Feu de tout bois (et pas que) contre le gel
Le Vinipôle Sud Bourgogne, en partenariat avec la Cave Millebuis à Buxy, a organisé sa première manifestation technique de l’année sur un thème malheureusement de plus en plus prégnant avec le réchauffement climatique, la lutte contre le gel, en raison d’hiver doux et de débourrement plus précoce. Le 14 mars après-midi à Jully-lès-Buxy, une dizaine de matériels différents était présentée.

Il y avait la possibilité d’échanger avec de nombreux experts, les constructeurs ou vendeurs de matériels, mais également avec plusieurs techniciens du Vinipôle et surtout entre confrères, venus même de la Côte d’Or voisine. On pouvait diviser les solutions en trois. D’abord, les solutions pour prévenir des risques, comme les systèmes d'alerte météo de Sencrop ou la présentation du projet de cartographie climatique par Vineis Projets. Seconde catégorie, les solutions faisant des « barrières physiques » au soleil venant « cramer » le bourgeon à l’aurore. On retrouvait dans cette catégorie, Aquagreen et sa mousse isolante, Vinotex et ses géosynthétiques de protection, Bienesis et son module de protection multi-aléas, Netafim et son système d'aspersion d’eau (et pas que), Vertprotect et son FogDragon ou encore BVdis et ses produits Munoids et Pulsfog avec le K-30 Viti-Protect. Enfin, dernière catégorie présente sur les hauteurs de Jully-lès-Buxy, les systèmes de production de chaleur et systèmes éoliens, avec Agrofrost et ses solutions de protection thermique, la CAMB et ses chauffrettes Filpack Agricole, Soufflet vigne et ses câbles chauffants Proteplan, Frolight et ses câbles infrarouges, Fichet et son système de Ventilo-booster, Berger Viti-Vini et son système Ventigel et enfin Faupin et sa tour mobile 650H. Petit tour des solutions.
Sencrop : La société Sencrop était présente pour présenter ses stations météorologiques connectées, qui peuvent se composer de différents modules : Raincrop pour la pluie, Windcrop pour le vent, Leafcrop pour l’humectation du feuillage, SolarCrop pour l’énergie solaire, Soilcrop pour l’humidité du sol et Thermocrop pour les températures et le gel donc. Chaque module capte plusieurs données et Romain Fauvet et Shan Khan présentaient ici plutôt une association de Raincrop-Thermocrop-LeafCrop à répartir dans les parcelles, dans un nombre dépendant de la topographie et risque de gel. Tous communiquent par ondes (Sigfox) pompant peu d’énergie sur la batterie qui a une durée de vie entre 2 et 6 ans en moyenne. Le vigneron reçoit toutes les 15 minutes sur son interface les données précises. Sencrop fait tourner une vingtaine de modèles de prévision pour faire ressortir celui qui a le meilleur score de fiabilité par rapport à la réalité de la parcelle. L’outil d’aide à la décision ensuite pour agir est basé sur celui de l’IFV, référence en la matière. Les deux commerciaux annonçaient de nouveaux modèles en juin, avec certainement des panneaux solaires pour allonger la durée des batteries et des ondes à plus longue portée pour éviter les box.
Soufflet vigne : Deux solutions complémentaires étaient présentées, avec un cable chauffant et un filet paragrèle, car un aléa n’en chasse pas d’autre. Et même une solution de paillage. Ici, contre le gel, le câble Thermovigne de chez Frico. Le câble se fixe sur un fil porteur, système qui « se répare facilement sans perdition », avec un système de multiple raccordements électriques étanches facilement démontables, explique Marine Gineste, responsable technique nationale, pour les craintifs des coupures. L’objectif du câble ici est de réchauffer le flux de sève, car le halo de chaleur est de 5 cm environ (25°C), sans risque. Ce système est annoncé protéger jusqu’à -8°C, comme en 2021. Pour installer l’armoire électrique nécessaire, Soufflet compte sur des électriciens partenaires agréés. Ce système est bien entendu à coupler avec une solution de météo connectée pour savoir quand le déclencher, 1h30 avant le risque de gel. La solution est garantie 10 ans.
FogDragon : L’appareil porte bien son nom de « Dragon de brouillard », un système de protection double par chaleur et par émission de fumées. Posée sur une remorque à manœuvrer autour d’une parcelle, « couvrant entre 3 et 10 ha », selon l’unique revendeur de France, Mr Simon. Ce genre de poêle à biomasse fonctionne avec du foin, de la paille ou des déchets verts selon la densité de la fumée et la durée que l’on recherche. « La fumée a un intérêt sur les gelées blanches. La chaleur pour les gelées noires. Le système permet de moduler les deux ». Un réservoir de 300 litres vient humidifier et « alourdir la fumée pour qu’elle parte moins vite » de la parcelle s’il y a du vent qui reste « l’ennemi » du FogDragon. Ce système a été développé en Hongrie et est d’ailleurs plus utilisé en arboriculture, en Bretagne, d’où vient Mr Simon. 3-4 petites bottes de paille durent 40 minutes environ et il faut être de retour au même endroit du parcours, toutes les 20 minutes, pour conserver la protection.
Vitichauffe : Tout le monde venait se réchauffer autour du VF8, avec ses 8 bruleurs à Pellets qui alimentent la chaudière principale surmontée d’une éolienne pour diffuser la chaleur sur 1,5 ha, annonce son concepteur. Cet énorme ventilateur existe aussi avec 4 bruleurs (VF4) qui lui peut être installé sur un enjambeur « pour faire plusieurs points de chaleur dans une parcelle à 1m50 de haut » du coup. Le VF8 fait lui près d’une tonne et lorsqu’il tourne, jusqu’à 70 décibelles. Bien penser à prévenir vos voisins. 60 kg de granulés permettent de tenir normalement 6 heures avant recharge. En Bourgogne, c’est la société Fichet qui le distribue, avec ou sans groupe électrogène pour la partie éolienne.
Vinéis Projet : Marc Ouvrié est enseignant en licence pro à l’Institut universitaire Jules Guyot à Dijon et aussi gérant de Vinéis Projet, société conseil spécialisée autour de l’adaptation au changement climatique, notamment en viticulture. C’est dans ce rôle de consultant qu’il a travaillé pour l’ODG Chambolle-Musigny et Morey-Saint-Denis. L’objet de l’étude avec l’Université de Bourgogne était de réaliser une cartographie très fine climatique des deux appellations. Sur plus de 500 ha donc, il a implanté plus d’une centaine de capteurs de températures, d’humidité, de vent… afin de faire « des liens » entre les micro-climats de chaque parcelle et leurs développement végétatif, notamment en termes de précocité, de floraison ou de véraison. De quoi « construire » une cartographie précise des risques de gel ou, à l’inverse, des risque de fortes chaleurs. Ayant depuis restitué le 20 mars, les premiers résultats de son étude aux vignerons des deux appellations, tout l’intérêt sera derrière d’adapter les pratiques de protection, pour définir aussi des stratégies fines pour protéger les « grands crus moins sujets aux gels radiatifs qui touchent les bas de côteaux alors que les gels advectifs, comme en 2021, touchent d’abord les côteaux, eux-même secteur plus précoce. Ou encore selon la topographie ou en sortie de combe », prenait-il pour exemples concrets.
Vinotex : La société Scylla présentait son voile géosynthétique de protection Vinotex. Ces sortes de voiles d’hivernage sont mécanisables (pose-dépose) et réutilisables. « Et se revendent pour les voiries, faisant zéro déchet », rajoute Arnaud Cheront, même si les voiles ont une durée de vie autour de 10 ans. Il faut minimum deux personnes pour installer, une pour lester le voile notamment. Pour enrouler le voile, là, il faut minimum trois personnes pour la manutention. Le gain de chaleur attendu sous ce géosynthétique est estimé entre +1,7 et +1,8°C. Il faut couvrir généralement 2 jours avant l’épisode de gel pour que cette chaleur venant du sol « s’accumule ». Cette dernière disparaissant au fil de la nuit. Ce voile est thermoformé à l’extérieur et doux à l’intérieur pour ne pas abîmer les bourgeons. Des agraphes permettent de maintenir le voile sur la vigne en raison de la prise au vent.
Frolight systems : Un long tube de leds lumineuses. Telle est la solution Frolights qui en réalité agit plutôt par infrarouges pour une protection autour d’environ 30 cm de diamètre. Il ne s’agit pas de chaleur classique mais d’une « chaleur de convection qui n’est pas perdue. Un peu comme la sensation du soleil en hiver, pas chaleur chaude dehors et pourtant ». Les leds éclairantes, outre le joli aspect visuel, permettent surtout de repérer si une section (150 cm) de tube est cassé. La société belge fournit un kit de réparation au cas où. La société belge promet une protection contre les gelées blanches, noires et même en cas de vent en plus. Le système Frolight se branche sur un réseau électrique ou un groupe électrogène. Compter 15 kW pour un ha. Attention toutefois, il faut installer les tubes entre deux fils de palissage, nécessitant donc 100 mètres de tubes pour couvrir une longueur de 80 mètres environ de vigne. Des crochets permettent de maintenir les tubes.
Netafim : Ce système par aspersion d’eau pour protéger les vignes des gelées va-t-il bientôt aussi servir à traiter parfois les vignes contre les maladies. C’est en substance l’évolution que pourrait prendre le système Netafim. Comment ? En raison des buses s’ouvrant à 2,5 bars. « On réfléchit aussi à faire une brumisation en période de sécheresse ». Mais pour lutter contre le gel, il faut déjà compter 45 m3/h en système double jets. Mais seulement 18 m3/h si le jet est orienté uniquement le long du linéaire de vigne. « Il faut toujours démarrer avant la gelée, lorsque la température est positive, autour de +2°C car l’eau va avoir un effet refroidissant ». Un boitier est donc là pour avoir les données (température, point de rosé…) qui peut être programmé pour recevoir une alerte ou déclencher le système. « Les gens préfère démarrer manuellement pour voir la dérive en cas de vent. Par contre, il ne faut jamais arrêter l’eau à la levée du soleil, car sinon il va surgeler le bourgeon ». Pour le stockage de l’eau, tout dépend mais il est conseillé de prévoir une réserve pour 2 nuits d’affilés de gel « souvent consécutives ».
Fil Pack : Initialement proposé contre le gel en arboriculture, la protection Fil Pack vendu par la CAMB existe depuis une vingtaine d’années. Il s’agit d’un convecteur réutilisable puisqu’en inox, garantie 10 ans. Ce contenant est rempli de briques de bois compressés, souvent du hêtre car ne « donnant pas de goût aux aliments » dans le monde agroalimentaire. Attention par contre, cela chauffe fort et il faut se tenir à 8 mètres de distance et ne surtout pas essayer de les déplacer lorsqu’ils sont allumés au risque de se bruler. Les briques compressés ont en effet un pouvoir calorifique plus important et l’autre avantage est de ne pas générer de déchets. Les briques sont toutefois plastifiées pour être stockées, même en extérieur. Il faut compter 200 convecteurs par ha, « deux fois moins que des bougies », pour une durée de combustion durant 5-6 heures. Le convecteur s’allume avec des zip allume feu de barbecue, à la base, qui est, elle, séparé de façon étanche du sol.
Faupin : L’éolienne mobile 650H, distribuée par Faupin, offre une solution pratique et performante pour les viticulteurs. Mobile, elle se tracte derrière un tracteur et ne nécessite ni fondation ni permis de construire. Son ventilateur à cinq pales, actionné par un moteur diesel de 65 ch, brasse l’air efficacement, y compris dans les vallées et sur les coteaux, grâce à une tête orientable à 360°. Équipée d’un démarrage automatique selon la température et pilotable à distance via le système Smart Connect, elle combine simplicité d’utilisation et efficacité. Silencieuse (55 dB à 300 m), la 650H peut aussi servir au séchage des fruits ou au refroidissement du bétail. Un outil polyvalent, pensé pour s’adapter aux besoins des exploitations viticoles modernes.
Bienesis prototype : nous vous l’avions présenté lors des rencontres Inoviti à Prissé début décembre 2024. Bienesis est une toile automatique et intégrée contre les aléas. Après avoir passé trois ans au sein de l’incubateur du constructeur de pneus Michelin, François Lemaire a développé sa propre solution de protection « multi aléas climatiques ». Des « boitiers » de 20x50 cm s’intégrant dans le rang de vigne, autonome en énergie avec des panneaux photovoltaïques. Le déploiement de la toile de protection se fait en cas de risque d’aléas. Trois vignerons de Côte d’Or teste la solution contre le gel, la grêle, l’échaudage, le lessivage des produits en cas de fortes pluies… « réduisant les pertes en 2024 à seulement -10% de rendement (45 hl/ha contre 50 visés), alors qu’à côté le rendement est tombé à 20 hl/ha) », soutient-il. L’IFV et la chambre d’Agriculture de Côte d’Or suivent l’expérimentation. Même si l’OAD se sert de capteurs dans les parcelles pour déclencher l’alerte, le vigneron reste maître de déclencher le déploiement bidirectionnel. La toile bipente couvre une longueur de 6 m de vigne (2x3 m).