L’agronomie rapide pour tous
Le 9 avril dernier, le lycée (EPLEFPA) de Fontaines accueillait une journée d’échange territoriale dédiée à la gestion des matières organiques dans les sols. Cet événement national avait un objectif clair : replacer le sol au cœur des raisonnements agronomiques dans un contexte d’aléas climatiques croissants. Les agronomes se sont succédé pour un renouveau et une simplification de cette science, centrale pour les filières bas-carbone (lire notre édition 3168 du 9 mai).

Longtemps agronome à la chambre régionale d’Agriculture, Christian Barnéoud s’est lancé un nouveau défi pour sa fin de carrière. Ou plutôt continuer le même, démocratiser et diffuser une science de l’agronomie de haute connaissance, mais en réalisant le tour de force de le simplifier pour mieux monter en compétence. Autant dire, que le cadre du lycée agricole de Fontaines était propice. Présenté le 9 mai dernier, le projet Casdar Acec (Accompagnement au changement par l’Enseignement et le Conseil agricole), entend aussi renforcer les compétences des enseignants, formateurs et conseillers pour accompagner la transition agroécologique. Devant plusieurs groupes, Christian Barnéoud expliquait la méthode qu’il a construite pour « regarder le sol de façon simple, simplifié » mais jamais simpliste, car il y a toujours « un intérêt à comprendre ses sols ».
Sa méthode consiste à réaliser un « profil 3D », c’est-à-dire observer au moins « trois faces » dont celle en terre en dessous. Dans une prairie du lycée, un chargeur frontal avec justement remonter un beau morceau de terre. « Un sol est un milieu contraint qui se distribue spatialement sur de grandes surfaces. Ces mottes « magiques » font apparaître des choses en lien avec les aléas climatiques notamment », faisait-il le lien plus avec le thème de la journée que sur les pratiques agricoles dans un premier temps. Car, l’heure est à vérifier que son sol « assure bien ses fonctions » pour les végétaux et qu’il est en plus « capable d’encaisser » les épisodes de sécheresse, excès d’eau…
Méthode « speed »
Avec les professeurs de la Bergerie nationale de Rambouillet, ils ont développé une méthode « speed » pour faire rapidement un autodiagnostic. « Même si cela donne des boutons aux géopédologues, on a simplifié, sans termes ou mots compliqués, qui perdent tout le monde. Notre langue française est riche », comme nos sols, faisait-il une métaphore. Ainsi, cette nouvelle méthode « d’autodiagnostic » rapide d’un sol repose sur seulement deux critères essentiels « pour que ça soit percutant » !
Préambule admis de tous : « tous les sols ont été travaillés » par le passé et le « volume superficiel est anthropisé » donc il s’agit de terre arable, travaillé ou en sans labour. Dans sa méthode, il parle non pas d’un simple « horizon » mais d’un « horizon de responsabilité », entre 0 et 40 cm de profondeur dans la majorité des sols (80 cm en viticulture après défonçage). Cela donne surtout « la limite dans laquelle l’agriculteur à la main », sans avoir à se soucier du « monde naturel en dessous ».
Avec ses mains et un couteau pointu, il nettoyait la face enfouie de l’horizon pour commencer l’autodiagnostic. Premier diagnostic, ici dans cette prairie, il ne voyait pas de « limite, » donc « le passage de l’eau et de l’air se fait », ainsi que la faune qui comme l’Homme a « bien fait son travail ». En présence d’une « semelle, on aurait été sur un sol non poreux qui ne permet pas le passage de l’eau et de l’air. Donc une baignoire bouchée qu’on remplit avec la pluie ».
Seule bonne nouvelle alors, il est possible de calculer ce que la parcelle est « capable d’encaisser dans le temps » avant qu’elle déborde et empêche tous travaux. « Cela peut aussi expliquer qu’un beau colza après l’hiver, peut buguer, car il a soudain les racines dans l’eau ». Pour filer encore la métaphore des « pieds dans l’eau », il allait un peu plus loin sur les strates, en parlant de boîtes à chaussures si la motte de terre venait à présenter plusieurs limites ou semelles. En pressant la terre dans sa main pour voir si chaque strate était friable, « cela informe pour statuer s’il faut perforer la partie basale (basse) ». « Dans 15 cm de sol, avec les petits trous, on peut retenir le double d’eau, soit 30 mm restituable à la plante. Tandis qu’avec les gros trous dans le sol, on peut évacuer 15 mm de plus. Ici, on verrait de l’eau à la surface dès 45-50 mm de pluie.
Des fiches et des notes sous forme de smiley
Deuxième critère simple, vérifier la taille des éléments terreux. « S’il fait chaud, froid, sec…, ce n’est pas toujours évident de faire dans le détail donc on appuie délicatement pour voir si on a des éléments terreux entre 1 et 3 mm, optimal car cela veut dire qu’il y a des espaces de la taille d’un cheveu pour que les racines descendent verticalement » et explorent le sol. Dans ce cas, « on ne touche pas mécaniquement son sol ». S’il y a un soupçon de différence entre deux profondeurs, il conseille de prendre une même motte de chaque dans les deux mains, et de presser de la même façon, pour constater sans même regarder, les différences de perception, « apparaissant sans réfléchir » avec un simple ressenti côté résistance de la texture.
Enfin, Christian Barnéoud finissait par observer le « dessus » de son gros bloc de terre pour « voir s’il y a des défauts et si on doit passer un outil ou non, et si oui, lequel, à quelle profondeur, à la bonne vitesse… c’est ça qui fera la bonne décision pour que la situation soit meilleure qu’avant », n’opposait-il pas labour, non-labour ou techniques simplifiées. « Vous avez les cartes en main », concluait-il. « Et les vers de terre qui iront au casse-croûte » aussi. Une fiche sera bientôt diffusée avec une notation de ces critères. Là encore, de façon simple : avec des smileys.