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L’agneau et la grenouille

Face au loup administratif

Cela aurait pu être le titre d’une fable de Jean de la Fontaine, ce ne
sera que celui d’une action conduite par la FDSEA et les JA de
Saône-et-Loire exprimant leur ras-le-bol face à une réglementation de
plus en plus complexe et inflexible en cas d’erreur des exploitants.
L’identification ovine et l’environnement sont pointés du doigt…
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"L’agneau et la grenouille…" Jean de la Fontaine en aurait fait une fable, dont les enseignements seraient, n’en doutons pas, toujours d’actualité, la nature humaine ainsi que celle de nos sociétés n’évoluant que peu…
En cette rentrée, ce titre était celui de l’action conduite par la FDSEA et les Jeunes agriculteurs de Saône-et-Loire, une action à destination de l’administration départementale. Il faut dire que le "choc de simplification administrative" tarde à être perçu sur le terrain, il a été pourtant annoncé par tous les gouvernements successifs depuis maintenant au moins dix ans… Plus grave, chaque rentrée apporte son lot de nouvelles contraintes, de nouveaux textes et il faut bien reconnaître que nombre d’acteurs de la vie économique ont de plus en plus de mal à suivre et à intégrer ces évolutions.
Le 13 septembre, la venue annoncée de Fabien Sudry, le préfet de Saône-et-Loire, aux travaux de la session de la chambre départementale d’agriculture était l’occasion pour la profession de lui rappeler son ras-le-bol. N’en faisant ni une, ni deux, le bureau de la FDSEA du 9 septembre décidait de lui réserver un aimable comité d’accueil, avec une brebis et ses agneaux, et une grenouille…
De la flexibilité !
Cette réglementation, les moutonniers en sont les victimes les plus flagrantes ! Les textes relatifs à l’identification ovine et les contraintes pour les éleveurs qui en résultent ont été maintes et maintes fois modifiés, ils sont complexes, et la moindre erreur se paie cash. Et pas seulement sur les seules aides ovines, mais bien du fait de la conditionnalité sur toutes les indemnités compensatrices dont bénéficient les exploitations. Et cela fait vite très mal.
Conscients de ces difficultés, la section ovine de la FDSEA, les JA, mais aussi Terre d’Ovins et la chambre d’agriculture ont tenu à alerter Fabien Sudry sur le caractère décourageant que peuvent avoir ces contraintes sur une production qui retrouve enfin quelques couleurs, et ce dans la foulée du Bilan de santé de la Pac. De fait, depuis deux ans, les effectifs sont enfin repartis à la hausse en Saône-et-Loire, encore faut-il conserver un caractère attractif à l’élevage ovin…
« Tous les éleveurs, y compris les plus attentifs, vivent avec anxiété cette réglementation », rappelait Maurice Huet, administrateur de la FNO, lequel remettait au nom des moutonniers un dossier sur le sujet au préfet et à ses services, représentés pour l’occasion par Christian Dussarrat, DDT, et André Klein, DDPP. Et de plaider comme le feront les autres membres du comité d’accueil en faveur d’une révision de cette réglementation.

Du discernement !


Au nom des JA, Guillaume Gauthier, secrétaire général, allait dans le même sens, demandant des contrôles "à blanc" pour plus de pédagogie, mais aussi « plus de flexibilité et plus d’humain ». Au passage, il dénonçait l’obligation de mise aux normes qui s’impose à tous les jeunes, dans les trois ans suivant leur installation, un texte très pénalisant et qui fragilise gravement les jeunes.
Frédéric Renaud, pour la section ovine de la FDSEA, en faisait de même, illustrant la dureté des sanctions et plaidant en faveur d’une relance administrativement accompagnée, par une administration à même de distinguer la fraude de l’erreur.
L’exemple de Simon Lepage, jeune éleveur mixte en bovin allaitant et ovin, installé depuis trois ans à Dracy-Saint-Loup, prenait ici tout son sens. Lors du contrôle, les cent-dix agnelles de remplacement de sa troupe de trois cent cinquante brebis ne présentaient qu’une seule des deux boucles auriculaires… Aucune fraude à constater, mais une erreur qui lui coûte plus que cher et qui risque, en l’état, de conduire purement à la cessation de l’activité de ce jeune, pourtant passionné et très technique. "Errare humanum est", alors quand la sanction conduit à la mise à mort économique d’un élevage, l’ensemble des professionnels présents, appuyés par Bernard Lacour, président délégué de la FDSEA, plaidaient en faveur d'un discernement dans l'application des pénalités. Le bon sens en somme…

Quel modèle environnemental ?


Autre dossier chaud de cette rentrée, l’environnement. La profession s’inquiète une fois encore de la montée en puissance de l’arsenal législatif existant, lequel arsenal qui pourrait bien être une nouvelle fois renforcé suite à l’actuelle Conférence environnementale.
Pour la profession qui plaide en faveur de la lisibilité, il est de plus en plus clair que la grenouille et sa protection sont devenues prioritaires sur toute activité économique, d’ailleurs qu’elle soit agricole ou non. Les contraintes sont de plus en plus nombreuses et dans tous les domaines, plus complexes, plus touffus, et les textes parfois inextricables…
Au nom de l’association Cultivons nos campagnes, Louis Accary interpellait Fabien Sudry, lui offrant un bocal contenant une grenouille.
« Un symbole, Monsieur le préfet, mais un symbole qui illustre notre désarroi et notre agacement », avertissait-il citant en exemple l’enquête publique en cours "de restauration de la végétation rivulaire des cours d’eau du Morvan" (lire en page GG de cette édition) ou les zones de compensations écologiques et hydrauliques qui frappent en ce moment le Chalonnais. Les autres exemples ne manquent pas et, à chaque fois, la seule question qui se pose devient celle des priorités données par notre société : l’environnement a bon dos et endosse peu à peu la mise à mort de l’économie de nos territoires. Les conséquences vont être désastreuses dans les mois et années à venir au rythme où vont les choses.
Président de la commission Environnement de la FDSEA, Lionel Borey poursuivait avec force et moulte illustrations (Directive Nitrate, Corridor écologiste du Val de Saône…) dans le même sens lors de la session de la chambre. « Nous sommes inquiets de ce type de démarche qui tend à sanctuariser de manière accrue des espaces productifs, à l’heure où un département français de terres agricoles disparaît tous les sept ans… Quels espaces conserverons-nous pour produire ? ». Pour lui, il est plus que jamais urgent de donner des signaux lisibles si volonté réelle de redressement économique de notre pays il y a. Et pour l’heure l’ensemble des signaux va dans le sens strictement opposé, rappelait-il avertissant le représentant de l’Etat que la profession n’accepterait pas de voir le potentiel de production une nouvelle fois écorné par des contraintes inadaptées. En somme un plaidoyer on ne peut plus clair en défaveur de l'écologie punitive.




Le message doit être entendu…


Le message de la profession, Fabien Sudry l’a bien perçu. Il a dit mesurer l’urgence et la profondeur de l’agacement du terrain, de la colère plutôt, aujourd’hui clairement canalisée, face à cette avalanche de textes, de lois, de règlements en tout genre qui grève chaque jour un peu plus le potentiel de production et « finit par entamer la volonté même d’entreprendre », comme le rappelait Christian Decerle, président de la chambre. Le préfet de Saône-et-Loire s’en est dit bien conscient, rappelant toutefois les textes et les contraintes qui s’imposent à ses équipes administratives. Mais faut-il encore rappeler qu’en matière d’environnement, les contraintes qui s’appliquent sont sur tout le territoire national les mêmes, tandis que les atteintes ne sont pas les mêmes… La Saône-et-Loire et son agriculture peuvent s’enorgueillir d’avoir su préserver et ses territoires et la qualité de ses eaux, la seconde meilleure de France…
Alors, dans ce domaine encore, le bon sens et le discernement s’imposent. La profession attend que ce message soit enfin entendu. « Avant qu’il ne soit trop tard… », rappelait Bernard Lacour.






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