’objectif pour nous, c’est de montrer toute la diversité des filières agricoles françaises. C’est vraiment une formidable vitrine de notre agriculture qui nous offre une interaction directe avec le consommateur, en particulier à travers les Halles de Jim. Ce gros projet qui nous tient vraiment à cœur a mobilisé nos 23 régions : 600 références de produits seront amenées de toute la France par les délégations régionales JA, sur 2.000 m2, et vont représenter la diversité des produits et des savoir-faire tout en montrant aussi qu’on est aussi capables de s’investir dans la distribution. On y voit une façon de ne plus subir le rapport de force avec la GMS, que l’on ressent d’année en année et qui est de plus en plus difficile. On mène des actions pour lutter contre cette pression, des opérations de contrôle comme on l’a encore vu sur les fruits et légumes la semaine dernière, mais on propose aussi autre chose en devenant nous-mêmes distributeurs. C’est aussi une occasion de parler du prix, un prix juste pour le consommateur, mais un prix juste aussi pour le producteur qui doit vivre de ses productions.

Autre moment fort des Terres de Jim : le Sommet mondial des Jeunes Agriculteurs. En quoi l’ouverture internationale est-elle primordiale pour JA ?

TD :
L’objectif est vraiment d’intensifier nos échanges avec des délégations de leaders paysans qui viennent des quatre coins du globe : Etats-Unis, Indonésie, Philippines, Cameroun, nos amis européens du CEJA… C’est l’aboutissement d’un travail de deux ans mené avec Afdi (ndlr : Agriculteurs français et développement international). 48 délégations vont se rencontrer pendant ce Sommet organisé le 4 septembre à Bordeaux. L’idée est d’être force de proposition au niveau international, avec pour objectif à la fin du Sommet de ratifier un manifeste sur l’agriculture familiale, car l’évènement s’inscrit dans le cadre de l’Année internationale de l’agriculture familiale 2014. Un manifeste auquel contribue chaque organisation paysanne invitée et qui défendra des revendications spécifiques aux jeunes : politiques d’installation, accompagnement, politiques d’accès aux moyens de production, formation, etc. Chaque délégation pourra ensuite porter ce manifeste, dans la continuité, auprès de ses instances nationales. On espère aussi que ces rencontres seront un premier pas pour créer à moyen terme une dynamique de jeunes agriculteurs au niveau international, car on constate bien qu’aujourd’hui beaucoup de décisions politiques sont prises au niveau international. Ce qui est vraiment important, c’est qu’on sache quoi défendre ensemble, et qu’on définisse nos objectifs communs.

Plus largement, quelles sont les priorités de JA pour cette mandature ?

TD :
Sans pour autant délaisser les autres dossiers, nous avons défini quatre priorités à accentuer sur les deux ans qui viennent. La première est bien évidemment l’installation, notre fer de lance : apporter l’accompagnement le plus performant possible à tous les jeunes qui souhaitent s’installer. On a des résultats qui traduisent le bien-fondé de cette action par JA, avec la loi d’Avenir ou les assises de l’installation par exemple, mais il faut rester très mobilisés au niveau national. La deuxième priorité, je l’ai évoquée avec les Halles de Jim, c’est la distribution. C’est une vraie revendication des jeunes, cette ambition d’être acteurs de notre distribution. Ce n’est pas normal aujourd’hui que sur 100 € dépensés, 8 € seulement reviennent au producteur. Il faut rééquilibrer le rapport de force et faire que la valeur ajoutée retourne vers les plus légitimes, les agriculteurs. De fait, cela traduit aussi notre capacité à installer les jeunes, car si demain il n’y a pas de revenu, il n’y a plus d’installation. La troisième priorité repose sur l’organisation territoriale. Il faut se mobiliser pour que les politiques publiques qui peuvent toucher l’agriculture, de plus en plus définies au niveau régional, ne se fassent pas sans les agriculteurs eux-mêmes. On souhaite vraiment que le monde rural soit plus entendu et représenté à sa juste valeur, sur tous les territoires. Enfin, la dernière priorité répond à la montée en puissance des problématiques environnementales. Il ne se passe pas un mois sans que l’actualité ne fasse remonter des dossiers environnementaux qui mettent les agriculteurs sur le banc des accusés : directive nitrate, phytosanitaires, le plan Ecophyto, la loi sur la biodiversité…. Aujourd’hui, on reste trop sur la défensive à ce sujet. Il faut qu’on soit plus audibles quant à nos bonnes pratiques. On nous demande d’investir de plus en plus sur nos outils de production, alors que les prix de vente sont de plus en plus bas. A continuellement empiler les normes et les contraintes, on finit par décourager de plus en plus les jeunes car cela remet aussi en cause la vivabilité de nos exploitations. Il faut donc aussi sensibiliser le consommateur, communiquer de façon positive et être partie prenante quand on parle environnement car fondamentalement, ce sont les gens sur le terrain qui font l’environnement et ils n’ont aucun intérêt à le détériorer. Sur tous ces différents dossiers, il est nécessaire de donner à la profession agricole une voix forte et construite, en montrant aux acteurs locaux l’importance de l’agriculture dans les territoires. JA sait faire, aime faire, et c’est quelque chose qu’on a envie de voir perdurer : tous les ans, ce sont près de 600 000 visiteurs qui viennent à nos évènements dans les territoires. Il est important qu’on garde cette dynamique territoriale qui permet de porter la voix de JA dans la diversité et d’être entendus le plus fort possible à tous les échelons, régional, national et international.