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Calamité agricole : Sécheresse

Inquiétant à court, moyen et long termes

Mercredi 22 juillet, la profession a fait le tour du département
agricole à la rencontre des agriculteurs qui font de plus en plus face
aux difficultés liées à la sécheresse. Une canicule même qui frappe le
département depuis plusieurs semaines. En lien avec la chambre
d'agriculture, la DDT a mené une enquête pour réaliser un constat
concret de la situation. Un constat inquiétant à ce stade…
Par Publié par Cédric Michelin
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La commission a ainsi visité cinq exploitations sur tout le département. Celle de Grégory Fréchou en Bresse (Le Fay), celle du Gaec Berthenet en Côte Chalonnaise (Sassangy), celle de Pascal Vacher dans l’Autunois (Charmoy), celle de Frédéric Renaud dans le Charollais (Bourbon-Lancy) et celle de Christophe Loreaud dans le Mâconnais (Cortevaix). Ainsi, les services de l’État ont pu constater sur les terrains les dramatiques conséquences de la sécheresse. Toutes les grandes productions sont concernées : élevages allaitant, grandes cultures, viticulture, élevage laitier, élevage ovin…
Et les esprits se sont échauffés au fil de la journée avec la température. Le soir, à Cortevaix, le « ras le bol » général était perceptible et résumait l'esprit actuel de la profession. Du coup, la sécheresse n’était finalement plus qu’une « goutte d’eau qui fait débordé le vase ». Les agriculteurs étant excédés par des années de crises sans en voir la sortie, ni de solutions tangibles.
Pour la chambre d’Agriculture, Robert Martin ne comprenait que trop bien cette détresse. Il invitait toutefois à une écoute respectueuse pour réussir à « monter un dossier calamité agricole du mieux possible » par l’État. Car cela semble une des rares solution à tenter... De la DDT, Laurent Charasse en rappelait les règles pour que le Ministère le reconnaisse éligible. A savoir, au minimum 30 % de pertes de fourrages sur l’ensemble de la campagne et 13 % de perte du chiffre d’affaire global pour l’exploitation.

Obliger de vendre ses broutards



Installé en 1988, marié avec trois enfants, à 51 ans, Christophe Loreaud exploite 160 ha pour 100 vêlages. Il fait aussi 50 agnelages. Depuis un mois, il est obligé d’approvisionner ses bêtes aux prés avec de la paille et ce dans toutes ses parcelles même, depuis les quinze derniers jours. Un coût qu’il estime entre 400 et 450 € par jour donc. « J’ai vendu hier un broutard à 810 €, ce qui me paye dans le meilleur des cas que deux jours » d’alimentation. « D’habitude, je vends mes broutards en octobre », indiquait-il pour bien expliquer son manque de trésorerie actuel. « Même s’il se met à pleuvoir, il faudra compter encore 60 jours » avant que l’herbe ne puisse être pâturée.

Gare aux prochaines factures



Le début d'une longue anxiété. Car, il ne pourra pas en être ainsi tout le temps au vu des faibles cours des bovins. Heureusement, Christophe a « fait une récolte de fourrage normale, en quantité (entre 2 et 3 tonnes/ha) et de bonne qualité », reconnaît-il, lui qui a un parcellaire « 100 % d’herbes ». Ses prés sont alimentés par adduction d’eau. « Gare à la prochaine facture d’eau », murmuraient par anticipation les 40 agriculteurs présents. Christophe Loreaud craint donc aussi de vivre un « mauvais hiver », faute de stock de fourrage et sans capacité d’en acheter. Les marchands de pailles voulant naturellement « encaisser le chèque avant de livrer ».
Du Gaec Copex à Taizé, Christophe Parat et Luc Baumont sont en polycultures. Mais les « céréales sur les coteaux sont catastrophiques » et la canicule leur a fait perdre 30 % de la récolte en cassis et jusqu’à 50 % pour les groseilles. « En multi-productions, on a systématiquement le droit à rien » côté assurance. Une « aberration », selon eux, alors que la politique gouvernementale pousse à diversifier. Sachant que leurs maïs sont compromis, les associés aimeraient savoir les évaluer et les vendre à des éleveurs pour couvrir « au moins les charges engagées », ce qui ne doit se faire qu’après le passage de son assureur si la parcelle est assurée.

Et les conséquences derrière



De Champagny-sous-Uxelles, Hélène Philippon enchainait sur cette ambiance morose dans la profession : « Ah, elles sont belles les stabulations des agriculteurs mais elles sont aux banquiers. Et les contrôles, on a l’impression d’être des voleurs et des fraudeurs ».
« Si ça ne va pas mieux, je fermerai au printemps », reprenait Christophe Loreaud la gorge serrée, lui qui perd le moral : « j’étais passionné par mon métier ». Et de poursuivre par un véritable cri du cœur : « Mais quand nos femmes nous disent qu’on fait trop d’heures et qu’on n’a rien au bout, on finit par s’engueuler ou elles partent…. En 1950, il y avait 42 fermes à Cortevaix en polyculture-élevage. On n’est plus que trois et je suis le seul en élevage et le plus jeune. Quand on sera crevé, qu’il ne restera plus de paysan, qu’est ce que tous les emplois générés vont faire ? », questionnait-il l’assistance, non pas pour avoir une réponse mais bel et bien pour provoquer une réaction salutaire de tous…




Para-agricole : 80 % de factures impayées



Vétérinaire à Cluny, Pascal Briday témoignait des conséquences de la crise de l’élevage pour son cabinet. « 80 % des éleveurs ne peuvent plus payer leurs factures deux mois après réception. Cela plombe notre trésorerie ». Au delà, il sait que les conséquences sanitaires de la sécheresse ne vont pas améliorer cette situation. « En plus des pertes de poids, après des mois de sécheresse, il n’y aura non reproduction pour les vaches qui ont vêlé après le 15 avril. La consommation aussi de plantes toxiques ou d’eau infestée va provoquer une recrudescence de maladies. Je suis inquiet pour l’état sanitaire des troupeaux ». Des carences qui risquent de couter deux fois plus cher aux éleveurs et des vétérinaires qui, cette fois, ne savent vraiment pas s’ils seront payés tôt ou tard… « On aura tous des soucis ». Un sentiment partagé par Armand Lagrost qui confirmait être « tous dans le même bateau », lui qui a dû licencier 9 personnes cet hiver déjà en raison de la grave crise de l’élevage qui impacte l’alimentation animale. « Eleveur, c’est une profession qu’on apprend aux culs des vaches pendant 20 ans. Ce n’est pas une industrie qu’on ferme ou rouvre en 6 mois. Si on perd les éleveurs, c’est fini, insistait-il et de conclure : C’est une question de survie » pour les territoires ruraux…



Grégory Fréchou : du maïs ensilage « à un prix raisonnable »


Depuis 2006, Grégory Fréchou élève seul ses Aubrac sur Le Fay en Bresse. Il exploite 145 ha dont 25 ha de céréales autoconsommées, 50 ha de prairies temporaires et 70 ha de prairies permanentes. Il procède en moyenne à 90 vêlages chaque année, 40 en septembre et 50 en novembre-décembre. La majorité des génisses sont vendues et une moitié des taurillons. L’autre moitié donne des broutards alourdis. Il a également 70 brebis. Les 120 mm de pluie le 1er mai ont « fait mal » aux semis de printemps et depuis, c’est désormais la sécheresse avec du vent « tous les jours » qui frappe. « C’est dramatique et sec comme en 1976 », débute-t-il. Il reconnaît avoir réussi à faire avant une récolte de foin correct cette année mais depuis « que 30 bottes de regain contre 500 habituellement » (une coupe au lieu de trois). Depuis une semaine, il donne à manger à ses animaux. « A ce rythme, au 1er décembre, je n’aurai plus de stock » et donc impossible de passer l’hiver dans ces conditions. Il estime qu’il lui faudrait un budget de 30 à 40.000 € pour passer le cap. Il espère donc que les prairies seront reconnues et éligibles au fond de calamité éventuel. « Si je n’ai pas de quoi nourrir mes vaches, je vais devoir les vendre », regretterai-t-il.


Alors que la météo n’annonce pas de pluie significative sous une dizaine de jours, Grégory Fréchou invite ses collègues à « ne pas gaspiller la moindre plante », faisant là référence aux maïs grains qui vont être "foutus" s’il ne pleut pas rapidement. « Il faudrait trouver un système avec les assureurs, comme en 2003 avec des aides pour acheter les maïs sans panouilles sur pieds, pour que les maïsiculteurs puissent s’engager à les vendre à un prix raisonnable », car sinon, « leurs frais ne vont même pas payer la récolte ».



Frédéric Renaud : la moitié des pâtures à rénover



A Chalmoux, Frédéric Renaud, sa femme (conjointe-collaboratrice) et ses deux frères sont associés. Avec 650 brebis, 130 vaches et 2 poulaillers (label), une trentaine d’hectares sont dédiés aux cultures autoconsommées (14 ha d’orges ; 18 ha de triticales) sur 290 ha près de Bourbon-Lancy. Partant de stocks inférieurs aux années "normales", les récoltes de foin et d’ensilages ont été bonnes et moyennes pour les céréales (35 q/ha en orge et 45 q/ha en triticale). « La sécheresse dure » et va obliger dès cette semaine à donner du foin à tous les lots (moutons et vaches). Résultat logique : « on va être à court en milieu d’hiver ». Mais la priorité actuelle est l’eau. « Les petits cours d’eau ne coulent plus et les gros sont impropres à la consommation » des bêtes. Il les a donc rassemblées dans les champs qui ont un réseau d’eau. « Ça va avoir un surcoût et comme pour l’achat de matière première, nos trésoreries ne nous le permettent pas ». Avec ses terrains séchants, Frédéric Renaud prévoit déjà de devoir refaire aussi la moitié de ses pâtures. « J’attends un dialogue pour savoir quoi faire mais beaucoup aux alentours sont au bord de la faillite »


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