Hacher menu l’export
demandé à Marc Pagès, directeur adjoint d’Interbev, de faire le point
sur les dossiers nationaux tels que l’accord aval équarrissage, la
dénomination des morceaux de viande, la dématérialisation des documents
d’accompagnement des ruminants, l’accord "Achat enlèvement" ou encore
sur les tests de nouvelles grilles de cotations. Un débat s’engageait également autour
des marchés, dont celui de l’export de broutards vers l’Italie.
Une question macroéconomique "existentielle" alors que le marché italien « s’essouffle, mais reste notre premier marché ». Président de Charolais Horizon, Guy Fonteniaud rajoutait le fait que « la France importe des vaches et des JB engraissés ».
La Grande distribution hésite
Mais comment faire pour reconquérir ces parts de marchés ? Solution avancée, la mise en place en Bourgogne d’un « plan de contractualisation pour la finition des jeunes animaux de moins de 24 mois (babys, babynettes) faisant tourner des abattoirs régionaux, avec une caisse abondée par des fonds publics pour sécuriser l’éleveur, en lui garantissant une valeur minimum de sortie », résumait Emmanuel Bernard. Mais la grande distribution posait toutefois la question de « l’adéquation de tels "produits" », puisque peu de consommateurs français mangent de la viande rouge claire.
Du JB charolais pour haché ou…
Le directeur adjoint de l’Interprofession, Marc Pagès, commençait par rappeler que 45 %, contre 39 % en 2011, soit 189.000 tonnes équivalent carcasse (tec) de la viande consommée en France proviennent de JB, « essentiellement laitiers », glissait Jean-Pierre Fleury, président d'Interbev Bourgogne, « mais la courbe s’est inversée avec la raréfaction des vaches de réforme, compensée actuellement par du JB ».
Hors le produit carné le plus consommé en France reste le steak haché et « ce n’est pas pareil de remplacer la vache laitière par du "minerai" de JB laitier ou charolais ». Les transformateurs industriels ont besoin de bêtes « jeunes et grasses ». « Des femelles bien finies à 3 ans, il n’y en a pas beaucoup, hormis chez les anciens éleveurs », notait le représentant d'Auchan.
La faute à la "cueillette" ?
Baisse du marché italien, hausse du haché laitier… Difficile d’avoir une visibilité pour les éleveurs. Pour Marc Pagès, « la vraie problématique de la filière est que le principe de la cueillette y est bien ancré. Si ça rapporte, il n’y a pas de raison que les éleveurs ne le fassent pas, mais derrière, lorsque les marchés broutards freinent, on se retrouve alors sans débouché ». Pourtant, « ce n’est ni envisageable, ni souhaitable, de faire du steak haché industriel à 100 % contractualisé ». Equilibrer et surtout diversifier les canaux de ventes des bêtes semble donc à privilégier. Pour changer de circuits, « entre 15 et 30 % des volumes contractualisés permettrait d’avoir du poids sur les marchés », analyse Emmanuel Bernard.
Autonomie, modernisation, engraissement
Mais qui dit contractualisation, dit coûts de production pour l’éleveur. Ce dernier point fait partie des thèmes majeurs identifiés par la chambre d’agriculture de Bourgogne pour, « urgence des urgences », permettre le renouvellement des générations. Jean-Pierre Fleury listait les autres axes retenus :
- la compétitivité des exploitations « avec l’enjeu sur l’autonomie fourragère, mais aussi l'autonomie protéique, celle en céréales, en paille… » ;
- les coûts de production nécessitant les données Cheptel (EDE), commerciales (OP) et économiques (centres de gestion) ;
- la modernisation des exploitations « qui dépasse le seul plan Bâtiment avec notamment les énergies » ;
- enfin l’engraissement.
Segmenter les produits et les filières
Possible à condition que la distribution joue le jeu. Représentant l'enseigne Auchan, Gilbert Garnier est partisan d’adhérer à une filière (race…) : « les filières régionales garantissent l’achat et le travail des éleveurs avec un débit constant. Nous sortons 140 à 160 bovins charolais par semaine. Bien mis en avant, notre groupe Schiever distribue un steak haché issu d'animaux nés, élevés en Bourgogne, faisant de meilleures ventes que ceux de Bigard. Il y a la clientèle pour les deux produits ».
Si la guerre des prix entre grandes enseignes et grandes marques fait rage sur ces produits hachés d’appel, Jean-Pierre Fleury note en parallèle « une vraie évolution » de la grande distribution qui va « sur le traditionnel avec le recrutement de bouchers professionnels », permettant de rechercher de la valeur ajoutée.
Vers une jurisprudence "Achat et enlèvement"
La directrice d’Interbev Bourgogne, Isabelle Tisserand, rappelait l’impartialité de la Commission de conciliation. Sur sept demandes, les trois familles professionnelles se sont penchées sur quatre dossiers entre mai et octobre. Deux dossiers ont été solutionnés. Dans le cas où il n’y a pas d’accord, les dossiers passent devant les tribunaux. Marc Pagès expliquait l’objectif final de cet accord interprofessionnel "Achat et enlèvement" : « mettre en place de la jurisprudence » et ainsi accélérer la conciliation des futurs litiges similaires. Car ces sentences ne permettront pas à Interbev d’obliger un quelconque paiement.
Steak trois étoiles
L’Interprofession mène un travail sur la dénomination des morceaux de viandes. « Certains morceaux en viande de bœuf ne veulent plus rien dire pour les consommateurs ». Interbev ne compte pas changer les noms des morceaux dans les boucheries et les rayons traditionnels car un « boucher est là pour les informer ». Les changements porteront sur les étiquettes des barquettes de viande en libre-service. Steak, rôti, entrecôte, filet… seront « maintenus », mais les morceaux « peu connus » seront étiquetés « sous des appellations génériques » et « des niveaux qualitatifs ». Les steaks 1, 2, 3 étoiles vont donc apparaître sur les étales en libre-service. Ce système est prévu pour 2014, mais un travail « laborieux » se poursuit sur le cahier des charges définissant les règles de découpe, de présentation… pour que les consommateurs comprennent. Un travail en lien avec les entreprises et les points de ventes.
Moderniser les documents d’accompagnement
Côté dématérialisation des documents papiers d’accompagnement des ruminants, la Bourgogne fait mieux que les Pays de Loire ! Sur les 9.117 inscrits, 3.420 utilisent Interbev Normabev et 2.000 autres connexions sont enregistrées par mois via les extranet des coopératives ou de Bigard… pour retrouver sous 24 heures leurs données d’abattage, par exemple. Marc Pagès expliquait « vérifier qu’on simplifie, sans rajout de coût ». Pour les bovins, la dématérialisation se fait en même temps que l’identification électronique, ce qui crée un « blocage » de la FNGDS, laquelle « veut sa propre base de données » pour assurer la traçabilité.
Communiquer pour faire consommer
Rien qu’entre mai et octobre, Interbev Bourgogne a fait à maintes reprises la promotion des viandes et de la filière régionale : concours de Saulieu, Semaine du Patrimoine, Sommet de l’élevage à Cournon… Prochainement, Interbev Bourgogne participera à la Foire gastronomique de Dijon (200.000 visiteurs attendus), sera présent au symposium de l’association Autrement (1.000 médecins adhérents), relancera l’opération "Bœuf bourguignon" avec Charolais de Bourgogne, animera une journée "Agneau presto", prépare une conférence sur les apports protéiques à destination des diététiciens à l’Institut charolais, organise un concours de vitrine de boucherie lors du Festival du bœuf à Charolles, sans oublier le Salon international de l’Agriculture à Paris… Des communications vers les consommateurs et vers les prescripteurs d’opinions pouvant influencer la consommation, qui commence également dès le plus jeune âge, avec des animations pédagogiques (restauration collective, "Leçons des brochettes du goût").
Interbev a décidé d’accentuer une communication transversal multi espèce. L’Interprofession se défend également sur Internet « pour contrer tous les faux messages » et mise sur un site Internet bien référencé dans les moteurs de recherche pour informer sur des thématiques liées à la viande (abattage, diététique…). Plus réelle, Interbev prépare également la tenue d’une "semaine nationale" sur la filière élevage et viande, avec des portes ouvertes pour faire découvrir « tous les métiers de la filière viande » (élevage, centres d’allotement, abattoirs, boucheries, GMS…). La date n’est pas déterminée encore.
Enfin, Interbev espère mettre en place des "repères de consommation" (5 fruits et légumes par jour ; 3 produits laitiers…) qui n’existe pas pour l’heure. Ce repère devra être cautionné par la communauté scientifique.
Economiser sur l’équarrissage
Au sujet de l’équarrissage (ATM), jusqu’au 1er octobre, les filières bovine et ovine s'acquittaient d'une taxe d’abattage pour prendre en charge une partie des coûts des équarisseurs. La facture avoisinait les 100 millions d'€ par an pour ramasser la totalité des cadavres. En transformant cette taxe en CVO aval, Interbev fait désormais des appels d’offre, auparavant impossibles, et pourrait ainsi réduire la facture avec la mise en concurrence et la disparition des frais de gestion de l’Etat.
Toujours pour améliorer l’économie de la filière, Interbev fait pression pour supprimer certains critères franco-français. « Depuis l’affaire du sang contaminé, les ministres ont peur d’être rattrapé par la patrouille et ils ont la pétoche de supprimer les tests ESB. La décision se prendra à Matignon donc », notait Marc Pagès.
Autre sujet épineux qui ne se négocie pas au ministère de l’Agriculture, mais cette fois-ci au ministère de l’Intérieur, le délicat dossier des abattages rituels. « C'est dans les tuyaux, mais Interbev est contre ».
Enfin, toujours au sujet de la compétitivité de la filière, Interbev fait pression pour que la filière viande ne paie pas l’Ecotaxe sur les transports, « comme vos collègues laitiers. La percée bretonne va nous aider ». Plus régionalement, Interbev travaille à la rédaction des cahiers des charges avec la Draaf Bourgogne pour adapter le code des marchés publics et permettre un approvisionnement à base de viande charolaise de Bourgogne, pour la restauration hors domicile (RHD).
Un Projet d’atlas est aussi en cours pour dépeindre la diversité de l’élevage tout en expliquant « à la société civile, les services rendus par l’élevage ».