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Passion céréales à Dijon

Indispensables innovations

Jeudi 22 novembre à la Maison de l’Université à Dijon, Passion céréales
réunissait ses partenaires de la filière en Bourgogne –notamment
Vitagora et l’Université– pour débattre de l’économie céréalière et des
enjeux qui attendent la filière et la Région bourguignonne.
Par Publié par Cédric Michelin
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Le vice-président de l’Université de Bourgogne, Jean Guzzo soulignait d’emblée le « rôle majeur » de la filière céréalière en Bourgogne qui compte pour 12.500 emplois directs. Pour les maintenir sur le territoire, « nous sommes tous convaincus que l’innovation est indispensable », lançait le délégué à la valorisation de la recherche en direction du monde économique.
De la Fondation pour l’innovation politique, Dominique Reynié rappelait d’ailleurs la base de toute action nationale : « il n’y a pas de politique sans fondement agricole ». Passé ce postulat de base sur la souveraineté alimentaire assurant une part de la sécurité des Etats, il se montrait choqué de voir « l’Europe délaisser son agriculture et faire courir un risque inouï à son peuple ». Allusion claire au budget en berne de la Pac.
Visiblement imprégné par le rapport Gallois, Dominique Reynié revenait sur la compétitivité du monde des entreprises agricoles, « exemplaires », pour lui. Confrontées aux défis présents, il reste convaincu « pour le secteur céréalier, de la nécessité de monter en gamme et d’avoir des produits plus sophistiqués sur le marché mondial ». Malgré ses « matières grises et ses innovations technologiques », la France « s’est brisée avec les OGM. Sa tradition de recherches s’éteint car on ne peut plus faire de recherche librement en France. Elle est sous la pression de groupes n’ayant pas forcément de légitimité ». Le recul des dépôts de brevets en serait la preuve. Des propos à nuancer puisque les 20 ha à Bretenières, où se trouve le pôle Agro-environnemental est appelé de ses vœux à devenir « fort ».

La Science « brisée » sur le débat OGM



Président de Dijon céréales et du Pôle de compétitivité agroalimentaire, Pierre Guez se voulait plus positif et voit en Vitagora, « le train de la recherche qui relie tous les organismes », encore dispersés. Il prenait en exemple le projet Farine+ qui s’attaque aux besoins et au marché du pain santé pour les séniors.
« Moins drôle », le président du conseil régional, François Patriat parlait « du réel » : « dans l’inconscient collectif, la France vénère le pain, avec l’imagine d’Épinal du béret et de la baguette sous le coude. Mais après, le céréalier est lui vu comme un pollueur qui "pique" l’argent de la Pac. Un paradoxe. Il faut réhabiliter l’image du céréalier » (voir encadré).
Autre réalité pour lui, le pain consommé en France : « je mange de la "merde" sur les aires d’autoroute ou dans les gares. N’est-on pas capable de produire des sandwichs avec de la valeur ajoutée ? En Bourgogne, on est capable de produire ce genre de pain de qualité. Faisons ce travail intérieur avant de vouloir nourrir le monde. Il nous faut maitriser la demande des consommateurs ».
Visiblement remonté : « pourquoi le monde agricole s’est-il tant armé pour faire de la concentration de l’offre et pas suffisamment, pour aller vers l’aval ? C’est nous qui aurions du créer les grandes enseignes de distribution. Il nous faut nous réapproprier le marché », revibrait un temps l’ancien ministre de l’Agriculture sous Chirac/Jospin.
François Patriat se faisait ensuite volontairement « provocateur » sur la question des OGM et gaz de schistes. « Nous sommes dans le domaine de l’irrationnel. On aime bien jouer avec la peur dans notre pays. Ça va être dur. Personnellement, je n’avais pas voté le principe de précaution : la pire des choses. Je suis adepte de Pasteur et il n’aurait jamais trouvé le virus contre la rage avec ce principe de précaution. En revanche, je ne suis pas prêt à tout (OGM, gaz de schiste) ».


Ré-enchanter les céréales



Jean-Jacques Boutaud, professeur en sciences de la communication, conseille de « ré-enchanter » la filière céréalière. Il interrogeait les participants sur l’imaginaire figuratif des céréales. « Le défi sera de montrer toute l’extension des produits transformés et comment les céréales participent à la vie sociale. Cela peut faire sens pour le consommateur et cela passera par des mots ». Il s’appuyait sur l’exemple du vin : « 15-20 mots suffisent aux amateurs qui se débrouillent ensuite pour produire du sens sur la scène sociale, avec aussi des gestes, théâtralisés et ritualisés ». Pierre Guez se prenait alors à rêver « d’amener le blé de Bourgogne au niveau de la notoriété des vins de Bourgogne ».






Et si nous varions nos sources de protéines ?


Les protéines sont un élément essentiel de notre alimentation, c’est un fait entendu. Mais des différences persistent. Dans les pays d’Europe et d’Amérique du Nord, la consommation de protéines végétales est largement inférieure à celle de protéines animales (de 60 à 80 % selon les pays). Stéphane Walrand, de l'Inra Clermont-Ferrand explique que : " La valeur nutritionnelle de la protéine végétale est inférieure à celle de la protéine animale. Mais aujourd’hui, il est tout à fait possible de développer des aliments d’origine végétale apportant des protéines de bonne qualité. Pour augmenter leur qualité nutritionnelle, de nouveaux procédés industriels le permettent. Par exemple, en associant le blé avec certaines légumineuses au sein d’aliments simples et couramment consommés, comme des pâtes alimentaires. À ce stade, il est essentiel que le consommateur l'accepte. Les chercheurs essaient actuellement de mieux comprendre les éventuelles réticences du consommateur vis-à-vis des protéines végétales. Par exemple, l’équipe dijonnaise de Pascal Schlich (Inra) étudie couleurs, goûts, textures et sensorialités de ces pâtes contenant une part de farine de légumineuses. A terme, l’ensemble de ces travaux de recherche devrait permettre de rééquilibrer les sources protéiques dans notre alimentation, pour arriver à un apport 50 % végétal/50 % animal conforme aux objectifs du PNNS.




Gaz de schiste : la France, le Qatar de l'Europe



Le gouvernement a-t-il eu raison de ne pas suivre le rapport Gallois sur le gaz de schiste ? C'est la question qui a été posée par le journal le Monde à Michel Rocard, qui répondait alors franchement, sans pression électorale : "sur ce sujet, étant très écolo, je me suis longtemps abstenu. Mais je n'ai rien lu qui soit complètement convaincant. On a un réflexe fantasmé un peu du même type que face aux OGM. Quand on sait que le gaz de Lacq était extrait par fracturation hydraulique sans dégâts sur place, on s'interroge. Or la France est bénie des dieux. Pour l'Europe, elle serait au gaz de schiste ce que le Qatar est au pétrole. Peut-on s'en priver ? Je ne le crois pas", jugeait l'ancien Premier Ministre sous Miterrand.