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Avenir de la production bovine

« Il faudra être techniquement productif ! »

A l’heure de la nouvelle Pac et dans un contexte d’érosion du potentiel de production, l’avenir des exploitations passe par une remise au goût du jour de la technicité. Si les anciennes politiques agricoles et la course à l’agrandissement avaient mis à mal la productivité des élevages, désormais l’acte de production est réhabilité. C’est en tout cas la démonstration que fait, chiffres à l’appui, Hubert Brivet du CERFrance 71.
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La dernière assemblée générale du GDS s’est achevée sur une intervention technico-économique, marquant ainsi l’attachement du groupement à la formation et à l’accompagnement technique des exploitations. Dans un contexte d’érosion du potentiel de production (lire encadré), Hubert Brivet du CERFrance 71 a donné des pistes pour optimiser la production des exploitations. Pour ce faire, s’appuyant sur les chiffres issus des comptabilités, il s’est attaché à montrer comment certains éleveurs s’en tirent mieux que d’autres sur le plan technico-économique. Et il s’avère que ce sont justement ceux dont les ateliers sont les plus productifs.
L’analyse économique des exploitations met en évidence de gros écarts entre elles. Des écarts qui « sont avant tout liés à la production ; les charges ne jouant finalement qu’un rôle mineur en comparaison de la quantité de viande produite », annonce d’emblée Hubert Brivet.
Si le revenu moyen était de 20.000 € en 2012, il faut savoir que 25 % des exploitations parvenaient tout de même à atteindre 46.000 €, tandis que d’autres ne dégageaient aucun revenu.

Comparer les coûts de production


Pour mieux comprendre ces disparités entre exploitations, les analystes calculent régulièrement leurs coûts de production (1). Sur le dernier exercice, il était en moyenne de 3,88 € par kilo vif produit, en hausse de +7,5 % par rapport à l’exercice précédant. Alimentation, fermage et mécanisation sont à l’origine de cette augmentation. Les charges opérationnelles représentent 29 % de ce coût de production (1,13 €/kg de viande vive produite). Les charges de structures pèsent quant à elles pour 40 % (1,90 €/kg de viande vive produite), détaille Hubert Brivet.
Ce coût de production élevé est compensé à hauteur de 30 % par les aides Pac (1,18 €/kg de viande vive produite). Preuve que ces aides demeurent une nécessité, fait remarquer l’expert. Aides déduites, le prix de revient atteint finalement 2,56 €/kg de viande vive produite alors que le prix de marché n’était que de 2,31 €/kg. « Il manquait 25 centimes par kilo pour que le prix de vente puisse rémunérer correctement, et cela malgré une conjoncture favorable », constate Hubert Brivet.

Produire au moins 30 tonnes/UMO


D’une exploitation à l’autre, ce coût de production peut varier jusqu’à un euro par kilo de viande vive produite. « Ce sont plutôt les exploitations qui produisent le plus de tonnes qui sortent les meilleurs résultats », fait remarquer l’expert. Si la moyenne est à 50 tonnes de viande vive produite par an, les exploitations qui ont les meilleurs résultats sont à 63 tonnes.
L’autre critère déterminant est la quantité produite par unité de main-d’œuvre. L’analyse révèle un écart de productivité annuel de 18 tonnes de viande vive entre les extrêmes. Cette disparité trouve ses causes dans l’organisation du travail, dans le parcellaire, les bâtiments et la technicité… Pour Hubert Brivet, « il faut produire environ 30 tonnes/UMO en système broutard et 35 tonnes/UMO en système finition ».
Troisième critère déterminant : la conduite et la réussite du troupeau. Celle-ci se mesure en kilogrammes de viande vive produite par UGB et là encore, les écarts se révèlent considérables d’une exploitation à l’autre : « 290 kg/UGB pour le quartile inférieur et 328 kg/UGB pour le quartile supérieur. Pour s’en tirer, il faut produire en étant très technique. Attention aux animaux improductifs », met notamment en garde l’expert en gestion.

« Il faut produire en étant économique »


Malgré des niveaux d’aides et des prix de vente relativement proches, les revenus sont très disparates d’une exploitation à l’autre ce qui montre bien que c’est l’acte de production qui compte le plus, insiste Hubert Brivet.
S’il répète volontiers que « la production dilue favorablement les charges », il précise néanmoins « qu’en système bovins, on doit plutôt être en mode économe. Les exploitations à charges maîtrisées s’en sortent mieux », constate-t-il. Il est des exploitants très « techniques » qui produisent beaucoup de kilos mais avec un prix de revient élevé. « Il faut produire en étant économique ; c’est-à-dire avec efficacité », synthétise Hubert Brivet. En cela, la notion de production autonome a son importance puisqu’il s’agit des kilos de viande vifs produits uniquement grâce à l’herbe de l’exploitation, autrement dit des kilos « pas chers à produire ». Cette production autonome doit être supérieure ou égale à 240 kg par UGB, estime Hubert Brivet.

« Mesurer ce qu’on produit et savoir combien ça coûte »


En résumé, il faut viser un coût de production inférieur à la moyenne avec un prix de revient qui se rapproche du prix de marché. Les systèmes d’exploitation étant très complexes, l’optimisation du revenu passe par une multitude d’améliorations. Le préalable indispensable à tout progrès est de « mesurer ce qu’on produit puis de savoir combien çà coûte », indique Hubert Brivet.
Si la nouvelle Pac pourrait - et ce n'est pas prouvé - se révéler globalement favorable aux éleveurs, ces derniers devront rester ou redevenir techniquement productifs pour s’en sortir, prévient Hubert Brivet. Un gain de cinq tonnes de viande vive produite par exploitation est accessible. Pour y arriver, les éleveurs ont à travailler la génétique, les postes fertilité, reproduction, sanitaire ainsi que l’alimentation.
« Ce sont plein de petites choses qui font que certains arrivent à produire cinq à dix tonnes de plus, ce qui représente 10.000 € de revenu en plus ! », calcule Hubert Brivet. « Pour produire pas cher, il faut valoriser l’herbe et en limiter le gaspillage. Cela passe par la flore, la fertilisation, la maîtrise du pâturage… En matière d’alimentation, il faut des fourrages riches, optimiser les GMQ…  Il faut aussi des bâtiments modernes et fonctionnels. Le regroupement des vêlages est un autre critère décisif. Attention aussi à la mécanisation qui fait souvent la différence dans les charges », complète Hubert Brivet.

(1) Le coût de production est calculé en prenant toutes les charges réelles auxquelles on ajoute une rémunération de la main-d’œuvre, une rémunération des terres en propriété et celle des capitaux propres. De ce coût de production sont retranchées toutes les aides ce qui permet d’obtenir le prix de revient.



La décapitalisation de 2011 a laissé des traces[/titre_encadre

Thierry Lahémade de la chambre d’agriculture était invité à dresser un état de la situation de la production. Ce dernier confirmait que les 16.000 bovins perdus suite à la sécheresse de 2011 n’avaient jamais été retrouvés. Une décapitalisation massive qui se traduit aujourd’hui par un déficit de 8.000 “moules à veaux” dans le cheptel de souche. Le bilan de la campagne 2012-2013 met en évidence un déficit de production de 5.000 veaux dans le département. Si le cheptel allaitant de Saône-et-Loire demeure le premier au plan national, il aurait néanmoins besoin de recapitaliser des femelles pour arriver à maintenir son potentiel de production, estimait Thierry Lahémade.




Christian Bajard

Prix, origine française, outils d’abattage et performances technico-économiques


Faisant état d’une baisse de production généralisée tant en France qu’en Italie avec la baisse de l’engraissement, mais aussi d’une baisse de consommation et du tonnage de femelles abattues en France, le président de la section bovine de la FDSEA, Christian Bajard, expliquait cependant que la région n’avait pas intérêt à diminuer sa production. Au contraire, elle aurait bénéfice à trouver des solutions pour sécuriser son avenir. Ce qui passe par le prix, garant du revenu ; l’imposition de l’origine viande bovine française ; le maintien des outils d’abattage et, soulignait Christian Bajard, les performances technico-économiques. Pour le prix, l'éleveur estime qu’il fallait travailler sur la mise en marché, sachant qu’on ne peut plus vraiment compter sur l’intervention publique - la Pac n’étant plus qu’une façon de protéger l’exploitation. C’est sur « comment on met en marché » avec la question de la régularité, que le responsable estimait qu’il fallait désormais plancher. Une façon d’introduire la notion de contractualisation, seule solution face à la volatilité des prix et des coûts de production. Une manière aussi de « faire admettre aux distributeurs que s’ils veulent continuer d’avoir de la viande locale et de qualité, il faut qu’ils consentent une rémunération en face », estimait Christian Bajard.


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