Interview de Christian Durlin, vice-président de la Commission environnement de la FNSEA « Non à de nouvelles distorsions de concurrence »
Dans le cadre du plan de sortie du glyphosate engagé par le gouvernement, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a publié, le 9 octobre, son évaluation comparative avec les alternatives disponibles et non chimiques au glyphosate. Pour la FNSEA, les restrictions demandées par l’Agence sont difficilement compatibles avec la faisabilité économique et la rentabilité d'une majorité d'exploitations.

Après deux années d’études, l’Anses vient de rendre public ses décisions pour la viticulture, l’arboriculture et les grandes cultures. Que vous inspirent-elles ?
Christian Durlin : À leur lecture, j’ai éprouvé des sentiments très partagés. En effet, le 27 novembre 2017, le président Emmanuel Macron avait publié un tweet promettant l’interdiction du glyphosate dans un délai de trois ans. Il affirmait avoir « demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans trois ans ». Il a mis un terme à cette promesse en janvier 2019 à Bourg-en-Bresse* et on peut dire aujourd’hui que l’Anses donne raison aux agriculteurs sur le fait qu’il n’existe pas à ce jour de solutions alternatives qui permettent d’assurer la compétitivité des exploitations. L’Anses a décidé de ne pas interdire le glyphosate quand le désherbage mécanique est impossible, c’est-à-dire quand les vignes et vergers sont en forte pente, en sols caillouteux ou en terrasse, ou quand on récolte mécaniquement les fruits au sol pour les arboriculteurs. De même en grandes cultures en cas de non-labour.
En quoi n’êtes-vous pas satisfait de ces décisions ?
C.D. : Deux impasses majeures ne sont pas prises en compte dans les conclusions de l’Anses. D’une part, la gestion des vivaces après un labour ou lors de fortes invasions, comme par exemple avec les chiendents qui se répandent dans toute la parcelle très rapidement. D’autre part, la gestion sous le rang en viticulture, avec l’introduction d’un 20 % maximum de surface traitée.
Vous êtes sceptique sur les conclusions de l’Anses sur les grandes cultures. Pourquoi ?
C.D. : Parce que certaines recommandations sont incohérentes. En effet, pour se passer du glyphosate, la seule solution c’est de recourir au labour avec les conséquences économiques et environnementales que cette solution génère. Et dans le même temps, il est demandé aux agriculteurs de réduire leur empreinte carbone. Or le labour est clairement défavorable au stockage du carbone dans les sols. Il est illusoire de croire que les vivaces, dont certaines sont toxiques et allergiques seront totalement éradiquées par le labour. Elles auraient plutôt tendance à se multiplier.
La France est-elle le seul pays dans cette situation ?
C.D. : Oui, une fois de plus, la France va au-delà du cadre européen. Le glyphosate reste autorisé dans les autres pays de l'Union européenne, sans restriction pour les usages non substituables. Certains pays comme l’Autriche sont revenus au glyphosate et hors UE, le Sri Lanka le réautorise. La FNSEA a démontré dans son Contrat de solutions, toutes les impasses et les difficultés techniques liées à l’arrêt du glyphosate. Il faut y ajouter les impacts économiques liés à cette non-utilisation. Car nos produits deviennent moins compétitifs à l’export et, finalement, cette situation nous conduit à importer des produits qui ne respectent pas nos normes ! C’est un comble. Que dire aussi des zones intermédiaires ! L’arrêt du glyphosate pourrait être fatal à de nombreux agriculteurs qui ont besoin de cette molécule qui leur permet de grignoter quelques euros la tonne et leur permet de tenir financièrement. Ce n’est pas anodin. Comme pour d’autres substances, il n’est pas envisageable d’interdire le glyphosate tant qu’il n’existe pas une solution alternative qui soit réellement efficace et qui assure la rentabilité des exploitations. Les États membres de l’Union européenne devront avoir toutes ces données en main avant de décider à la fin 2022, de prolonger ou d’interdire cette substance.