Accès au contenu
Portes ouvertes Farminove SENOZAN
Les femmes, le vin et la tradition familiale en Bourgogne

Génération Femmes

« Des Hommes et du vin, oui mais avec un grand H », rappelait la présidente de la Chaire Unesco de Bourgogne, Jocelyne Perrard, en présentant Anne Parent, venue témoigner de la place des femmes dans la tradition familiale en Bourgogne. « La filière s'ouvre de plus en plus aux femmes », admet la propriétaire du Domaine du même nom sis à Pommard. Anne Parent reste, à ce jour, la seule femme siégeant au conseil d'administration du BIVB, en qualité de vice-présidente de la commission Communication.
Par Publié par Cédric Michelin
Anne_Parent.JPG
Avec sa sœur Catherine, Anne Parent dirige le Domaine Parent à Pommard, domaine familial fondé au XVIIe siècle et qui s'étend aujourd'hui sur 10 ha, auquel s'ajoute une activité de négoce. Dans la lignée de douze générations de viticulteurs, Anne Parent est cependant la première femme à diriger le domaine. « La deuxième révolution française en quelque sorte », aime-t-elle à plaisanter.
Égale des hommes sans l'ombre d'un doute, Anne Parent se sent vite cependant « un peu seule » dans cette filière, dominée, il est vrai, par les hommes. « Notion de jugement, d'ironie parfois et liberté d'expression » dans les deux sens, lui font ressentir le besoin « de se regrouper » avec d'autres collègues Femmes. En 2000, l'association "Femmes et vins de Bourgogne" voit le jour avec « des vinificatrices pour la plupart ».

La fin d'un tabou



« La fin d'un tabou remontant à la Bible », estimait-elle, citant (Juges 13.14): « Elle ne goûtera d'aucun produit de la vigne, elle ne boira ni vin ni liqueur forte, et elle ne mangera rien d'impur ». Misogyne ? Loin d'elle de le penser mais plutôt quelques observations hygiénistes avant gardistes, serait-on tenté de dire (les sourates du Coran sont similaires...). Anne Parent poursuivait donc sur : « l'incompatibilité du vin avec la fonction reproduction ; le sang menstruel risquant de souiller le divin breuvage, assimilé alors à un blasphème et le vin qui était aussi réservé à des femmes de petites vertus ». Des explications éclairant sur l'interdiction aux femmes de pénétrer dans les cuveries. « Ceci dit, les femmes ont toujours participé aux travaux viticoles », remarquait-elle. La Bourgogne pionnière en la matière voit les mentalités évoluer. Femmes célèbres (Clicquot, Pommery...) et femmes œnologues (Nadine Gublin...) n'empêchent pas une réalité familiale « plus compliquée ». En effet, s'il n'y avait pas de descendance mâle, « les terres étaient vendues ou mises en location ». La présence d'un fils rendait obligatoire la reprise pour la « pérennité du nom ». « L'idéal alors était qu'un viticulteur de la Côte de Beaune se marie avec une viticultrice de la Côte de Nuits », expliquant aussi et par la-même le morcellement de la Bourgogne viticole.
Mais de tout temps, la citation d'Isabelle Forêt semble véridique : « derrière les plus grands vins de France, se cache une femme » et d'autant plus depuis que les « femmes vont à l'école, assument et sont compétentes ».

Complémentaire de l'homme



Des femmes dans les vignes, en cuveries mais aussi des femmes consommatrices. « La consommation de vin s'est également émancipée. Les femmes boivent du vin et parfois, dans certains pays, dans des proportions supérieures aux hommes ». Il prenait l'exemple du Japon « où cela est considéré pour une femme comme plus élégant que de boire de la bière ou du saké. C'est aussi un marqueur du rang social ». En France, près de 78 % des vins sont achetés en GMS, majoritairement par des femmes.
Anne Parent était pressée de retrouver ses cuves « car c'est comme une grande maternité : mélange de grande passion et de devoir », surtout en cette fin de vendanges 2010. Une réalité du quotidien qui lui fait ne pas oublier les « difficultés rencontrées, comme soulever un tonneau... ». Mécanisation et équipe l'aidant à faire son vin. Mais n'allez pas lui dire qu'elle « fait un vin féminin », car, pour elle, « c'est un commentaire péjoratif et illusoire. Un vin peut être fin et soyeux et fait par un homme ». Elle reconnaît cependant qu'en plus « d'être bon en vinification, en viticulture, il faut les mêmes qualités que les hommes mais pas avec la même sensibilité. Nous sommes complémentaires des hommes ». Un équilibre loin du cliché de la « la MLF des vins » qui aurait pu coller à l'association "Femmes et vins de Bourgogne". Ces « représentantes légitimes de la Bourgogne » recensent, s'entraident, donc dégustent et échangent des méthodes sur les cultures et la vinification. Un moyen de plus pour ne « pas perdre en France la culture du vin ».
« C'est important et indispensable. Les femmes sont des excellents vecteurs de communication, dans un rôle pédagogique, et pas seulement pour des arguments marketing servant à vendre », explique celle qui veut « être reconnue en tant que vinificatrice et non en tant que femme ». Elle concluait en remarquant dans l'étude très sérieuse de Viniflhor qui démontre que « plus une femme est amoureuse, plus elle aime le vin. Donc messieurs, vous savez ce qu'il vous reste à faire... ».