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Cultures légumineuses

Exigeantes, mais que d’atouts !

A Pazy dans la Nièvre, ils étaient nombreux à avoir répondu à
l'invitation de la chambre d'Agriculture pour la journée consacrée aux
légumineuses. Un tour d'horizon complet, pour présenter les avantages et
les contraintes d'une culture exigeante, mais qui peut contribuer sous
certaines conditions, à rendre les systèmes d'exploitation plus
résistants aux aléas. Extraits.
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Légumineuses pour les uns, protéagineux pour les autres, ces cultures partagent les mêmes avantages ; certaines sont conduites à graine, d'autres non, en fonction de leurs utilisations et des conduites de cultures. Leur introduction dans un système d'exploitation ne se fait pas au hasard, mais quand les bonnes conditions sont réunies (choix des espèces, des variétés, conditions agronomiques, rotation, conduite des cultures...), les légumineuses permettent de remettre, comme le précise Didier Ramet, élu à la chambre d'Agriculture de la Nièvre, « un peu de complexité dans des systèmes trop simplifiés » qui marquent le pas et montrent leurs limites sur le plan agronomique comme sur le plan sanitaire. Alors, certes « les légumineuses ne sont pas une solution miracle », prévient l'élu, « mais elles représentent une piste de réflexion sérieuse, car elles contribuent à sécuriser les systèmes ». Pour preuve, l'exploitation de Régine et Éric Roubeau, qui accueillait la journée et témoigne, chiffres et courbes à l'appui, que ces cultures ont contribué année après année, et en dépit des aléas, à sécuriser le système « au fond ».

Une conduite délicate


Conduire une culture de légumineuses ne s'improvise pas, résume Christian Bourges, conseiller à la chambre d'Agriculture, car « elles peuvent s'avérer délicates à mettre en œuvre », mais les bénéfices sur les plans agronomique, économique et sanitaire sont à la mesure des attentions à avoir et des précautions à prendre. A ceux qui objecteront que leur introduction coûte cher, on conseille de considérer la rotation dans son ensemble pour en apprécier les effets positifs.
Si la ferme de Régine et Éric Roubeau est exemplaire à plus d'un titre, c'est d'abord par ses résultats économiques, le système est efficace et les chiffres le prouvent. L'audit économique de l'exploitation - qui objective les effets d'un suivi attentif et d'une gestion fine de tous les paramètres économiques - montre effectivement que l'introduction des légumineuses et leur conduite s'inscrivent dans le schéma global de gestion de l'exploitation et y participe au même titre que d'autres éléments. Dans cette exploitation d'élevage où chaque investissement est soigneusement réfléchi et la chasse au gaspi très active (« le premier sou gagné est celui qui n'a pas été dépensé ! », se plait à rappeler Éric Roubeau), l'implantation de prairies temporaires (luzerne/dactyle) s'est organisée sur une ferme éclatée en deux sites en fonction des différentes productions bovines. L'assolement étant raisonné en fonction des prairies temporaires avec le double objectif d'améliorer la productivité et la qualité de sols morvandiaux très hétérogènes et à potentiel limité.

Un système en constante évolution


La force du système, « c'est qu'il n'est pas figé ». « On essaie des choses » confirme Éric Roubeau, « l'essentiel, c'est de progresser régulièrement et de s'adapter ». Ainsi, la bonne santé économique de l'exploitation et sa résistance aux aléas est « l'aboutissement d'une recherche d'équilibre entre tous les secteurs de production ».
Aucune place à l'improvisation donc, mais une « adaptation en continu au contexte » et une observation : la production de légumineuses à base de luzerne/dactyle assure les besoins en protéines de l'élevage : cette année, ce sera peut être un peu limite, les analyses qualité des fourrages en diront plus.
La gestion du pâturage (tournant, mais en fonction des limites climatiques) et le rationnement adapté selon les périodes, les catégories d'animaux et leurs besoins contribuent aussi à l'autonomie alimentaire du troupeau. En revanche, tout est analysé, les productions fourragères comme les sols qui, zone vulnérable oblige, sont couverts en pois de printemps et avoine de printemps. Ces cultures étant « consommées par les animaux qui en ont besoin ».
Ce système n'est bien entendu pas reproductible en l'état, il s’est construit au fil des années, de l'expérience acquise et des apports extérieurs en terme d'information. Mais les légumineuses y ont trouvé leur place et participent directement à la réussite économique de l'ensemble, tout comme elles contribuent à sa résistance.
A chacun d'en tirer ses propres enseignements, mais l'affluence à cette journée montre que le sujet intéresse. Et pas seulement dans la Nièvre, puisque qu'au niveau français, les achats de semences de légumineuses progressent (+15 à 20 %) et que les associations graminées et légumineuses sont aussi en progression…



Les critères de réussite


Aucun paramètre n'est figé. Tout peut être remis en cause au vu des résultats. Ainsi le non-labour comme le labour ne sont pas systématiques (l'exploitation a été pionnière en matière de non-labour). En revanche, il faut bon an mal an 80 hectares de céréales pour couvrir les besoins en paille. Le colza revient tous les six ans seulement, car cette culture est peu adaptée à ces sols difficiles.
Les rendements des cultures sont optimisés mais restent conformes au potentiel réel des sols (« mieux vaut 70 quintaux qui gagnent que 80 quintaux qui ne gagnent rien »). Les variétés de légumineuses utilisées sont « bien assises », la conduite de culture est économe avec des passages limités. Praticité et simplicité des pratiques et matériels sont la norme, comme le recours aux services collectifs de la Cuma pour les matériels d'élevage (échographe) comme pour les cultures. Éric Roubeau est convaincu de l'importance du conseil en agriculture pour progresser. Conseil et analyses aident à orienter les pratiques et à faire évoluer le système. Recommandant à chacun d'effectuer un audit économique de son exploitation, Éric Roubeau en relève « l'importance pour améliorer et progresser car la seule lecture des chiffres ne suffit pas, il faut voir au-delà. Être exploitant, ce n'est pas rester sur son tracteur, c'est voir autre chose, se former, apprendre aussi » pour avancer dans ses pratiques et son métier. Une visite à la ferme de Jalogny lui a ainsi permis de « voir des choses intéressantes ». Les nouvelles orientations pourraient concerner le vêlage à deux ans (sans augmenter le nombre de vêlages), l'engraissement à l'auge et l'évolution de la composition des rations...

Implantation et choix des espèces


« En faire c'est bien, les réussir c'est mieux »... L'enjeu est posé car la mise en œuvre des cultures de légumineuses est plus complexe qu'on ne le pense souvent. Le choix des semences (innoculées ou non) peut être lourd de conséquences (20 % des luzernes sont ratées par défaut d'innoculation). Que l'on choisisse la luzerne, le trèfle violet, le trèfle blanc ou le lotier, en solo ou en mélanges, les légumineuses requièrent un soin particulier à l'implantation. Les graines sont petites et peuvent lever plus difficilement. Il faut donc privilégier une préparation très fine du sol, un sol bien rappuyé et semer précisément à 1 cm de profondeur. Chaque espèce a ses avantages et ses inconvénients, chaque variété ses atouts propres en fonction des situations. Au préalable, il faut se poser la question des la destination de la culture : fauche, ensilage, enrubannage… Attention aux besoins des légumineuses (et donc des sols) en phosphore, potasse, bore et mobdylène. Enfin, au moment de la fauche, il faut trouver le bon compromis entre la teneur en protéines et l'apport énergétique. Il faut aussi être très réactif, car les fenêtres de tir offerts aux récoltes peuvent s'avérer étroites, en fonction des configurations climatiques et pédoclimatiques. Enfin, il faut faire très attention à préserver les feuilles, car ce sont elles qui renferment les plus fortes teneurs en énergie et protéines…