Coup de jeunes dans les caves
Le 21 mars, la cave de Bissey-sous-Cruchaud, en Côte chalonnaise en Saône-et-Loire, accueillait la Fédération des caves coopératives Bourgogne-Jura pour sa traditionnelle AG. L’occasion surtout de rappeler que la coopération rime avec solidarité, alors que la Bourgogne semble rattrapée un peu par la crise. Le Jura, lui, est ravagé par les aléas. Heureusement, la nouvelle génération de vignerons semble avoir un moral à toute épreuve.

Bientôt centenaire, la cave de Bissey est née, comme beaucoup, dans les années 1920, en 1928. Un siècle plus tard, la crise viticole frappe à nouveau, avec des similitudes (guerres et guerres commerciales, inflation et méventes…) et des différences (déconsommation, aléas climatiques…). Le modèle coopératif reste plus que jamais d’actualité puisque permettant de mieux « passer les crises », même si la décennie 2010, a plutôt été celle du développement commercial pour les caves coopératives de Bourgogne-Jura avec des vins montant en gamme tout en gardant un excellent rapport qualité-prix, leur permettant d’être vendus dans tous les circuits de distribution. La cave de Bissey en est un parfait exemple, elle qui produit 400.000 bouteilles en moyenne. Présent un peu à l’export, en GMS et en réseau traditionnel (CHR), « 63 % » des ventes se sont dans son magasin, expliquait son président, Jean-Philippe Prétet, lorsqu’il accueillait la cinquantaine de coopérateurs dans le joli bâtiment rénové et agrandi.
La Fédération des caves coopératives Bourgogne-Jura a d’autres missions, plus globales. Le rapport d’activités en vidéos donnaint quelques exemples d’atelier collectif sur les ressources humaines et sociales, de visites de caves, sur les salons Wine Paris ou à la Fête des Grands vins à Beaune, pour faire la « pédagogie » des valeurs coopératives lors d’interventions en classes, notamment lycées viticoles, au congrès de la coopération agricole et à l’OIV, pour des formations des collaborateurs et salariés… Sans oublier, la convivialité présente à chaque rendez-vous, au détour de moments festifs ou d’ateliers, comme pour apprendre « l’art de la fabrication des tonneaux ».
Communications et formations internes et externes
La déléguée générale, Elodie Segaud met en œuvre « cette structuration forte, la gouvernance coopérative et l’implication des jeunes », bien épaulée par Clémence Mariotte, qui gère notamment une grande partie des réseaux sociaux (Instagram, Facebook, X, Linkedin). La promotion du modèle coopératif est un travail au long cours pour « sensibiliser de futurs coopérateurs, de la gestion d’une coopérative jusqu’à la prise de parole ou encore sur des accords mets-vins sur les réseaux sociaux », expliquait Elodie Segaud. Les coopérateurs de toutes les caves et fruitières ont ainsi un lieu pour « partager leurs expériences ». 2025 a été déclarée « année internationale des coopératives » pour son rôle crucial dans le développement durable, le respect des engagements sociaux, sociétaux et une « économie raisonnée. C’est une formidable opportunité de mettre en lumière notre modèle coopératif », voilà pourquoi la FCCBJ compte organiser un événement marquant en 2025 et accélérer le « déploiement de la feuille de route FCCBJ 2030 ». Elodie Segaud citait Henry Ford en guise de motivation : « Se réunir est un début, rester ensemble est un progrès, travailler ensemble est la réussite ».
Des valeurs résolument modernes
Des valeurs en rien surannées ou dépassées comme en témoignaient quatre jeunes coopérateurs, qui apprécient échanger au sein du groupe Jeunes de la FCCBJ : Adrien Martinot des Vignerons des Terres Secrètes, Anthony Germain (cave de Genouilly), Alexandre Collin (cave des Hautes Cotes) et Camille Berthaire (cave de Lugny). Ce dernier avait même un message particulier à passer suite à la visite organisée à Bordeaux : « ce n’était pas une réunion joyeuse avec beaucoup de viticulteurs en redressement judiciaire. On se rend compte qu’eux qui se pensaient intouchables il y a 20 ans, en seulement 15 ans, ils sont en crise », avec des plans d’arrachage, des fusions et fermetures de caves et exploitations viticoles à vil prix. Et Camille de conclure déjà bien responsable : « en Bourgogne, ça ne va pas si mal mais qui sait dans 15 ans, cela doit nous amener à réfléchir. Quand on n’a plus de sous, c’est alors difficile de faire les investissements. Ça a été intéressant de voir qu’ils bougent à Bordeaux. Nous, on ne doit pas attendre que ça passe ou que ça casse ».
Ne pas se mettre de barrière inutile
Les deux co-présidents de la FCCBJ, Bénédicte Bonnet (cave de Millebuis à Buxy) et Benoit Sermier (fruitière vinicole d’Arbois) présentaient justement les perspectives, avant d’engager une table ronde sur l’économie (lire dans notre prochaine édition). « Les situations se tendent avec des situations critique dans des caves en France avec des restructurations, des arrachages, des licenciements… sans parler des mauvais signaux géopolitiques. L’instabilité gagne dans les filières à différents niveaux, sans oublier les changements de consommation et de générations de consommateurs. Il faut nous repositionner sans cesse face à ces défis, comme les mutations de nos caves et fruitières par le passé. La coopération est un synonyme de solidarité. A nous de nous ouvrir aux nouveautés, sans nous mettre de barrière inutile. Mais restons bienveillants et fiers d’être vignerons coopérateurs », concluaient-ils avant de passer à la pratique avec une dégustation au bar, organisée par les jeunes, de vins sans alcool et de cocktails à base de vins.