La Scène Bourguignonne.com
Gran Kino - 1989
On peut dire qu'en concevant 1989, le groupe Gran Kino a créé un album
musicalement responsable, produisant une rétrospective aussi hétéroclite
qu'engagée d'une année mondialement décisive. Mettre l'Histoire, la
grande comme la petite, des enjeux géo-politiques au jeu sportif, en
musique : quelle drôle d'idée. Comment, dès lors, le groupe Gran Kino
a-t-il réussi à gagner cet étrange défi sonore ?
musicalement responsable, produisant une rétrospective aussi hétéroclite
qu'engagée d'une année mondialement décisive. Mettre l'Histoire, la
grande comme la petite, des enjeux géo-politiques au jeu sportif, en
musique : quelle drôle d'idée. Comment, dès lors, le groupe Gran Kino
a-t-il réussi à gagner cet étrange défi sonore ?
Tout simplement en choisissant d'élaborer un album participatif : plus de trente artistes ont, à un moment donné, mis la main à la pâte de 1989 - c'est-à-dire en posant leur voix, en déposant leur son, en enrichissant l'album de leurs idées et de leur talent : Juan Huevos, Damny de La Phaze, Papa N'Dieye, David Courtin, Jane Ehrhardt, G.W. Sok, Akido Ando, Clare Manchon, Matador et les Tambours du Bronx, Arpad Bella, Burns et Convertino des Calexico, Naïm Amor, la chorale du Scherzo...
Tout cela, bien entendu, fait voler en éclats les fenêtres étroites et opaques des "genres" musicaux. Et tout cela, à l'écoute, se révèle, et c'est ce qui fera que l'on aime ou que l'on n'aime pas 1989, vertigineux : onze titres, en français, en anglais, entraînant, lancinant, chanté, rappé, mélodieux, dissonant, décalé. Chaque titre, et c'est ce qui est, à mon sens, l'atout musical majeur de 1989, une surprise pour celui qui l'écoute. Un conseil, avec Gran Kino : ouvrir l'oreille, et plutôt deux fois qu'une, c'est-à-dire prêter attention à toutes les subtilités musicales de l'album, superbement enregistré et masterisé, mais aussi... faire preuve d' « ouverture » - d'esprit, bien sûr.
L'album commence avec un titre – « I Love Tennis » qui est un premier tour de force : anglais, rappé, sportif. Puis les étranges étrangetés s'enchaînent : « Mei Li » évoque la Révolution étudiante à Pékin, de la voix ferme et convaincante de Damny, « Payer/Lightness » est une incantation douce et puissante qui mêle n'goni et piano sur fond de Sénégal... Arrêtons-nous sur « Pitié » : le thème, l'assassinat des Ceaucescu le jour de Noël, la voix, celle de David Courtin, d'un convaincant à faire pleurer, la musique... d'un sautillant (très très) dérangeant. En somme, un décalage fort et assumé entre texte et musique, et qui, bien entendu, fait toute la beauté du titre.
Puisque surprise systématique il y a, autant ne pas l'émousser... Ainsi, plutôt que de faire une liste forcément fastidieuse des onze titres de l'album, mettons par exemple l'accent sur la beauté des « ballades » et des voix féminines dans « Microwaves and Dishwaters » (mon coup de cœur, superbe titre chanté par Jane Ehrhardt), « Showa Tenno » et « Gameboy » - et l'on n'oubliera pas, évidemment, la dextérité digitale de Sara de Sousa, pianiste du groupe... Sensibilité et sensualité qui réussissent, faut-il le dire, à « alléger » l'album, à ménager, entre deux titres « engagés », des respirations salutaires. Le finale ? « Sergio mon amour » est une envolée calme et puissante, où la voix de Joey Burns, envoutant, murmurant, se mêle, explose avec le filet des voix de la chorale du Scherzo... Quand Calexico rencontre le Mâconnais, le tout sur fond de western spaghetti : dernier tour de force, et pas des moindres.
1989 joue donc avec nos nerfs auditifs et les assouplit merveilleusement : pas de confort générique – on nous ballade entre les styles avec un certain amusement et une dextérité certaine -, une richesse musicale à couper le souffle – je préfère prévenir : 1989 est de ces albums qu'il faut écouter plusieurs fois pour l'apprécier -, et une « morale » simple, efficace, sincère et convaincante : la musique sans rencontre n'est rien, la musique sans expérimentation et sans audace n'est rien, la musique sans « message » (si discret soit-il, si décalé se présente-t-il) n'est rien. Amen.
Tout cela, bien entendu, fait voler en éclats les fenêtres étroites et opaques des "genres" musicaux. Et tout cela, à l'écoute, se révèle, et c'est ce qui fera que l'on aime ou que l'on n'aime pas 1989, vertigineux : onze titres, en français, en anglais, entraînant, lancinant, chanté, rappé, mélodieux, dissonant, décalé. Chaque titre, et c'est ce qui est, à mon sens, l'atout musical majeur de 1989, une surprise pour celui qui l'écoute. Un conseil, avec Gran Kino : ouvrir l'oreille, et plutôt deux fois qu'une, c'est-à-dire prêter attention à toutes les subtilités musicales de l'album, superbement enregistré et masterisé, mais aussi... faire preuve d' « ouverture » - d'esprit, bien sûr.
L'album commence avec un titre – « I Love Tennis » qui est un premier tour de force : anglais, rappé, sportif. Puis les étranges étrangetés s'enchaînent : « Mei Li » évoque la Révolution étudiante à Pékin, de la voix ferme et convaincante de Damny, « Payer/Lightness » est une incantation douce et puissante qui mêle n'goni et piano sur fond de Sénégal... Arrêtons-nous sur « Pitié » : le thème, l'assassinat des Ceaucescu le jour de Noël, la voix, celle de David Courtin, d'un convaincant à faire pleurer, la musique... d'un sautillant (très très) dérangeant. En somme, un décalage fort et assumé entre texte et musique, et qui, bien entendu, fait toute la beauté du titre.
Puisque surprise systématique il y a, autant ne pas l'émousser... Ainsi, plutôt que de faire une liste forcément fastidieuse des onze titres de l'album, mettons par exemple l'accent sur la beauté des « ballades » et des voix féminines dans « Microwaves and Dishwaters » (mon coup de cœur, superbe titre chanté par Jane Ehrhardt), « Showa Tenno » et « Gameboy » - et l'on n'oubliera pas, évidemment, la dextérité digitale de Sara de Sousa, pianiste du groupe... Sensibilité et sensualité qui réussissent, faut-il le dire, à « alléger » l'album, à ménager, entre deux titres « engagés », des respirations salutaires. Le finale ? « Sergio mon amour » est une envolée calme et puissante, où la voix de Joey Burns, envoutant, murmurant, se mêle, explose avec le filet des voix de la chorale du Scherzo... Quand Calexico rencontre le Mâconnais, le tout sur fond de western spaghetti : dernier tour de force, et pas des moindres.
1989 joue donc avec nos nerfs auditifs et les assouplit merveilleusement : pas de confort générique – on nous ballade entre les styles avec un certain amusement et une dextérité certaine -, une richesse musicale à couper le souffle – je préfère prévenir : 1989 est de ces albums qu'il faut écouter plusieurs fois pour l'apprécier -, et une « morale » simple, efficace, sincère et convaincante : la musique sans rencontre n'est rien, la musique sans expérimentation et sans audace n'est rien, la musique sans « message » (si discret soit-il, si décalé se présente-t-il) n'est rien. Amen.