Faire entendre la voix des éleveurs
Dans le viseur de l’Europe
Premier exemple de ce casse-tête auquel est confronté le GDS 71 : la tuberculose. « La France est dans le viseur de la Communauté européenne. Cette dernière a des doutes sur la situation et sur notre façon de gérer la maladie », expliquait d’emblée le directeur Vincent Robergeot. « Le plan national de surveillance - qui était en réflexion depuis de nombreux mois - a été remis en question suite à l’audit de la France par les inspecteurs européens. Nous devons nous rapprocher des textes de la directive 64/432, desquels nous nous étions éloignés par obligation. Nous sommes aujourd’hui sous le chantage permanent de la perte de notre statut indemne », exposait et s'en agaçait ouvertement Jean-Paul Dufour. Une issue qui doit être évitée coûte que coûte. Mais pour satisfaire les contraintes imposées, « l’acceptabilité des mesures par les éleveurs qui risque d’être battue en brèche », prévenait le directeur. En l’état, « le protocole Tub - qui vient d’être accepté sans tenir compte des remontées de terrain - risque d’être très mal vécu par les éleveurs touchés par la tuberculose », mettait en garde le président. En 2012, un seul foyer a été recensé dans le département, en Bresse. Il provenait d’un animal d’achat, comme tous les foyers apparus en Saône-et-Loire. L’élevage a bénéficié d’un abattage sélectif : une modalité « très dérogatoire » qui ne pourra pas forcément être reproduite, prévenait Vincent Robergeot.
Circulation virale d’IBR
Autre sujet qui préoccupe à nouveau le GDS : l’IBR. Les résultats de la campagne de prophylaxie 2012 avaient pourtant été très bons (1.300 bovins positifs, contre 3.000 en 2011, soit 83 % de cheptels négatifs et 61% de cheptels qualifiés fin 2012). Malheureusement, depuis septembre, une forte circulation virale est observée dans quelques communes du Brionnais. Très inquiets, les responsables du GDS 71 entendent « resserrer les boulons » concernant tous les mouvements d’animaux et l’engraissement. C’est en effet par ce biais que cette recrudescence d’IBR a eu lieu dans cette zone attachée aux traditions d’embouche, de repousse, de négoce, voire même de transhumance. La vigilance doit donc être de mise chez les adeptes de ces pratiques.
Schmallenberg devant nous…
Cette année, parmi les maladies dites « émergentes », aucun nouveau foyer de FCO n’a été détecté. Le statut indemne devrait être prochainement demandé ; c’est en tout cas le vœu que formule le GDS 71. La situation est plus incertaine au sujet du virus de Schmallenberg. « Les conséquences cliniques de cette maladie nouvelle sont devant nous », prévenait Jean-Paul Dufour. Le problème, c’est « qu’on ne voit pas grand-chose lorsque cela circule », confiait Vincent Robergeot. La maladie se dévoile sur les femelles gestantes et les nouveau-nés avec les conséquences que l’on sait en termes de production. Environ 35 foyers de Schmallenberg seraient recensés en Saône-et-Loire. Une étude confirme la forte disparité géographique de la maladie. Le taux de séropositifs va de 10 % dans l’ouest du département à 70 à 80 % en Bresse. Compte-tenu de la circulation virale observée au début de l’été dernier, il faut s’attendre à une recrudescence de malformations congénitales cet hiver dans l’ouest du département, estime le GDS 71. L’Etat s’étant désengagé de la surveillance de Schmallenberg, c’est GDS France qui prend le relais.
Mieux déclarer les avortements
Autre maladie à suivre de près : la besnoitiose, laquelle arrive par le sud et remonte vers le nord. De type vectorielle, elle est assez difficile à maîtriser. Un foyer est à recenser sur Semur-en-Brionnais. La prudence doit être particulièrement de mise chez les éleveurs acquéreurs d’animaux de races rustiques. Vigilance requise sur les contrôles à l’introduction, mettait en garde Vincent Robergeot.
Alors que deux cas de brucellose sont apparus en Belgique et en France en 2012, le GDS 71 souhaite « améliorer la surveillance des avortements », ces derniers constituant un indice de dépistage de la maladie. Pour cela, l’organisation professionnelle en appelle à « une gestion globale et cohérente ». Surtout, les éleveurs sont invités à mieux déclarer les cas d’avortement, encore trop sous-estimés. Par ailleurs, la Saône-et-Loire fait partie des départements pilotes dans le cadre du protocole de surveillance de la fièvre Q.
Désaccords avec le national
Sur le plan national, « nous voilà désormais sur les rails de la nouvelle gouvernance sanitaire », informait Jean-Paul Dufour. Cette vaste réforme consécutive au désengagement de l’Etat va se traduire notamment par le transfert des orientations et décisions en matière de politique sanitaire à l’échelon régional (FRGDS), les GDS départementaux devenant l’échelon opérationnel. « Jusque-là, nous acceptons. Toutefois la perspective d’une accréditation lourde et coûteuse pour nos missions déléguées et l’extension possible du champ de ces missions nous inquiètent fortement. Il me semble de plus en plus que les orientations prises par GDS France ne servent plus vraiment les intérêts des éleveurs, mais ceux d’une fédération qui veut nous mettre aux ordres sur les missions déléguées », dénonçait Jean-Paul Dufour. Un autre désaccord avec la fédération nationale porte sur la gestion des fonds mutualistes.
Antibiorésistance
C’est en amont qu’il faut agir
Samuel Martin, vétérinaire membre du GTV Bourgogne, est intervenu sur le thème des antibiotiques. Indispensables à l’élevage, ces médicaments sont aujourd’hui face à deux enjeux majeurs : le risque de présence de résidus d’antibiotiques dans les viandes de consommation et le phénomène de résistance des maladies à ces antibiotiques. Or certaines de ces molécules sont utilisées aussi bien en médecine vétérinaire qu’humaine. D’où l’importance de la lutte contre l’antibiorésistance. Une campagne de communication a été lancée pour raisonner l’usage des antibiotiques en médecine humaine. La filière élevage est aussi dans le collimateur de la société. Le lien entre usage excessif et résistance est prouvé. Cibles des antibiotiques, les bactéries ont des capacités d’adaptation très élaborées (mutations) pour échapper à l’action des molécules censées les détruire. « Là où les usages sont ponctuels, les problèmes de résistances sont limités. Cela concerne les antibiotiques d’ancienne génération. Ils sont utilisés en faible quantité pour des traitements individuels. La situation est beaucoup plus préoccupante vis-à-vis des maladies récurrentes, type pathologies respiratoires. Ce sont elles qui font consommer le plus gros tonnage d’antibiotiques. Ce sont des antibiotiques qualifiés de critiques. Des molécules de dernière génération, également utilisées en médecine humaine et pour lesquelles la sensibilité des bactéries se détériore. Ces antibiotiques critiques sont dans le viseur des autorités sanitaires. Le risque ultime, c’est interdiction pure et simple ou un usage soumis à la réalisation d’antibiogrammes », avertissait le vétérinaire. Un usage plus raisonné des molécules antibiotiques s’impose donc. Le premier levier passe par une prévention en amont avec l’amélioration des conduites d’élevage : confort et ambiance des bâtiments, vaccinations, alimentation, soins aux veaux… « Un gros chantier devant nous », résumait Vincent Robergeot. Mais le GDS 71 l’a déjà entamé, ne serait-ce qu’à travers ses excellentes sessions de formation Alimentation et pathologie.
Jean-Paul Dufour
Un président tout sauf ennuyeux !
Jean-Paul Dufour présidait sa dernière assemblée générale du GDS 71. La gorge nouée, l’éleveur a expliqué être contraint « de mettre un terme à sa carrière professionnelle pour des raisons de santé ». Cet épilogue à 18 années de présidence a donné lieu à un hommage unanime et chaleureux emprunt de beaucoup de sincérité. A commencer par les mots sobres, mais remarquablement humains adressés par le directeur du GDS lui-même. Sans doute le mieux placé pour connaître toutes les qualités du président, Vincent Robergeot a évoqué la « complicité » qui régnait entre eux. Il évoquait avant tout des qualités humaines telles que sa franchise, son discernement, sa droiture… Un homme « tout sauf ennuyeux », avec un sens de l’humour et de la répartie hors du commun. A en croire les témoignages des uns et des autres, difficile de passer sous silence les « coups de gueule légendaires » de cet autodidacte au caractère bien trempé. C’est aussi le revers de convictions fortes. Mais pour Vincent Robergeot, Jean-Paul Dufour avait aussi cette « présence rassurante ». Prenant la parole au nom de ses plus fidèles compagnons de route, Gilbert Bontemps retraçait son parcours à la présidence du GDS. Succédant à Robert Giroux en 1994 et ayant à gérer successivement la brucellose, les deux ESB, la fièvre aphteuse, la dioxyne, la tuberculose, la fin du varron, l’IBR…, Jean-Paul Dufour a eu maintes occasions de montrer sa connaissance des dossiers, son sens du dialogue et parfois même son aptitude aux bras de fer. Apprécié et respecté, l’homme a toujours su défendre l’intérêt des éleveurs, même lorsqu’il siégeait au national. Visionnaire au point d’avoir souvent raison trop tôt, discret et humble au point de fuir la notoriété, Jean-Paul Dufour aura été un président atypique, plus préoccupé par le collectif que ses mandats personnels. Un homme de valeurs, fidèle aux fondements du mutualisme agricole.