Hommage à Raymond Juillard
Gratitude et émotion
Résistant et ancien déporté, témoin des horreurs du nazisme, humaniste : un hommage a été rendu à Raymond Juillard, mercredi dernier, au lycée viticole de Davayé, auxquels se sont joints d'anciens élèves qui ont préparé le Concours national de la Résistance et de la Déportation en 2009. Ils sont venus témoigner auprès des 240 élèves du lycée de ce que leur a transmis Raymond Juillard et ont honoré sa mémoire l'après-midi à ses funérailles. De grands instants de gratitude et d'émotion. Ils n'oublieront pas son message, tout comme leurs enseignantes qui continueront à le transmettre.
Lettre ouverte à M. Raymond Juillard, Résistant et Ancien Déporté, Témoin des horreurs du nazisme, Humaniste.
Nous sommes attristés par votre décès. Nous ne vous oublierons pas. Vous avez rencontré plusieurs générations de lycéens du Lycée Agricole Lucie Aubrac, des rencontres poignantes et inoubliables, gravées en nous à tout jamais. Vous vouliez témoigner, témoigner toujours et encore, pour que l'infâme n'arrive plus, pour que les générations suivantes prennent le relais du devoir de mémoire.
Dire l'indicible et la tolérance
Nous avons lu et étudié votre livre La caisse de grenades qui témoigne de votre terrible expérience des camps de concentration. Vous nous avez transmis l'indicible, mais aussi, paradoxalement, le goût de la vie, la curiosité de l'autre, le courage de dire "non" quand les valeurs républicaines sont en danger. Jusqu'au bout, vous avez parcouru le monde toujours en quête de la beauté aussi bien des âmes que de la nature, préoccupé notamment par les dégats causés sur la nature par la folie de l'homme, en vrai humaniste de votre temps.
Votre message de tolérance envers les peuples était sans relâche. Malgré vos souffrances traversées derrière les barbelés, vous n'aviez aucune aigreur, aucune haine. Et grâce à vous, nous savons où mènent l'intolérance, l'indifférence et le racisme : à Buchenwald...
C'est aussi la solidarité dans les camps que vous mettiez au coeur de votre témoignage : comme partager la soupe, donner une cuillère chacun afin de faire une gamelle pour sauver un camarade. Témoigner de l' importance de l'entraide dans les pires moments était pour vous l'occasion de dire que sans la solidarité, vous n'auriez pas pu survivre et le nazisme aurait gagné.
Nous n'oublierons pas votre modestie, vos paroles humbles. Nous retiendrons votre leçon d'optimisme, sur les pas de Lucie Aubrac, votre générosité, votre gentillesse, votre ouverture aux jeunes...Vous ne vouliez jamais passer pour un héros, ce que vous êtes pourtant à nos yeux, insistant sur la chance qui vous avait permis de survivre, rappelant, l'anecdote incroyable d'avoir été sauvé par un médecin écossais qui vous choisit en vous mettant une croix sur le front parmi de nombreux autres tuberculeux.
Prendre le relais de la transmission
Pour vous, les survivants de l'enfer concentrationnaire avaient le devoir de mémoire pour ceux qui n'avaient pas eu la chance de revenir ou qui étaient ensuite décédés. C'est pour cela que lors de vos visites, vous présentiez l'habit rayé d'un ami déporté... Vous témoigniez en son nom aussi.
Jusqu'a u bout, vous avez été proche des jeunes, il y a 15 jours encore, vos yeux pétillaient devant la photo de lycéens vous entourant en mars 2012 à la préparation du concours de la Résistance et la Déportation au lycée de Davayé, et vous vous réjouissiez à l'idée de rencontrer chez vous cette fois, nos élèves qui participeront au concours cette année.
La nouvelle génération, celle que vous avez rencontrée : Simon, Marie, Pierre, Emeline, Clarisse, Paul..., a conscience de devoir prendre le relais de votre parole et de votre mémoire : transmettre l'expérience la pire de l'histoire des hommes sans oublier de transmettre aussi la tolérance et le goût de l'engagement humaniste, pour que "jamais plus d'autres générations doivent combattre comme vous pour restaurer la liberté".
Muriel Bonnard et Isabelle Blaha ( Enseignantes du lycée Lucie Aubrac, au nom de tous leurs élèves )
Les souvenirs du passé ne seront pas égarés,
L'engagement, les combats ne seront pas oubliés,
Nous avons maintenant conscience d'une réalité,
Qui nous était depuis trop longtemps voilée.
Une vérité que nous connaissons grâce à vous,
Un homme au grand coeur et humble avant tout,
Une conviction permettant de briser le verrou,
D'une période douloureuse restée trop longtemps floue.
Une gratitude sans faille, un enseignement sans fin,
Des générations à instruire, un passé dont elles auront besoin,
Pour grandir, évoluer et emprunter un doux chemin,
A l'écart de la douleur, de la peur, pour un futur serein.
Clarisse JAUFFRET