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Tech&Bio Grandes cultures

Gérer les adventices

Tech&Bio Grandes cultures s'est déroulé fin mai à Aiserey. Retour
sur l'une des thématiques abordées lors de cette journée technique.
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La principale difficulté rencontrée par les céréaliers bio est le contrôle des adventices. C’est ce qu’expérimentent les chercheurs, et c’est aussi ce dont ont témoigné des agriculteurs récemment convertis à la bio, et qui ont décidé de mutualiser leur matériel pour faire face aux charges de mécanisation. Pour les bio comme pour les conventionnels qui décident de baisser leur IFT, l’impasse sur la solution "désherbage chimique" est l’un des plus gros défis techniques en grandes cultures.
Lors de l’édition 2016 de Tech-n-Bio "Grandes cultures" à Aiserey le 27 mai, un pôle spécial était consacré à cette problématique. Du côté des agriculteurs, ce sont trois exploitants de la Cuma du Chatillon (89) qui partageaient leur expérience. Déjà adeptes du sans-labour depuis plusieurs années, ils sont passés à l’agriculture biologique entre 2008 et 2010.

Allonger d’abord la rotation


Mieux valant prévenir que guérir, dans un premier temps il a fallu allonger la rotation (voir encadré) pour diminuer les populations adventices. « Nous avons installé deux années de luzerne en tête de rotation, notamment depuis l’arrêt en 2010 de la production de betterave sucrière », témoignait le président de la Cuma, Benoît Maury.
L’alternance des cultures d’hiver et de printemps a ensuite permis de « démarrer sur un sol propre ». Restait à s’équiper en "moyens curatifs" : la Cuma s’est progressivement dotée de deux herses étrille Hatzenbichler, de deux bineuses Gardford à différents écartements (40 rangs à 15 cm, 12 rangs à 50 cm), d’une écimeuse Richard Breton, d’un semoir à disque Lemken, d’un semoir monograine Kuhn, en plus des nombreux outils de travail du sol (décompacteur, chisel, déchaumeurs...). La vente du pulvérisateur a également permis d’investir dans une interface de guidage avec caméra Gardford couplé à un système de guidage centimétrique RTK. Pour le tri des méteils, la Cuma possède aussi un séparateur. « Tout seuls, nous n’aurions jamais pu avoir accès à une telle diversité de matériel », témoigne Jean Conseil, associé dans la Cuma.

Intervenir dans les fenêtres praticables


En plus de limiter l’investissement personnel dans le matériel, cette mise en commun a permis d’optimiser le confort de travail et de rentabiliser les fenêtres praticables : en effet, l’intervention mécanique dans les parcelles est limitée par les conditions météorologiques. « Quand je suis absente mais qu’une fenêtre météo se profile pour un passage de herse étrille », témoigne Mathilde Maury, récemment installée avec son père, « le voisin peut prendre le matériel et passer dans toutes nos parcelles. Et on trouve rapidement le moyen de lui rendre la pareille ! ».
Car il s’agit surtout de ne rater aucune chance de faire du préventif : « l’idée n’est pas de compter sur sa bineuse et de remettre tout l’espoir au printemps : Idéalement, il faut semer sur un sol propre ! ».
Déchaumages et faux-semis se succèdent pour optimiser les chances de contrer l’enherbement, quand c’est possible. La Cuma, c’est donc dans ce cas plus qu’un partage de matériel : c’est une mise en commun des ressources humaines. « A ce stade, les fenêtres d’intervention étant réduites pour la herse étrille notamment, il faut absolument travailler sur la communication au sein de la Cuma ».





Introduire des cultures de printemps


Le réseau Artemis a mis en place une expérience pluriannuelle sur le contrôle des adventices. A Evry et à Nitry dans l’Yonne, les expérimentateurs ont essayé de contrôler les adventices en tout chimique, en tout mécanique, et en mixte. Ces trois modes ont été répétés dans une rotation courte (colza, blé, orge) et dans une rotation longue (introduction de tournesol et d’orge de printemps). En cours de campagne, les infestations de vulpin et de vulpie ont été notées. Résultat : si le contrôle tout chimique est relativement efficace par rapport au tout mécanique dans la rotation courte (50 pieds/m² contre 100 environ en tout mécanique), c’est sans commune mesure avec les résultats obtenus dans la rotation longue : moins de 5 pieds/m² quelle que soit la méthode de lutte employée. L’introduction de cultures de printemps permet de casser l’utra-spécialisation de la flore adventice.





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Les coulisses de l'évènementLe bio fait réfléchir


Pierre Carmantrand, ici à gauche aux côtés de Michel Ladérach, ancien responsable Bio à Dijon Céréales, participe à toutes les éditions de Tech&Bio depuis sa création. Cet agriculteur bio exerce à Lons-le-Saunier dans le Jura : « je constate qu'un certain nombre d'agriculteurs conventionnels ont fait le déplacement : le bio fait visiblement réfléchir. Quand le blé était à 200 €/tonne, le bio faisait presque rire certains, ce n'est plus du tout le cas aujourd'hui, à l'heure où il est difficile de financer sa campagne. Oui, il y a peut-être quelque chose à faire en bio... J'aime bien ce rendez-vous dans lequel il y a toujours des choses à apprendre. Je suis en agriculture bio depuis quinze ans et il est important de s'intéresser aux nouvelles techniques, aux nouvelles tendances ainsi qu'au matériel. Ce que je retiendrai le plus cette année ? Sans doute les essais culturaux, particulièrement jolis et bien réussis, plusieurs variétés me paraissent intéressantes ».






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S'attaquer aux IFT


Agriculteur à Barges au sud de Dijon, Damien Baumont s'est déplacé à Aiserey pour se renseigner sur les nouvelles techniques alternatives, notamment sur les thématiques du semis et du désherbage : « les nouvelles MAEC impliquent une diminution de l'IFT désherbant. Je suis venu voir ce qu'il est possible de faire avec ma Cuma. L'objectif premier serait de passer en semis de précision, avec des inter-rangs assez larges pour pouvoir biner, notamment dans les cultures de colza et surtout en moutarde dans laquelle nous commençons d'avoir de sérieuses difficultés de désherbage. Un matériel adéquat est nécessaire et je profite de cette exposition pour aller à pêche aux idées... La bineuse de six mètres, 15 rangs avec espacement de 40 cm a l'air intéressante ». Une herse étrille a également attiré l'attention de Damien Baumont : « la chambre nous en avait mis une à disposition pour réaliser des tests en désherbage. Nous souhaiterons désormais en essayer une dans le cadre des faux semis ».





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Journée découverte pour les jeunes


Quelques groupes scolaires étaient à Aiserey. Quatre jeunes de Haute-Saône faisaient part de leur enthousiasme devant le matériel en exposition. « Nous sommes quatre futurs agriculteurs, ce rendez-vous valait vraiment le déplacement. Nous découvrons du matériel dédié à l'agriculture biologique. Si plus tard nous décidons de nous lancer dans ce type d'agriculture, nous aurons déjà une idée du matériel à utiliser », relève Tom Figard. Pour Jérémy Decard, les bineuses et autres herses étrilles présentées donnent une certaine ouverture d'esprit : « nos stages se déroulent en agriculture conventionnelle alors nous découvrons des choses nouvelles aujourd'hui. Travailler avec ce type de machines est de plus en plus tendance, il est intéressant de les connaître. Le bio a t-il de l'avenir ? Oui, certainement, même si à mon avis, il ne faut pas faire uniquement du bio ». Axel Vieille-Mecet, lui, retiendra les témoignages d'agriculteurs : « les conférences que nous avons suivies donnent du crédit à tout ce que nous avons pu voir. Tech&Bio est très instructif ». Victor Boisson aura pour sa part appris plusieurs techniques qui permettront de « mûrir certaines réflexions » pour sa future exploitation.



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